Lecaractère du guide joue un rôle fondamental dans la forme que va prendre cette relation. Si le guide a une personnalité distante, il va rester sur la réserve en gardant une relation formelle avec son groupe. Par contre, un guide comme Samir ou Moh'd, aura un contact plus facile avec son groupe. Le tutoiement et le vouvoiement. Ce thème est l'exemple le plus

Notre focus sur une des pages de notre site lien externe Non à la viande Le réseau consciences-citoYennes est, actuellement, en train de réfléchir à sa participation aux élections fédérales de l’année prochaine. Veux-tu y contribuer, y participer ? Avec toi, nous serons plus forts et plus nombreux pour faire entendre notre voix ! Le réseau consciences-citoYennes le signale les chaleurs intenses qu’il a fait cet été sont le signe fort d’une catastrophe à venir. Il est, en effet, à prévoir prochainement feux, pénurie à tous les niveau, guerre civile, maladie, faim, manque d’eau propre, etc. En ce sens, notre réseau est favorable à l’établissement d’une cellule de crise nationale pour concevoir, dès maintenant, notre autosubsistance collective. Maintenant, toute la question est de savoir si la population est prête à entendre et à croire cela ? Bref, au moins, notre réseau se sera, une fois de plus, positionné clairement à ce sujet. Le réseau consciences-citoYennes soutient et appelle à soutenir L’initiative pour l’avenir » proposée par la Jeunesse Socialistes. Ils expliquent La crise climatique est la plus grande crise de notre temps. Aujourd’hui, la politique climatique veut faire reposer la responsabilité de la crise climatique sur les épaules des 99%. Mais ce n’est pas à nous de payer pour la politique climatique ! En effet, ce sont les ultra-riches qui profitent le plus du système à l’origine de la crise, le capitalisme néolibéral, et qui mettent en péril les bases de notre vie pour leurs profits ! L’initiative garantit que les ultra-riches paient pour la politique climatique. Un impôt de 50% sur les successions à partir de 50 millions permet non seulement de lutter durablement contre l’inégalité des fortunes, mais aussi d’utiliser cet argent pour nous permettre de travailler, nous loger et vivre en société de façon écologique et sociale. Nous ouvrons ainsi un nouveau chapitre de la politique climatique suisse. » Soutiens l’initiative par ta signature. Le réseau consciences-citoYennes t’informe que le mouvement Extinction Rebellion Genève XR ainsi que diverses organisations actives sur les thèmes de la transition écologique, de la santé mentale et de la Communication Non-Violente se sont engagés pour mettre en place, en intelligence collective, une campagne de communication et de sensibilisation nommée Faire Face. La Ville de Genève par son service Agenda 21 a soutenu le projet. La campagne Faire Face a pour objectif de sensibiliser les citoyennes à des risques climatiques pour Genève. A quoi pouvons-nous nous attendre, si l’inaction tant politique qu’individuel persiste ? Le but de cette campagne est de délivrer des messages scientifiques vulgarisés et clairs au grand public. C’est pourquoi par cette campagne, les initiateurices du projet et membres d’Extinction Rebellion se félicitent de l’adhésion de la ville de Genève à la 1ère revendication du mouvement qui est de dire la vérité sur le caractère mortel de notre situation et sur l’urgence de se mobiliser pour en sortir. Dès le 30 mai, des affiches dans l’espace public et des vidéos exposeront 8 scénarii de situations d’urgence situées dans les années 2040 et de leur tourner la page en vous rendant sur Nous terminons ce courriel comme à l’accoutumée par un partage d’agenda et de liens Nous te remercions pour ton attention et t’adressons nos salutations citoYennes, Consciences-citoYennes. Réseau en faveur d’une insurrection des consciences et d’une transition citoyenneNous te remercions pour ton attention et t’adressons nos salutations citoYennes, Consciences-citoYennes. Réseau en faveur d’une insurrection des consciences et d’une transition citoyenne * Le réseau choisit le tutoiement des personnes à qui il s’adresse, car le vouvoiement est conçu comme étant une trace idéologique d’une politique de la distinction propre à une époque dominée par le pouvoir et la servitude. Le tutoiement pouvant être aussi respectueux que le vouvoiement, nous ne voyons aucun intérêt à l’utiliser, surtout qu’il crée de la distance, de la verticalité et de la non-réciprocité. Bref, tout le contraire de ce que nous souhaitons au niveau des relations humaines dans une société citoyenne. pourla première fois, c'est aussi un rite de passage dans une relation. Mais puisque le français n'est pas ma langue maternelle, il se peut bien que je le ressente d'une manière toute autre. Non, je le sens comme ça aussi. Passer du vous au tu, m'est agréable. C'est comme dire à l'autre "je reconnais en toi quelque chose que nous avons en commun".
Les Sonnets » dans la Pléiade Shakespeare, c’est tout un poème Adulé pour son théâtre flamboyant, Shakespeare a également signé une oeuvre poétique remarquable, rassemblée dans un tout nouveau volume de La Pléiade. L’occasion de revenir sur l’énigme de ses Sonnets ». Leurs sens multiples, leurs jeux de mots, leur rythme et leur harmonie éblouissent encore aujourd’hui. Par Philippe Chevilley La troupe du Berliner Ensemble en 2010, dans une mise en scène de Robert Wilson de 25 sonnets de Shakespeare sur une partition musicale de Rufus Wainwright. ©RUBY WASHINGTON/The New York Tim > ZOOM cliquer l’image On a éprouvé les tempêtes et les guerres, admiré et haï les rois, rit avec les fous, pleuré avec les amants désunis, tutoyé le ciel et la terre… Cette fois, l’aventure est terminée le huitième et dernier tome des oeuvres complètes de William Shakespeare 1564-1616, en édition bilingue dans une nouvelle traduction, est paru dans La Pléiade. Un bouquet final dédié à la poésie du grand Will. Pour Jean-Michel Déprats, qui travaille à cette somme depuis deux décennies, traduire les fameux Sonnets - au coeur de cet ultime tome - n’a pas été la partie la plus facile. Il m’a fallu deux ans et demi pour y parvenir… » A titre d’exemple, j’ai passé autant de temps sur le sonnet 135 que sur une pièce entière ». Ce sonnet adressé à une mystérieuse dame brune concentre à la fois tout le génie et la complexité de l’oeuvre polysémie sexuelle, passion des jeux de mots, rythme hypnotique. Le poète joue avec Will, son prénom, et celui d’un rival qui désigne en anglais à la fois le verbe vouloir et l’organe sexuel masculin ou féminin. De Will » en will », il reproche à sa maîtresse de se donner à tous les hommes, mais pas à lui . Pour ne pas altérer le sens et l’effet produit, j’ai diversifié les traductions correspondant aux significations diverses.. en restant proche quand c’est possible du son ’will’ par exemple avec le mot ’oui’ ». Fabuleux paradoxe Les Sonnets constituent un fabuleux paradoxe. D’un côté, ils illustrent la cohérence du génie shakespearien, dramaturge et poète à part entière. En dévoilant ce qui semble être sa part intime, ils inclinent à penser que l’homme a bel et bien existé, que Shakespeare n’est pas le nom de code d’un collectif, comme certains le prétendent. Mais d’un autre côté, par leur singularité et leur caractère énigmatique, ils accroissent le mystère d’un destin extraordinaire - celui de ce fils de gantier qui, une fois marié, a brutalement renoncé à sa petite vie paisible dans la ville de Stratford pour conquérir Londres et le monde. Lorsque Shakespeare s’attaque au sonnet, ce genre noble est tombé en désuétude. Qu’à cela ne tienne ! Dans son introduction au tome de La Pléiade, l’universitaire Anne-Marie Miller-Blaise 1 explique que le dramaturge s’est emparé du modèle de Pétrarque - ode très codifiée à l’amour sublimé - pour mieux le subvertir. La structure, trois quatrains suivis d’un distique, sert son dessein exposer des pensées, pour mieux les questionner, voire les contredire Il retourne les choses, les mots, fait éclater tous leurs sens ». Selon la spécialiste, pour Shakespeare, il n’y a pas d’interdit du langage. De coïncidence en coïncidence, il nous invite à abolir l’inconscient de la langue ». Jeune éphèbe et dame brune La subversion tient aussi aux épanchements équivoques du poète. Dans les 126 premiers sonnets, il exprime son amour pour un jeune homme ; dans les 28 derniers, son désir pour la sulfureuse Dark Lady ». Le chassé-croisé vire au trio amoureux quand le poète jaloux reproche à la dame de vouloir séduire son amant. S’il semble ne pas vouloir passer à l’acte avec le jeune homme il le voue au lit des femmes et l’incite à se reproduire, il brûle apparemment de désir pour l’intrigante dame brune. Cette bisexualité affichée n’est pas si surprenante à l’époque élisabéthaine où l’adolescent était volontiers considéré comme un être androgyne. Mais en faire le fil rouge de ses poèmes est osé. Les Sonnets de Shakespeare Illustration du peintre lituanien Stasis Krasaukas pour une édition de 1966 des Sonnets Difficile de faire le lien avec la vie intime de Shakespeare. On ignore en effet l’identité de ce duo d’amant et maîtresse. L’adresse des poèmes à un certain W. H. a permis aux historiens d’échafauder moult théories plus ou moins fumeuses en ce qui concerne le nom du garçon. Aucune dame brune n’a en revanche été débusquée dans son entourage… Ces serments d’amour ne sont peut-être après tout que des fantasmes ou une licence, l’esquisse d’un manifeste poétique amoureux. William confiné Reste la question intrigante de la publication tardive des sonnets 1609. Shakespeare les a probablement écrits beaucoup plus tôt. Un indice dans Peines d’amour perdues » 1594-1596, le personnage de Rosaline fait beaucoup penser à la Dark lady », souligne Jean-Michel Déprats. Selon le traducteur, la période d’écriture correspond probablement à l’épidémie de peste. Les théâtres étaient fermés… ». Shakespeare confiné se rabat sur la poésie… Etrange résonance avec aujourd’hui ! Si cette partie de son oeuvre a été éditée sur le tard, c’est peut-être parce que son auteur n’avait pas pensé à les publier, préférant les faire tourner parmi un groupe d’amis ou de protecteurs. Accaparé par le théâtre, il n’avait sans doute pas le temps de les mettre en forme » , suggère Anne-Marie Miller-Blaise. D’autant que ses pièces représentaient une activité bien plus lucrative. Un recueil de poésie était vendu une fois pour toutes à une librairie ». Conséquence, les Sonnets connaissent peu de succès de son vivant. Et quand on les redécouvrira après sa mort, ce sera surtout pour dénoncer leur caractère licencieux. Ce traitement particulier du désir, du temps, de l’éternité trouve encore un écho de nos jours. La langue des sonnets apparaît très moderne, proche de la nôtre Cette oeuvre si agile connaîtra finalement un éblouissant retournement de fortune. En particulier en France, deux siècles plus tard, quand les romantiques font du poète anglais leur barde » favori. Cette exaltation de l’amour, ce traitement particulier du désir, du temps, de l’éternité trouve encore un écho de nos jours. La langue des sonnets apparaît très moderne, proche de la nôtre » , explique Anne-Marie Miller-Blaise. Jean-Michel Déprats est du même avis Tous les états de l’amour y sont convoqués, à la façon de Roland Barthes. Les Sonnets nous proposent un parcours amoureux diversifié, souvent douloureux, plus rarement porté par la joie de la beauté et de la fidélité ». Ils évoquent aussi le temps qui nous est compté, le caractère éphémère des passions. Des thèmes éternels dans une langue sans âge… En témoignent les publications et les nouvelles traductions qui ne cessent de se multiplier en ce début de millénaire. Alexandrins blancs DES THEMES QUI TROUVENTENCORE UN ECHO DE NOSJOURS ET UNE LANGUE QUIAPPARAÎT TRES MODERNEPROCHE DE LA NÔTRE Le volume de La Pléiade offre justement en bonus une anthologie des meilleures traductions des sonnets en français depuis deux siècles. Chateaubriand, Francois-Victor Hugo, Yves Bonnefoy, Claude Neumann… quelque soixante auteurs et autant de visions différentes explorent tous les possibles d’une oeuvre inégalée. Quid de la version de Jean-Michel Déprats ? J’ai voulu éviter deux extrêmes un excès de formalisme, la recherche de la rime pour la rime qui dénature le sens des mots et du poème dans son ensemble. Ou à l’inverse une transposition dans une prose qui oublierait la poésie ». Aussi revendique-t-il un entre-deux » J’ai opté pour des alexandrins blancs sans rime en m’autorisant de rares écarts quelques décasyllabes et vers de quatorze syllabes quand j’y étais contraint ». Résultat, un beau travail équilibré qui préserve la magie de ces vignettes miraculeuses, respecte la musique des vers, en clarifiant au maximum le propos. Le traducteur reste humble Il y a tellement de polysémie, tenter une traduction parfaite est voué à l’échec. On ne peut pas rendre en français toute cette richesse. On ne peut faire entendre que deux ou trois sens sur six ou sept. C’est peut-être un avantage… car les Anglais, à vouloir tout saisir s’y perdent parfois » … Il faut en tout état de cause ne pas hésiter à consulter les notes de l’ouvrage qui permettent de contextualiser chaque sonnet données historiques, convictions de l’époque… Et pour en saisir toute la substantifique moelle, certains méritent d’être lus deux ou trois fois. Contre la violence sexuelle En contrepoint, La Pléiade a réuni les autres oeuvres poétiques de Shakespeare, dont les deux poèmes narratifs érotico-mythologiques Vénus et Adonis » 1593 et Le Viol de Lucrèce » 1594 traduits par Henri Suhamy. En apparence convenus, ils traitent avec audace du désir et de ses perversions Vénus prête à tout pour séduire Adonis, Tarquin qui franchit toutes les portes de l’abjection pour posséder Lucrèce. Moins retravaillés, fulgurants, ils frappent par leur côté poignant et leur incroyable ironie », affirme Anne-Marie Miller-Blaise. Le viol de Lucrèce », en particulier s’avère extralucide dans sa manière de démonter la violence sexuelle. Très proche d’un texte dramatique, le poème a l’envergure et la majesté d’une tragédie à la française ». Chrono-lithographie The Genius of Shakespeare », de 1888, le représentant devant ses plus célèbres pièces de théâtre .©Bridgeman Images ZOOM cliquer l’image Préfèrera-t-on toujours le Shakespeare dramaturge au Shakespeare poète ? Cette opposition n’a pas lieu d’être » assure Jean-Michel Déprats. Il y a autant de poésie dans son théâtre, que de théâtralité dans sa poésie. Des sonnets et diverses formes lyriques sont insérés dans ses pièces dans Périclès », La vie d’Henri V », La Tempête » Les chansons d’Ariel, Roméo et Juliette » le choeur et le premier échange entre les amants… » Quant aux Sonnets » eux-mêmes, ils ont autant vocation être dits à haute voix que lus ». Chantés même, parfois le metteur en scène américain Robert Wilson en a fait en 2010 un beau spectacle musical, sur une partition du ténor pop Rufus Wainwright. La messe est dite. Shakespeare in love » a révolutionné la poésie, comme le théâtre. Depuis quatre siècles, le poète amoureux fait battre les coeurs plus vite avec ses intrigants sonnets. Quel amante résisterai à l’appel du numéro 43 ? Tous mes jours sont des nuits tant que je ne te voie/et mes nuits des jours clairs quand je rêve de toi ». All days are nights to see till I see thee, /And nights brights days when dreams do show thee me » A lire Sonnets et autres poèmes OEuvres complètes, VIII. Edition publiée sous la direction de Jean-Michel Déprats et Gisèle Venet. Bibliothèque de La Pléiade, pages, 59euros. prix de lancement ; 1 professeure en littérature anglaise et histoire culturelle des XVIe et XVIIesiècles à Université Sorbonne nouvelle. CHRONOLOGIE POETIQUE 1593 publication à 29 ans du poème Venus et Adonis » 1594 Le viol de Lucrèce » 1594 -1995 Ecriture des pièces Le Songe d’une nuit d’été », fantasmagorie poétique s’il en est, et de Roméo et Juliette », avec ses accents tragiques et ses sonnets. 1599-1601 Hamlet », la pièce la plus intime de Shakespeare, sorte de manifeste mélancolique. 1609 Publication des Sonnets, probablement écrits dans les années 1590. 1610-11 La Tempête », chef-d’oeuvre féerique. 1611 Macbeth avec son atmosphère onirique et ses sorcières. Par Philippe Chevilley Crédit Les Echos, le 24 mars 2021 Shakespeare mon amour La première rencontre entre Roméo et Juliette se matérialise par un échange de mots qui devient un sonnet. Pour François-Victor Hugo qui ressuscita le théâtre shakespearien au 19ème, le sonnet est le langage même des amoureux. Comment Shakespeare construit-il l’amour dans et par la langue ? Shakespeare• Crédits CSA Images-Getty L’invitée du jour Anne-Marie Miller-Blaise, professeure en littérature et histoire culturelle britanniques des 16e-17e siècles à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, vice-présidente de la Société Française Shakespeare Le sonnet, langage de l’amour Shakespeare a écrit à une période où l’on considère le théâtre comme de la poésie… Mais il a un rapport différent peut-être à la poésie et ses enjeux, à la fois sur la scène et dans l’écriture de ses sonnets. La rencontre entre Roméo et Juliette se matérialise dans le texte de la pièce, à l’acte I scène 5, par un échange de mots qui devient un sonnet… Comme le dira plus tard François-Victor Hugo, tous les amoureux font des sonnets, c’est le langage même des amoureux. Anne-Marie Miller-Blaise Le sonnet, écriture de l’intime ? Penser que le sonnet est une écriture de l’intime est une idée qui surgit au 18ème siècle lorsqu’on commence à identifier le Shakespeare des sonnets comme un Shakespeare qui parlerait en son nom propre, et qu’on commence à voir les sonnets comme une trace autobiographique de l’auteur. Dès Pétrarque, le sonnet est une forme qui semble donner voix et corps à une douleur amoureuse ressentie au plus profond de soi même, mais il faut se garder de cette tentation il faut penser le sonnet comme partiellement biographique, peut-être, mais aussi comme une auto-fiction... Anne-Marie Miller-Blaise Textes lus par Denis Podalydès - William Shakespeare,Sonnets, Sonnet 18, Sonnet 20 et Sonnet 64, 1609, traduction de Jean-Michel Déprats, à paraître fin 2020, édition de la Pléiade, vol. VIII dernier volume des Œuvres complètes Sons diffusés - Extraits de Shakespeare in love, film de John Madden, 1998- Extrait de Roméo et Juliette, film de Franco Zeffirelli, 1968- Chanson de Rufus Wainwright, Take all my loves Sonnet 40 À RÉÉCOUTER SÉRIE William Shakespeare, 4 épisodes France Culture / La compagnie des auteurs Le même Shakespeare écrit Hamlet » et les Sonnets » PAR JEAN-MICHEL DÉPRATS LE 10 MARS 2021 … Entreprendre de retraduire une œuvre majeure, même cent fois traduite, et parfois avec éclat, n’exprime nullement une insatisfaction vis-à-vis des accomplissements antérieurs. La retraduction ne porte pas en soi une critique voilée des poètes traducteurs qui vous ont précédé. Comme l’écrit clairement Jacques Darras, lui-même par deux fois retraducteur récent desSonnetsde Shakespeare C’est le propre de l’œuvre accomplie, en musique comme en poésie, que de permettre une infinie quantité de lectures, de traductions. […] Sachant qu’il n’y en aura jamais de version définitive […] traduire lesSonnetsde Shakespeare, c’est toucher au principe d’insatisfaction » Il y a toujours place pour autre chose. Au tome I desŒuvres complètes de Shakespeare dans la Pléiade, un texte de réflexion sur les questions de traduction, intitulé Traduire Shakespeare » et sous-titré Pour une poétique théâtrale de la traduction shakespearienne », présente la problématique générale de la traduction théâtrale et explore les apories et les limites de la traduction en français moderne de l’anglais élisabéthain. J’y affirme la spécificité de la traduction destinée à la scène, entée sur la perception de ce que Patrice Pavis appelle le verbo-corps1 » et qui désigne l’inscription du souffle et de la gestualité dans la langue. À travers les rythmes, les assonances, les rimes intérieures, les effets allitératifs, les ruptures syntaxiques ou les coulées verbales, Shakespeare guide l’acteur dans son jeu, et il n’est aucun élément de son écriture dramatique qui soit sans conséquences pour l’interprétation d’un rôle. La question se pose donc d’emblée les caracérisiques de la traduction théâtrale, telle que je l’entends, la définis et la pratique, s’appliquent-elles à la traduction desSonnets ? Faut-il au contraire inventer une autre approche et esquisser une autre esthétique pour cerner et transmettre la spécificité de la forme lyrique ? Les lignes qui suivent ont pour seul objet d’aborder et de problématiser ces questions fondamentales. Elles s’attachent à décrire les options adoptées dans cette nouvelle traduction desSonnets, non à élaborer une théorie de la traduction poé- tique comme celle, convaincante et brillamment argumentée, que développe Yves Bonnefoy dans les pages qu’il consacre, au sujet des mêmes sonnets, à l’exposé de sa propre démarche. L’étroite imbrication du poétique et du théâtral dans l’œuvre de Shakespeare est manifeste. Nul ne songerait à dire que Shakespeare est moins poète dans ses pièces que dans sesSonnetset ses autres poèmes. De nombreuses formes lyriques sont insérées dans le tissu même des pièces, qu’il s’agisse, dansRoméo et Juliette, des sonnets que prononce le Chœur en guise de Prologue à la pièce, ou, au début de l’acte II, du sonnet, encore, que forment les répliques alternées des personnages éponymes lors de leur première rencontre ; ou bien, dansPériclès, des différentes interventions en octosyllabes de Gower, qui fait fonction de chœur. Dans l’intervalle la date de compo- sition deRoméo et Juliettese situe entre 1594 et 1596, et celle dePériclèsen 1608, la forme lyrique est choisie en particulier pour les somptueuses interventions du Prologue ou du Chœur dansLa Vie d’Henry V, et pour les chansons d’Ariel dansLa Tempêteou celles du Bouffon dansLa Nuit des n’ai cité que les exemples les plus manifestes et les plus étincelants. À l’inverse, il y a de la théâtralité dans lesSonnets. Le recueil de 1609 met plus ou moins en scène les différents moments d’une relation, voire, parfois, une intrigue ; au fil de la séquence s’installe un dialogisme entre deux entités qui peuvent être deux identités du poète, entre le poète et l’aimé, ou entre le poète et son amante. Bien que la lecture de poèmes à haute voix ne soit pas, ou ne soit plus, une pratique sociale courante en France — alors qu’elle fait partie de la célébration publique de la poésie en Grande-Bretagne, au Portugal et plus encore en Russie — je soulignerai ici l’importance de l’oralitéet même de lavocalitéde l’écriture poétique de Shakespeare dans ses créations lyriques tout autant que dans son œuvre dramatique. La figure du poète n’est pas scindée en deux le poète desSonnetset des deux grands poèmes mythologiques et érotiques d’une part, celui des créations dramatiques de l’autre. C’est le même Shakespeare qui écritHamletet lesSonnets. Un même rythme emporte et soutient les poèmes et les pièces de théâtre, où l’on entend et reconnaît une même voix. Pour le dire clairement, les sonnets de Shakespeare sont donc des textes àdireautant que des textes àlire. Il y a à cet égard des similitudes entre la traduction théâtrale et la traduction poétique. Dans l’un et l’autre cas, les mots sont des gestes, traduisant les pulsions de la pensée dans un phrasé lié au souffle. Incidemment, l’auteur desSonnetsfait une référence explicite au jeu de l’acteur au Sonnet 23, dont les premiers vers évoquent un acteur en scène hésitant sur ses vers, / que le trac paralyse et qui oublie son rôle ». Comme la traductionde théâtre, la traductionde poésie ne peut se contenter de donner à comprendre, elle doit aussi donner à entendre, et j’ajouterai, donner à voir à l’œil qui écoute » Claudel. À l’invar du traducteurde théâtre, le traducteur de poésie n’a qu’un guide dans le dédale des exigences multiples, souvent contradictoires, qui le tenaillent l’écoute d’une voix dont il cherche à trouver l’inflexion. Une voix, une diction, une respiration qui lui font préférer tel vocable, telle musique, tel ordre des mots. Ce travail sur la physique de la langue tente de relayer l’économie très particulière desSonnetset de recréer en français leur énergie phonatoire et vocale tout en respectant la contrainte de la concision. Il rêve, face à la forme fixe, deux options antithétiques qui divisent et opposent les traducteurs soit le respect sacré de toutes les caractéristiques formelles du poème, et en particulier du sonnet dans sa version dite shakespearienne » — sa régularité métrique mais aussi ses rimes et son schéma de rimes —, soit, à l’inverse, une écriture plus libre privilégiant d’autres éléments, comme la clarté du sémantisme et le suivi de la ligne narrative et dramatique. La lecture de nombreuses traductions desSonnetsmontre que les éléments majeurs de ces deux options, respect des caractéristiques formelles et suivi de la ligne narrative et dramatique, ne sont guère compatibles. Deux écueils symétriques sur lesquels nous allons revenir guettent en effet le traducteur qui adopte l’une ou l’autre approche de façon systématique. Il va de soi que ces options contraires ne sont pas les seules qui s’offrent aux traducteurs … La fascination exclusive de la forme, conçue comme seule incarnation respectable de la fidélité, fait courir le risque de la domination de la métrique et donc du primat de la versification ; elle éloigne le traducteur de la création poétique dans sa langue et dans son temps. Aujourd’hui surtout, alors que la poésie contemporaine ne pratique plus guère la rime, sauf avec des intentions parodiques. Contrairement à ce que l’on croit couramment, rien n’est plus facile ni plus dangereux pour un traducteur que d’écrire non pas de la poésie, mais des vers, de céder à ce qu’Henri Meschonnic appelle, avec l’acerbe et impi- toyable lucidité qui le caractérise, la comédie versificatoire ». On décèle à la simple écoute les mots qui ne sont là que pour la rime ou pour le mètre et auxquels rien ne correspond dans l’original. Il peut certes arriver que les rimes d’un sonnet de Shakespeare soient rhétoriques et de pure forme, voire qu’il s’agisse de simples rimes pour l’œil. Mais c’est extrêmement rare. Une traduction qui accorde la prédominance aux structures rimiques et métriques s’éloigne du suivi scrupuleux de la construction verbale et du parcours du sens. Elle conduit à privilégier la rhétorique, confond poésie et versification. Une telle démarche convient mieux sans doute à des œuvres marquées par un degré extrême de formalisation, comme les longs poèmes narratifs que sontVenus et AdonisetLe Viol de Lucrèce. Les traducteurs qui, à rebours, se méfient de l’embaumement qu’implique la prédominance de la forme courent quant à eux le risque ou assument le choix ? de transformer le poème en récit en prose, une prose au mieux cadencée ou rythmée. Une partie des traductions les plus récentes se méfient tellement des formes fixes et des vers réguliers — décasyllabes ou alexandrins — qu’elles conduisent à nier tout principe de récurrence et de structuration dans la création du poème. Une suite de lignes composées d’un nombre constamment variable de syllabes fait totalement oublier la forme du sonnet. Les réalisations qui en découlent donnent le sentiment que le traducteur n’a fait que la moitié du chemin, tenant pour négligeable le fait que la création poétique de Shakespeare apris formedans une construcion verbale codifiée qui canalise sans l’occulter le jaillissement de la pensée. Conscient de ces deux dangers opposés, j’ai, pour ma part, tenté un compromis ou une synthèse des deux approches en traduisant lesSonnetsde Shakespeare en alexandrins blancs, donc en vers non rimés, convaincu qu’assonances, allitérations, rimes intérieures, échos internes et rythme d’ensemble offrent une structuration plus discrète mais tout aussi efficace que celle des rimes. Les premières traductions des Sonnets de Shakespeare en alexandrins non rimés sont dues à Abel Doysié 1919 puis à Émile Le Brun 1927, suivis plus tardivement 1942 par Giraud d’Uccle pseudonyme de Léon Kochnitzky, puis avec brio par Henri Thomas 1961, et dans un passé plus récent par Robert Ellrodt 2002, 2007, envers qui j’exprime ici ma gratitude et mon admiration. Sa traduction est à ce jour la plus sûre du point de vue de l’exacitude et de la complexité du sens. Mon approche se différencie de la sienne en ce que je m’accorde plus de souplesse et de libertés dans l’ordonnancement du poème, incluant dans un souci de fluidité, au milieu des alexandrins blancs, des vers de quatorze syllabes quand le contenu informatif oblige à être plus long et des décasyllabes quand, à l’inverse — plus rarement —, ce mètre suffit à prendre en charge la totalité des dénotations et connotations. Puisque le ton et le style de l’énonciation sont délibérément plus modernes que dans les traductions en alexandrins classiques, j’ai également souvent recours à lacésure épique ; courante au Moyen Âge, réapparue avec les symbolistes et les modernistes, elle consiste à compter comme hexasyllabe un premier hémistiche se terminant soit par unemuet non suivi d’une voyelle, soit par unesuivi d’unsmarquant le pluriel, alors que dans l’alexandrin classique l’hémistiche n’est hexasyllabique que si leemuet est suivi d’une voyelle. Ainsi, dans ma traduction, le vers 1 du Sonnet 65 S’il n’eest bronze ni pierre, terre ou mer infinie », ou le vers 7 du Sonnet 78 Ont ajouté des plumes à l’aile des savants », hypermétriques 13 syllabes si l’on applique rigoureusement les règles de l’alexandrin classique, peuvent être considérés comme des alexandrins si, suivant la pratique orale, on a recours à lacésure épiquequi élide la syllabe finale des premiers hémistiches pierre » dans le Sonnet 65 ou plumes » dans le Sonnet 781.Cette variété métrique et la licence qu’ajoute la césure épique visent à éliminer les chevilles et à privilégier l’énonciation mimétique sans recourir à des artifices de pure forme. Henri Meschonnic invite à pourchasser aujourd’hui les poétismes », dont l’inversion sytématique et la négation simple un ne » non suivi d’un pas » ou d’un point » sont les manifestations les plus fréquentes. Sans ignorer que la diction poétique ne s’indexe pas sur le parler courant ou l’oralité naturelle, je crois plus proche de l’essence de la poésie de réduire artefacts et conventions désormais mortes, et je n’ai pour ma part aucune gêne à déclarer que j’ai obstinément recherché la clarté et la limpidité, activant constamment cette propriété inhérente à la traduction d’opérer quel que soit le dessein conscient du traducteur une forme d’exégèse et d’explicitation. Beaucoup de sonnets shakespeariens étant d’une grande complexité et d’une grande densité de pensée, ce souci de limpidité me semble plus à même de donner un écho convaincant du poème qu’une pratique faussement mallarméenne d’obscurité délibérée. Je n’entends personnellement pas la voix de Shakespeare dans ces versions françaises qui, confuses à la première lecture, le relèent à la deuxième ou à la troisième et qui semblent confondre obscurité et profondeur. Sur un point précis, j’ai, traduisant lesSonnets, infléchi ma pratique par rapport à mes principes de traduction des œuvres dramatiques celui du respect de l’alternance entre tutoiement et vouvoiement ou, pour être linguistiquement plus exa ?, de l’alternance entre leyouet lethoudans l’adresse à un interlocuteur en anglais n’est que de façon très globale et grossière que l’on peut assimiler l’alternance duyouet duthouen anglais élisabéthain à celle du vouvoiement et du tutoiement en français. Dans les œuvres dramatiques, l’essentiel est de marquer le passage duyouauthouà l’intérieur d’une scène, et parfois le retour auyouau cours de la même scène. Seul le passage duvo=autuet le retour éventuel auvo=peuvent marquer en français la modification du rapport entre deux personnages. Il ne me paraît guère démontrable que, dans lesSonnets, l’adresse au bien-aimé ou à l’amante parthouimplique un rapport plus intime et plus affectif que l’adresse paryou. Dans ces conditions, j’ai opté pour le tu » dans tous les cas de figure, le vouvoiement d’une amante ou d’un bien-aimé risquant de traduire une forme de snobisme et exprimant surtout en français la déférence et la distance sociale. Il est de fait que l’homme dont le poète est amoureux dans lesSonnets— qu’il se nommât Henry Wriothesley ou William Herbert, selon les conjectures les plus fréquentes — était un aristocrate, mais privilégier le vous » dans ces poèmes d’amour conduit, me semble-t-il, à renoncer à l’expression du sentiment d’intense attachement affectif dont ils témoignent. C’est assurément un choix discutable, mais je le revendique parce qu’il me semble un adjuvant précieux dans la recherche d’une proximité avec le lecteur …. Jean-Michel Déprats Extraits du texte de Jean-Michel Déprats Traduire les Sonnets » dans le volume Sonnets et autres poèmes qui vient de paraitre sous sa direction et celle de Gisèle Venet dans le Tome VIII des Oeuvres complètes de Shakespeare, Bibliothèque de la Pléiade Jean-Michel Déprats » et Rare portrait considéré comme authentique de William Shakespeare , vers 1610, attribué à John Taylor et dit le Chandos » pour avoir appartenu à Lord Chandos » photos Crédit
traductionqu'implique le dans le dictionnaire Français - Français de Reverso, voir aussi 'impliquer',impolitique',impratiqué',impolitiquement', conjugaison, expressions idiomatiques
Affiner par géographieOpérateur de conditionnement f/h h/fEmploi Energie - PétroleToulouse, 31, Haute-Garonne, OccitanieNotre agence Adéquat de BLAGNAC recrute des nouveaux talents pour son client dans le secteur de l'industrie pharmaceutique Opérateur de conditionnement F/H. Poste en 2x8 Vos missions Effectuer les approches et les retours d'objets de conditionnement, compl?ter le fichier informatique et r?aliser les saisies sur le logiciel de gestion de et analyser la qualit? de la production en proc?dant aux autocontr?les dans le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication et des documents qualit? en le bon d?roulement des lignes et effectuer les corrections des d?fauts et r?glages n?cessaires au bon fonctionnement des machines dans le respect des intervenir le r?gleur et le renseigner pr?cis?ment sur les probl?mes techniques ou qualit? observ?s sur les le dossier de lot en temps r?el. Alerter l'encadrement et/ou le service Qualit? pour toute ?tape qualit? les machines et leur environnement dans un bon ?tat de propret?.-Former des nouveaux par transfert de ses connaissances via le ? la d?marche s?curit? et environnement du site en signalant toute anomalie et[...]Chef de rayon fruits et légumesEmploi Fort-de-France, 97, Martinique, -1Descriptif du poste Talents Commerciaux Cabinet de recrutement dédié aux professions commerciales, accompagne de manière personnalisée ses clients et candidats. La réactivité, l'efficacité et la confidentialité sont des valeurs fortes sur lesquelles votre consultant s'engage afin d'atteindre vos objectifs Dans le cadre de son développement, notre client acteur reconnu de la grande distribution, recherche son / sa future chef de rayon Poisson / Fruits & Légumes pour son magasin basé à Ducos, en Martnique. . Rattachée à la direction commerciale, votre mission s'articulera autour des tâches suivantes - Gestion des achats et des stocks - Pilotage et animation des rayons poisson / fruits & légumes - Encadrement d'une équipe ELS - Suivi des résultats et des objectifs de vente Profil recherché Dotée d'une expérience significative dans le management de la grande distribution, vous connaissez l'univers du Frais Traditionnel. Votre personnalité et votre dynamisme feront la différence sur ce / Employée de libre-serviceEmploi Poitiers, 86, Vienne, Nouvelle-AquitaineVos principales missions - La mise en rayon des marchandises frais et épicerie ainsi que l'entretien du magasin et des locaux - Rotation des produits dates de péremption - Tenue de la caisse Horaires établis selon un planning Fermeture le dimanche et 1 jour de congé selon planning La personne aura obligatoirement une expérience similaire ELS ou débutant titulaire du BAC Nous recherchons une personne motivée, ponctuelle et respectueuse. Ces critères seront déterminants pour la sélection du commercial / Assistante commercialeEmploi Vémars, 95, Val-d'Oise, Île-de-FranceL'agence Adecco HUB solutions de la Défense recherche pour l'un de ses clients basé à Levallois Perret un assistant commercial H/F pour une mission en interim de 4 mois. Vos missions - Assurer l'ensemble de l'assistanat de l'assistanat administratif et technique de la relation client - Récolter auprès des services de la Division Marketing, Supply, RP , Digital l'ensemble des informations nécessaires à la relation client réponses aux AO promotion, données techniques, visuels, tarifs... - Transmettre ces données aux clients via différents supports fiches techniques, catalogue électronique base visuels produits etc... - Récupérer les contrats de mandat et les mettre à disposition des services crédits et gestion pour le bon suivi administratif des paiements et ainsi participer à la réduction des litiges - Enregistrer les DED et suivi de certains budgets enseignecoopération commerciale, Trade,WPS... - Réaliser les supports de vente des enseignes à destination de la force de vente book prospection... - Gérer, alimenter els outils de suivi et de reporting des ventes, analyser les données produites et les acheminer vers le bon interlocuteur - Coordonner[...]Employé polyvalent / Employée polyvalente de libre-serviceEmploi Roquefort, 47, Lot-et-Garonne, Nouvelle-AquitaineIntermarché Roquefort recrute une ELS Rayon Frais Libre Service et épicerie. Vous aurez en charge la mise en rayon et la rotation de vos produits. Vous possédez une première expérience en grande distribution et faites preuve de motivation. Poste à pourvoir en / Employée de libre-serviceEmploi Montpellier, 34, Hérault, OccitanieMagasin de proximité, de type alimentaire, basé à Montpellier, propose un poste d'ELS en CDI temps complet à partir du 22/08/2022. Localisation polyvalent / Employée polyvalente de libre-serviceEmploi Veyre-Monton, 63, Puy-de-Dôme, Auvergne-Rhône-AlpesNous recherchons une ELS / Caisse H/F pour une prise de poste au 01/09. Vos principales missions - accueil des clients - mise en rayon - encaissement - entretien de la surface de vente Magasin ouvert de 7H à 20H. Vous travaillerez du Lundi au Dimanche matin - 1 jour de repos tournant. Rotation au niveau des plannings. Une première expérience sur ce poste est / Agente de propreté de locauxEmploi Gua, 17, Charente-Maritime, Nouvelle-AquitaineLe poste est ouvert à compter du 17/08/2022 Vos missions Vous assurez l'entretien de nos locaux 30h / semaine environ et éventuellement, en fonction de votre profil, vous pouvez également venir en soutien en caisse ou en magasin ELS si besoin à raison de 5h / semaine environ. Vous utiliserez une balayeuse et une laveuse automatique une' formation en interne peut être proposée. Vous travaillez du lundi au vendredi. A COMPÉTENCES ÉGALES PRIORITÉ SERA DONNÉE AUX BÉNÉFICIAIRES DE L'OBLIGATION D'EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPESVisual merchandiserEmploi Auch, 32, Gers, OccitanieLe Cabinet de recrutement Manpower recrute pour son client, intervenant sur le marché non alimentaire en Grande Distribution, un Merchandiseur H/F pour les départements 32 et 65. Vos missions - Assurer une mise en place de qualité et conforme aux plans merchandising définis des produits chez les clients, - Respecter les procédures et consignes liées au métier, - Contribuer à la qualité des gammes au sein des linéaires des clients de votre secteur, - Contribuer à l'évolution du CA en connaissant les clients et en s'adaptant à leurs besoins, - Participer au développement du CA par la mise en place d'Opérations Promotionnelles, - Contribuer à la satisfaction du client et assurer un bon relationnel, - Participer à la recherche d'informations sur les produits/marchés et à leur diffusion en interne Titulaire d'un BAC+2 et/ou 2 ans d'expérience souhaitées dans le secteur de la GMS spécialisée ou assimilée en qualité d'employé libre-service ELS, chef de rayon, adjoint chef de rayon, promoteur merchandiseur, promoteur des ventes. La maîtrise de l'informatique et notamment Excel est souhaitable. Vous bénéficiez d'un véhicule de service, d'un téléphone portable et d'une tablette[...]Promoteur des ventes paris nord h/fEmploi AgroalimentaireParis, 75, Paris, Île-de-FranceEn tant que Promoteur des Ventes Paris Nord et rattaché à la Direction Commerciale, vos missions sont les suivantes • Assurer la couverture de votre secteur géographique et de l'ensemble des magasins sur le 95, 93, 60, • Implanter les produits de la marque, • Assurer la lutte contre les ruptures notamment en recommandant l'ajustement des stocks minimums d'approvisionnement, • Participer au montage d'opérations promotionnelles, • Représenter la société en magasin et auprès des ELS/Chefs de Rayon, • Participer ponctuellement à des animations en magasin et à des réimplantations de nuit en rayons pouvant nécessiter une présence en dehors des heures d'ouverture des magasins. Cette description prend en compte les principales responsabilités ; elle n'est pas Entreprise, Service Aide par le TravailEmploi Lavilledieu, 71, Ardèche, Bourgogne-Franche-ComtéPlacée sous l'autorité du conseil d'administration de l'association, et dans le cadre de la politique associative et du projet associatif, dans ses dimensions économiques et médico-sociales, vous aurez la charge de 1. La mise en œuvre du projet d'établissement, vous êtes responsable des activités de production et de soutien médico-social, el lien avec les projets professionnels des travailleurs des plans d'action associés ainsi que du suivi des projets individualisés des personnes accompagnées. 2. L'organisation des ateliers, suivi de la production et développement commercial. 3. Développement et suivi des actions de formation et de soutien professionnel auprès des travailleurs 4. La qualité de l'accompagnement des personnes accueillies dans un contexte d'activités à caractère professionnel variées espaces verts, conditionnement, apiculture, maintenance hygiène des locaux, mise à disposition en entreprise en veillant à la dimension médico-sociale d'un établissement de ce type. 5. La prospection et du suivi des activités économiques des ateliers. 6. L'encadrement et l'animation d'une équipe professionnelle 8 Moniteurs/trices en lien avec le pôle administratif et[...]Employé / Employée de loisirs ou d'attractionsEmploi Métabief, 25, Doubs, Bourgogne-Franche-ComtéLe poste L'agence COTEJOB PROMAN Pontarlier recherche pour l'un de ses clients basé à Métabief, un EMPLOYE POLYVALENT STATION SKI H/F. Hôte de vente Gérer sa caisse encaissement, rendu et commande de monnaie Gérer, contrôler et justifier l'édition de titres de transports gratuits et annulés Assurer les bonnes conditions d'accueil des clients par le biais de la diffusion d'informations et de la communication Agent d'exploitation Sécuriser l'installation et ses abords file d'attente, zone embarquement/débarquement Garantir le bon embarquement et débarquement des usagers remontées mécaniques Assurer l'information "sécurité" auprès de la clientèle dans el respect des règlements d'exploitation et de police Agent de centrale Prendre en charge les appels extérieurs/intérieurs les diriger vers d'autres services si besoin Transmettre les alertes secours aux pisteurs Assumer la mise à jour des informations d'exploitation disponibles infoneige... Participer à l'interface entre les services Renseigner en permanence la main courante pistes, remontées mécaniques... Postes à pourvoir en CDD pour toute la saison hivernale et/ou pendants les vacances scolaires. Profil[...]Conducteur / Conductrice de machines de mise sous plisEmploi Chaussée-Saint-Victor, 41, Loir-et-Cher, Centre-Val de LoireProduction - Piloter une machine de mise sous pli en complète autonomie - Être polyvalent sur l'ensemble du parc machine de mise sous pli du site - Effectuer tous les réglages nécessaires sur les machines pour produire les lots - Maitriser le logiciel spécifique dédié aux machines de mise sous pli - Résoudre les incidents opérationnels Bourrage, doubles, etc. - Effectuer l'entretien des matériels - Maitriser les règles de marquage et de produit postal. - Connaître les chaînes et applications des différents clients afin de gérer au mieux les priorités - Gérer les priorités des lots à produire en fonction des engagements de services - Effectuer les premiers diagnostics d'incident en vue de faire intervenir es techniciens de maintenance en cas de panne avérée. - Produire le nombre de plis courriers conformément aux performances machines. - Mettre tout en oeuvre pour réduire els gâches et les rejets réglages optimaux, demande d intervention technicien de maintenance, etc. - Anticiper les changements de production et d'affectation de matériel - Ouvrir ou faire ouvrir les incidents nécessitant une intervention tiers » et en informer les acteurs impactés en amont et en[...]Employé / Employée de libre-serviceEmploi Rivière-Pilote, 97, Martinique, -1SAMSIC EMPLOI spécialisé dans le cadre de son développement 1 EMPLOYE LIBRE SERVICE "ElS" H/F Vos missions - Vous êtes garant de l'attractivité de son rayon tout en respectant l'implantation, la qualité, la rotation des produits et la gestion des stocks - Vous accueillez et conseillez les clients du rayon - Vous procédez au rangement, conditionnement et étiquetage des produits en rayon - Vous effectuez le remplissage des rayons SAMSIC, société socialement responsable, s'engage au quotidien pour l'emploi des personnes en situation de / Employée de rayon bazarEmploi Héricourt, 70, Haute-Saône, Bourgogne-Franche-ComtéSous la responsabilité du Responsable Bazar , vous assurez la gestion opérationnelle de votre rayon. Vous voulez intégrer une entreprise qui place l'humain et l'épanouissement de chacun au centre de sa stratégie ? Vous voulez vous sentir investi dans la vie de l'entreprise et participer à son développement au quotidien. Devenez le prochain employé commercial H/F de notre magasin U. Nous sommes à la recherche de notre futur ELS H/F pour le rayon bazar Vous assurez la logistique et la gestion des marchandises de votre rayon commande, réception et approvisionnement, suivi des ruptures... Vous valorisez sa présentation générale dans le respect des règles d'implantation et de merchandising information produit, mise en rayon, facing, étiquettes prix, balisage publicitaire. Vous savez rendre votre rayon attractif pour fidéliser les clients. Apprendre et évoluer au sein d'une équipe, est une perspective qui vous enchante. Ambassadeur de la marque U, vous les renseignez et les informez de nos offres spéciales et promotions. Votre profil Vous êtes sympathique, bienveillant et dynamique. Professionnel attentif, votre réactivité et votre sens de l'organisation sont vos[...]Chargé / Chargée de recrutementEmploi Toulon, 83, Var, Provence-Alpes-Côte d'AzurCharge de recrutement H/F Votre fonction Dans le cadre d'un renforcement d'équipe, propose une Alternance de charge e de recrutement basée sur Toulon, vos principales missions seront - la mise en œuvre des recherches annonces, approche directe, re seaux sociaux - la re daction d'annonces d'emploi - la pre se lection de candidats sur CV et par entretien vide o - la participation aux entretiens d'e valuation - le suivi des candidats embauche s - la mise en place de suivis et statistiques Votre profil D'une formation scientifique suivie d'une formation supe rieure niveau Master 1 ou Master 2, ide alement avec une spe cialisation en Ressources Humaines en e cole de commerce ou e quivalent. Vous e tes motive e par la gestion des ressources humaines, le travail d'e quipe et posse dez un re el sens du contact humain. Vous pre sentez les qualite s suivantes - Excellente culture ge ne rale, motivation, capacite d'e coute, autonomie - Qualite s d'organisation, de re activite et de pugnacite - Mai trise des outils informatiques - Anglais courantVendeur / Vendeuse comptoir de matériels et équipementsEmploi Auray, 56, Morbihan, BretagneL'agence Adecco d'Auray recherche un Vendeur / ELS H/F pour l'un de ses clients sur Auray. Dans un magasin, vous serez en poste pour accueillir, répondre et conseiller les clients, vous serez également amenée à faire de la mise en rayon et du réassort. Poste à pourvoir au plus tôt et sur du long terme possibilité jusqu'à fin d'année voir plus. Horaire de journée du lundi au samedi, 9h-19h environ, avec des possibles coupures, et un jour de congé dans la semaine. Nous recherchons une personne dynamique, polyvalente, avec un bon contact client. POSTULER EN LIGNE AVEC UN CV A JOUR Vous devez être dynamique, assidue, rigoureuxse avec l'envie de vous engager sur du long terme. Vous êtes polyvalente, avec un bon sens du commerce, et vous appréciez le contact client. Une première expérience sur un poste similaire serait un plus. Si vous êtes disponible et intéressée, n'hésitez plus, postulez vite en ligne avec un CV actualisé !Employé / Employée de libre-serviceEmploi Roche-sur-Yon, 85, Vendée, Pays de la LoireSatisfaction client - proximité et sourire sont au cœur de nos actions. Afin de renforcer notre équipe dans un magasin situé à la roche sur Yon , nous recrutons une employée ELS pour notre rayon liquide. Vos missions - Assurer la réception des marchandises en conformité avec la commande passée et dans le respect des règles de sécurité - Gérer l'approvisionnement commandes, la préparation et la mise en rayon des produits - Assurer le rangement, la gestion du stock et de la réserve en effectuant les commandes nécessaires pour éviter les ruptures - Veiller à l'attractivité du rayon tout en étant garant des procédures d'hygiène sur ton rayon et tes produits CDD 6 mois évoluant vers CDIVendeur / Vendeuse comptoir de matériels et équipementsEmploi Ploeren, 56, Morbihan, BretagneL'Agence Adecco de Vannes recrute une personne en caisse et mise en rayon pour un de ses clients sur Ploeren. Vous serez en charge de recevoir la marchandise et de la mettre en place. Rangement dans le magasin. Et tenue de la caisse. Possible poste sur Vannes et sur Auray. Mission renouvelable et sur long terme Vous recherchez un poste de vendeur, els ,caisse Vous avez déjà une expérience dans ce domaine. Vous êtes disponible du lundi au samedi 1 jour de repos par semaine. Vous avez déjà une expérience en boutique. Vous êtes disponible sur le long terme. Alors postulez vite en ligne !Employé / Employée de rayon fruits et légumesEmploi Sables-d'Olonne, 85, Vendée, Pays de la LoireINTERMARCHE LES SABLES D'OLONNE recrute un ELS H/F en fruits et légumes Rattaché au manager de rayon Fruits et Légumes, vous contribuez activement au développement de l'activité commerciale. Vous assurez l'approvisionnement du rayon, sa présentation et son attractivité, dans le respect des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire, vous devrez également assurer une partie du rangement de la réserve. 13 ème mois et prime de participationValet / Femme de chambreEmploi Albi, 81, Tarn, OccitanieLe poste Dans le cadre du développement de l'agence, Proman Albi recrute pour une de ses entreprises clientes spécialisées dans l'hôtellerie, Vous aurez pour mission Prendre connaissance de votre planning, Remise en état des chambres, Nettoyer et ranger les chambres, Réapprovisionner les chambres en produits d'accueil et en linge, Contrôle d el'état des équipements, du linge, du mobilier, Mise en place du buffet et accueil des clients pour le petit déjeuner. Merci de nous faire parvenir votre candidature directement sur notre site internet. Horaires variables du lundi au dimanche. Salaire Selon niveau et/ou expérience. Profil recherché CAP/BEP Service Hôtellerie. Première expérience exigée sur un poste similaire. Vous êtes polyvalente, dynamique, méthodique et êtes reconnue pour votre professionnalisme, votre ponctualité et votre assiduité. Votre candidature nous intéresse. Tous nos postes sont ouverts aux personnes en situation de industriel / Couturière industrielle sur tissuEmploi Alizay, 27, Eure, NormandieMonter et assembler les pièces et sous ensembles des articles textiles techniques en fonction des dossiers de fabrication Poser les pièces en fonction des repères pour l'assemblage et le montage de l'article Contrôler le tracé et la tension de piqûre Adapter le réglage de la machine en fonction des matières et des fils Effectuer des opérations de parachèvement ou de finition Pose d'étiquettes de jetons, de rivets, de crochets, de boucles, de sangles, de rabats, de tourniquets Effectuer des opérations de reprise de couture modifications Effectuer des opérations de fermeture des articles Enregistrer les données d'activité sur un ordinateur Effectuer el nettoyage et l'entretien du matériel et de son poste de travail Signaler tout disfonctionnement ou anomalieEmployé / Employée de libre-serviceEmploi Saint-Romain-en-Viennois, 84, Vaucluse, Provence-Alpes-Côte d'AzurMagasin Intermarché cherche pour renforcer ses équipes épicerie Libre Service, ELS mi-temps. CDI 30 h, travail du lundi au samedi du matin. Merci d'envoyer votre cv, ainsi que votre lettre de motivation à pdv10180 à l'attention de Mr MOUVEAUXEmployé / Employée de libre-serviceEmploi Port-la-Nouvelle, 11, Aude, OccitanieAu sein d'un magasin SPAR vous aurez à effectuer toutes les taches inhérentes au métier d'ELS. - mise en rayon, - tenue de caisse, - renseignement / Employée de rayonEmploi Bain-de-Bretagne, 35, Ille-et-Vilaine, BretagneDans le cadre du renfort de nos équipes, nous recherchons des ELS pour plusieurs rayons Arts de la Table, Fruits et Légumes Vos missions - Réaliser l'approvisionnement et la présentation générale de votre rayon selon les règles de merchandising mise en rayon, facing , lisibilité de l'information, mise en valeur du rayon,.... - Assurer une bonne gestion de votre rayon et des stocks. - Repérer et signaler toute anomalie produits, prix, qualité et amélioration à apporter à votre rayon. - Accueillir et conseiller le client, selon la charte accueil du magasin. Rémunération smic + 13ème mois + participation + intéressementEmployé polyvalent / Employée polyvalente de libre-serviceEmploi Tours, 37, Indre-et-Loire, Centre-Val de LoireCommerce alimentaire de proximité recherche un ELS pour renforcer son équipe. Principales tâches Mise en rayon sec / frais / Fruits Légumes / Pain Viennoiserie , façing, réassort, encaissement, ménage, conseil client. Commerce de proximité = polyvalence + relationnel client indispensable Amplitude horaire du magasin 07H-22H Travail tous les samedi et le dimanche matin sur planning tournantMagasinier vendeur / Magasinière vendeuseEmploi Angers, 49, Maine-et-Loire, Pays de la LoireVous êtes en charge de la gestion des opérations de Réception des camions déchargement, de stockage, tenue des stocks, mise en rayon... Vous réalisez les opérations de manutention à l'aide de transpalette, gerbeur etc. saisie informatique des commandes. En collaboration avec les commerciaux, vous assurez la relation client professionnel et particulier, les ventes dans le magasin. Vous serez amenez à gérer l'ouverture et/ou fermeture du magasin. Travail du lundi au vendredi 07h45-12h 13h30-18h. et el samedi matin de 9h à 12h soit 38h/ / Employée de libre-serviceEmploi Champdeniers-Saint-Denis, 79, Deux-Sèvres, Nouvelle-AquitaineELS pour mise en rayon pour le rayon du / Employée de libre-serviceEmploi Périgny, 17, Charente-Maritime, Nouvelle-AquitaineAu sein de notre établissement vous serez chargée des activités suivantes sur le poste d'ELS Drive Stockage de marchandises port de charges lourdes Préparation et livraison commandes clients Vitesse, rigueur et rythme sont vivement recommandés Amplitude horaire 6h00 à 20h00 Formation assurée sur placeEmployé / Employée de libre-serviceEmploi Ceyrat, 63, Puy-de-Dôme, Auvergne-Rhône-AlpesVous aurez pour missions de mettre en rayon les articles au sein du rayon frais. Vous êtes dynamique et ponctuelle. Une expérience d'ELS au sein d'un rayon frais dans un supermarché est souhaitable. Travail du lundi au samedi. Vous travaillez du matin, prise de poste à 4 ou 5 heures. Vous devez avoir un moyen de locomotion pour vous rendre sur le lieu de travail non desservi par les transports en commun. CDD DE REMPLACEMENTS à pourvoir de / Employée de libre-serviceEmploi Champdeniers-Saint-Denis, 79, Deux-Sèvres, Nouvelle-AquitaineELS pour mise en rayon pour le rayon épicerie. Horaires du matin. .Employé / Employée de rayon libre-serviceEmploi Saint-Raphaël, 83, Var, Provence-Alpes-Côte d'AzurLe poste DYNAMIQUE/ POSTE SAISONNIER. ELS DISPO IMMÉDIATEMENT SUR PLUSIEURS MOIS LUNDI AU SAMEDI POSSIBILITÉ DE DIMANCHE AVEC UN JOUR DE REPOS SEMAINE DIMANCHE MAJORE 30% GESTION D UN RAYON REMISE AU PROPRE RANGEMENT DES ARTICLES Profil recherché DYNAMIQUE Tous nos postes sont ouverts aux personnes en situation de / Employée de libre-serviceEmploi Anse, 69, Rhône, Auvergne-Rhône-AlpesCarrefour Market Anse recrute son/sa ELS FRAIS en CDI temps plein ! En qualité d'Employé/e Libre Service h/f au rayon Frais, vous assurez la tenue générale d'un rayon à travers la mise en rayon, l'approvisionnement, la rotation des produits, la gestion des périmés, la propreté et le rangement de la réserve, tous les matins et un après midi par semaine vendredi ou samedi. Sérieux, rigueur et ponctualité sont indispensables. Horaires de matin avec amplitudes de 5h00 à 11h00 variables et le vendredi OU samedi après midi. Magasin ouvert du L au D de 8h30 à 20h du L au S et de 8h30 à 12h30 le D. Un 13ème mois est versé après 1 an d' / Employée de libre-serviceEmploi Clayes-sous-Bois, 78, Yvelines, Île-de-FranceNotre magasin FOIR'FOUILLE situé aux Clayes-sous-Bois recherche actuellement son/sa future ELS en CDI ! LES AVANTAGES FOIR'FOUILLE - Primes - Carte cadeau de Noël - Ambiance de travail dynamique - Réductions tarifaires -20% dans tous nos magasins intégrés - Mutuelle d'entreprise - Participation aux frais de transports en commun DESCRIPTIF DU POSTE Rattachée au à la Responsable de magasin et/ou au à la Responsable adjointe de magasin, vous assurerez au sein de celui-ci les missions suivantes * Être l'interlocuteur principal de nos clients - Identifier ses besoins et le conseiller. - L'accueillir en caisse et enregistrer la vente d'articles, mais également effectuer les opérations d'encaissement. - Participer à l'accueil téléphonique. * Participer à l'entretien du magasin - Assurer l'entretien du magasin et des dépendances. - Participer au rangement des produits en magasin. - Procéder à l'inventaire des produits. - Réceptionner la marchandise. PROFIL RECHERCHE - Expérience au moins 1 an sur un poste similaire - Polyvalence - Esprit d'équipe - Capacité d'adaptation - Connaissance des procédures liées au posteAssistant administratif / Assistante administrativeEmploi Monéteau, 89, Yonne, Bourgogne-Franche-ComtéLe poste Votre agence PROMAN recherche pour l'un de ses clients un ACHETEUR H/F. Vos missions consisteront à -Veiller aux accords définis -Analyser le marché et ses évolutions techniques -Mettre en place la mesure de performance -Résoudre els litiges fournisseurs Ce poste est à pourvoir dès que possible. Profil recherché Vous savez utiliser les outils de bureautique. Idéalement, bac +5 spécialisé Achats benchmark Anglais courant Tous nos postes sont ouverts aux personnes en situation de / Technicienne d'études en automatismeEmploi Mathay, 25, Doubs, Bourgogne-Franche-ComtéSETAP recherche un automaticien Missions - étude et mise en service d'automatisme, analyse fonctionnelle et de risque - Conception des schémas EL et PN en lien avec le service électrotechnique - Programmation SIEMENS, SCHNEIDER et ALLEN BRADELEY - Mise en service sur site et en atelier - Relation avec les clients en direct Logiciel de programmation de type SIEMENS et administratif / Agente administrativeEmploi Limoges, 87, Haute-Vienne, Nouvelle-AquitaineVotre agence d'emploi start people Limoges recrute pour le compte d'un de ses clients, un gestionnaire administratif H/F Vos missions seront els suivantes Gestion de l'accueil physique et téléphonique Constitutions et suivi des dossiers Relation avec les différents intervenants Passage de commande Saisie informatique De formation BAC à BAC + 2 tertiaire, vous avez une première expérience professionnelle dans ce domaine, vous maitrisez les outils informatiques, vous êtes disponibles sur une longue durée , votre candidature nous Océanopolis Ça va être chaud ! Spectacle, Conférence - DébatBrest 29200Le 08/11/2022Ça va être chaud ! En ce jour de lancement de la COP 27 sur le climat à Charm el-Cheikh, la Cie Impro Infini proposera un spectacle interactif et divertissant sur la façon d'agir concrètement sur son empreinte carbone. Franck Buzz Co-fondateur et co-directeur artistique de la Cie Impro Infini Romain Abasq Comédien, improvisateur, metteur en scène de la Cie Impro Infini Auditorium - Gratuit et ouvert à tous Rediffusion sur la chaîne Youtube d'Océanopolis[Musique] El Mundo Chorale - Chant, Musique, Jazz - BluesDieppe 76200Le 11/12/2022Avec cet album El Mundo, Antoine Tato Garcia explore une rumbason résolument moderne et qui s’affranchit des codes de la rumba catalane classique pour surfer sur le son cubain et le jazz méditerranéen. Cette synthèse conduit l’artiste à proposer un jeu plus ouvert harmoniquement et résolument tourné vers les polyrythmies latines qui ont bercées son enfance. Des ballades, empreintes de chants mélismatiques, aux envolées lyriques, en passant par des traits de guitares énergiques et mélodieux à la fois, Tato raconte une singulière histoire. Une histoire où l’amour côtoie ses questionnements sur le monde comme le montre son engagement en faveur de l’ els h/fEmploi Négoce - Commerce gros-, 1, Ain, Auvergne-Rhône-AlpesManpower ST GENIS POUILLY recherche pour son client, des Employés libre-service H/F. Vous travaillerez pour une enseigne de grande renommée. Un facing clean ça vous fascine? Alors nous vous proposons de participer à cette attractivité au sein d'un hypermarché, vous travaillez dans un rayon, sous la hiérarchie de votre responsable. Vous mettez en rayon, avant ouverture de magasin, les produits manquants, Vous maintenez le rayon propre Vous gérez les stocks et l'approvisionnement des produits en rayon, en respectant les objectifs de réassortiment et en veillant à l'attractivité du rayon Vous travaillez principalement en horaire de matin en début de semaine 5h-11h plus horaires d'après-midi le vendredi et samedi. Vous intervenez aussi bien sur la surface de vente que dans l'entrepôt de stockage. Vous pouvez également travailler pendant les horaires d'ouverture du magasin, et votre sens du relationnel sera primordial. Les + 11,07€/h sur 35h payées 36h45 + 10% des CP + 10% IFM +CE + CCE +CET placement sur un compte épargne rémunéré à 8% Vous aimez vous lever tôt, vous êtes dynamique et trouverez rapidement votre autonomie. Vous avez le sens de l'organisation. Rejoignez[...]Villes en scène > "Gharnata" Spectacle, Jazz - Blues, ThéâtreTessy Bocage 50420Le 22/11/2022Dans le cadre du festival "La Manche met les villes en scène", rendez-vous le 22 novembre prochain au théâtre des Halles de Tessy-Bocage pour le spectacle "Gharnata" avec la compagnie Luis de la Carrasca. Originaire de Huéscar province de Grenade-Espagne, Luis de la Carrasca grandit dans cette Andalousie rurale où il se passionne très jeune pour ce Mundillo Flamenco ». Il est actuellement l’artiste Flamenco reconnu et une des références dans le monde Flamenco. Autodidacte, il a hérité du don de ses ancêtres pour el Cante ». Gharnata titre de son dernier album et de son spectacle veut dire Granada» en arabe, sa ville. Luis de la Carrasca est conscient de l’héritage laissé par cette extraordinaire civilisation andalouse à son apogée. Ses paroles font référence aux valeurs de respect, de tolérance… et à l’Amour, la plus importante. Depuis 2010, le flamenco est inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Accompagné de cinq musiciens et de Ana Perez, danseuse surnommée Perle noire du flamenco » , ce concert rend aussi hommage à ce patrimoine universel du flamenco et aux génies, espagnols ou français, que furent Federico García Lorca, Antonio[...]Villes en scène > "Gharnata" Concert, Danse - Bal - Cabaret, Festival généraliste, Spectacle, Théâtre, Manifestation culturelle, Manifestation culturelle, Musique du mondeTESSY-BOCAGE 50420Le 22/11/2022Dans le cadre du festival "La Manche met les villes en scène", rendez-vous le 22 novembre prochain au théâtre des Halles de Tessy-Bocage pour le spectacle "Gharnata" avec la compagnie Luis de la Carrasca. Originaire de Huéscar province de Grenade-Espagne, Luis de la Carrasca grandit dans cette Andalousie rurale où il se passionne très jeune pour ce Mundillo Flamenco ». Il est actuellement l’artiste Flamenco reconnu et une des références dans le monde Flamenco. Autodidacte, il a hérité du don de ses ancêtres pour el Cante ». Gharnata titre de son dernier album et de son spectacle veut dire Granada» en arabe, sa ville. Luis de la Carrasca est conscient de l’héritage laissé par cette extraordinaire civilisation andalouse à son apogée. Ses paroles font référence aux valeurs de respect, de tolérance… et à l’Amour, la plus importante. Depuis 2010, le flamenco est inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Accompagné de cinq musiciens et de Ana Perez, danseuse surnommée Perle noire du flamenco » , ce concert rend aussi hommage à ce patrimoine universel du flamenco et aux génies, espagnols ou français, que furent Federico García Lorca, Antonio[...]Villes en scène > "Gharnata" MusiqueThèreval 50180Le 26/11/2022Dans le cadre du festival "La Manche met les villes en scène", rendez-vous le 26 novembre prochain à l'espace culturel "le Triangle" à Théreval Hébécrevon pour le spectacle "Gharnata" avec la compagnie Luis de la Carrasca. Originaire de Huéscar province de Grenade-Espagne, Luis de la Carrasca grandit dans cette Andalousie rurale où il se passionne très jeune pour ce Mundillo Flamenco ». Il est actuellement l’artiste Flamenco reconnu et une des références dans le monde Flamenco. Autodidacte, il a hérité du don de ses ancêtres pour el Cante ». Gharnata titre de son dernier album et de son spectacle veut dire Granada» en arabe, sa ville. Luis de la Carrasca est conscient de l’héritage laissé par cette extraordinaire civilisation andalouse à son apogée. Ses paroles font référence aux valeurs de respect, de tolérance… et à l’Amour, la plus importante. Depuis 2010, le flamenco est inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Accompagné de cinq musiciens et de Ana Perez, danseuse surnommée Perle noire du flamenco » , ce concert rend aussi hommage à ce patrimoine universel du flamenco et aux génies, espagnols ou français, que furent Federico[...]PAR LE BOUT DU NEZ Spectacle comique, SpectacleCarcassonne 11000Le 01/12/2022Durée 1h30 De Matthieu DELAPORTE et Alexandre DE LA PATELLIÈRE, d’après El Electo » de Ramon MADAULA Metteur en scène Bernard MURAT Avec François BERLÉAND et Antoine DULÉRY Décors Nicolas SIRE Costumes Carine SARFATI Lumières Laurent CASTAINGT Assistante mise en scène Léa MOUSSY Musique Benjamin MURAT Alors qu’il doit prononcer son discours d’investiture, le tout nouveau président de la république est pris d’une absurde démangeaison nasale. Incapable de prendre la parole en public sans se ridiculiser, il est contraint de rencontrer un célèbre psychiatre. Malgré son rejet et sa méfiance pour tout ce qui touche à la psychanalyse, le tribun va devoir se confier… Mais c’est difficile de s’allonger quand on s’est promis de redresser la France ! Ils n’ont qu’une heure ça tombe bien, c’est la durée d’une séance. Alors que le temps presse, et que les secrets remontent à la surface, les deux hommes se lancent dans un duel où chacun essaye de prendre le pouvoir. Entre le Président et le Psy, qui aura le dernier mot ? Une confrontation à la fois politique et intime, profonde et loufoque. Une comédie délirante ! » L’AVANT-SCÈNE THÉÂTRE Une séance[...]Les Antipodes ThéâtreMarseille 13000Du 25/11/2022 au 26/11/2022Les Antipodes Annie Baker tg STAN & Canine Collectif Le Canine Collectif et le tg STAN, bien qu’issus de générations et de cultures différentes, partagent une vision commune du théâtre. En s’emparant ensemble du texte d’Annie Baker, ils entendent faire de la scène le lieu de la vie et d’une expérience collective avec la salle. Autour d’une table, téléphones coupés, six scénaristes, deux assistantes, et un showrunner sont réunies à la recherche de la prochaine histoire qui va révolutionner la face du monde. Leur but n’est jamais clair sont-ils en train de réfléchir à des idées pour une émission de télévision ? Un film ? Une mythologie ? Peu importe, dans cette salle d’écriture où les fables fantomatiques coexistent avec les discussions banales, ilselles tentent d’atteindre cet objectif en partageant leurs expériences personnelles. À la fois satire et rite sacré, Les Antipodes interroge avec humour la place qu’occupent les récits dans un monde en crise. DISTRIBUTION avec Robby Cleiren, Els Dottermans, Louise Jacob, Colin Javaux, Atta Nasser, David Scarpuzza, Benjamin Torrini, Frank Vercruyssen & Camille Voglaire création musicale Frank Vercruyssen, Benjamin[...]Deux mezzos sinon rien ! Musique, ConcertMarseille 13000Le 15/11/2022Présenté par Jean-Michel Dhuez Radio Classique Les chanteuses Delphine Haidan, Karine Deshayes et le pianiste Dominique Plancade interprèterons des mélodies de Brahms, Schumann, Gounot, Delibes… Programme • Johannes Brahms Die Meere n°3 ; Die Schwestern n°1 ; Klosterfräulein n°2 ; Phänomen n°3 • Clara Schumann Am Strande • Charles Gounod D’un cœur qui t’aime • Léo Delibes Les filles de Cadix ; Les 3 oiseaux ; Lakmé Duo des fleurs • Camille Saint-Saëns El Desdichado • Grigory Ginsburg Paraphrase sur la Cavatine de Figaro "Largo al factotum" extrait du Barbier de Séville de Rossini piano solo • Gioacchino Rossini Serate musicali Soirées musicales ; Regata Veneziana, La Pesca ; Sémiramide "Giorno d’orror", Acte 2 • Wolfgang Amadeus Mozart Cosi fan tutte "Prenderò quel brunettino", Acte 2 ; Les Noces de Figaro "Sull’aria", Acte 3 ; "Via resti servita", Acte 1 Karine Deshayes mezzo Delphine Haidan mezzo Dominique Plancade pianoEl Cavretico - Du mouvement au souffle Musique, Danse - Bal - CabaretMarseille 13000Le 15/04/2023Né de la volonté de la Compagnie Nine Spirit d’étendre ses horizons, ce nouveau spectacle nous plonge au cœur de l’Espagne, du Flamenco et des musiques improvisées. El Cavretico est un chant sépharade en ladino. Ce quatuor musical de haute volée à l’instrumentation peu courante où l’on retrouve les saxophonistes Raphaël Imbert et Maxime Atger, la pianiste Amandine Habib et le percussionniste Jean-Luc di Fraya, nous invite à une aventure musicale au cœur des musiques ibériques et du thème de la Folia. El Cavretico est un merveilleux métissage mêlant musiques classiques, jazz et improvisation. Si ce nouveau spectacle s’écoute, il se regarde aussi ! La musique épouse la talentueuse danseuse Ana Pérez qui navigue entre Flamenco et Danse Contemporaine. Elle est surnommée la perle noire du Flamenco. Elle ne cesse de créer la sensation dans le monde du flamenco. Elle a su imposer son style, sa présence, sa danse si expressive. De la rencontre de ces différentes cultures et de leurs métissages, Ana Pérez explore de nouveaux langages. Un fascinant récit musical et dansé traversant le temps à ne rater sous aucun prétexte ! Elle est surnommée la Perle noire du Flamenco.» Elle[...]Saison Cuturelle 2022/2023 - Festival Arte Flamenco à Soustons Manifestation culturelle, Danse - Bal - Cabaret, SpectacleSoustons 40140Du 27/01/2023 au 29/01/2023Un nouveau festival organisé en partenariat avec Arte Flamenco des spectacles mais aussi une exposition, un atelier de baile, des rencontres, des lectures et un atelier d’éducation à l’environnement … Tout public. Spectacles Durée 1h15’ VENDREDI 27 JANVIER à 20h30 Baile - Paula Comitre Cuerpo Nombrado » Avec Paola Comitre danse, Juan Campallo guitare, Jesús Corbacho, Antonio Campos chant SAMEDI 28 JANVIER à 20h30 Baile - Iván Vargas Yo Mismo » Avec Iván Vargas danse, Luis Mariano guitare, Sergio el Colorao chant Miguel el Cheyene percussion DIMANCHE 29 JANVIER A 18h Jazz flamenco - Antonio Lizana Antonio Lizana chant / saxophone, Daniel Garcia Diego piano / chœurs, Jesús Caparrós basse électrique, Shayan Fathi batterie, El Mawi danse / chœursSaison Cuturelle 2022/2023 - Festival Arte Flamenco à Soustons Chorale - Chant, Danse - Bal - Cabaret, Lecture - Conte - PoésieSoustons 40140Du 27/01/2023 au 29/01/2023Un nouveau festival organisé en partenariat avec Arte Flamenco des spectacles mais aussi une exposition, un atelier de baile, des rencontres, des lectures et un atelier d’éducation à l’environnement … Tout public. Spectacles Durée 1h15’ VENDREDI 27 JANVIER à 20h30 Baile - Paula Comitre Cuerpo Nombrado » Avec Paola Comitre danse, Juan Campallo guitare, Jesús Corbacho, Antonio Campos chant SAMEDI 28 JANVIER à 20h30 Baile - Iván Vargas Yo Mismo » Avec Iván Vargas danse, Luis Mariano guitare, Sergio el Colorao chant Miguel el Cheyene percussion DIMANCHE 29 JANVIER A 18h Jazz flamenco - Antonio Lizana Antonio Lizana chant / saxophone, Daniel Garcia Diego piano / chœurs, Jesús Caparrós basse électrique, Shayan Fathi batterie, El Mawi danse / chœursVilles en scène > "Gharnata" Concert, Danse - Bal - Cabaret, Festival généraliste, Spectacle, Manifestation culturelle, Manifestation culturelle, Musique du mondeTHEREVAL 50180Le 26/11/2022Dans le cadre du festival "La Manche met les villes en scène", rendez-vous le 26 novembre prochain à l'espace culturel "le Triangle" à Théreval Hébécrevon pour le spectacle "Gharnata" avec la compagnie Luis de la Carrasca. Originaire de Huéscar province de Grenade-Espagne, Luis de la Carrasca grandit dans cette Andalousie rurale où il se passionne très jeune pour ce Mundillo Flamenco ». Il est actuellement l’artiste Flamenco reconnu et une des références dans le monde Flamenco. Autodidacte, il a hérité du don de ses ancêtres pour el Cante ». Gharnata titre de son dernier album et de son spectacle veut dire Granada» en arabe, sa ville. Luis de la Carrasca est conscient de l’héritage laissé par cette extraordinaire civilisation andalouse à son apogée. Ses paroles font référence aux valeurs de respect, de tolérance… et à l’Amour, la plus importante. Depuis 2010, le flamenco est inscrit au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Accompagné de cinq musiciens et de Ana Perez, danseuse surnommée Perle noire du flamenco » , ce concert rend aussi hommage à ce patrimoine universel du flamenco et aux génies, espagnols ou français, que furent Federico[...]Ressources supplémentairesAgroalimentaireEnergie - PétroleNégoce - Commerce gros-1AinAudeBouches-du-RhôneCharente-MaritimeDeux-SèvresDoubsEureFinistèreGersHaute-GaronneHaute-SaôneHaute-VienneHéraultIlle-et-VilaineIndre-et-LoireLandesLoir-et-CherLot-et-GaronneMaine-et-LoireMancheMorbihanParisPuy-de-DômeRhôneSaône-et-LoireSeine-MaritimeTarnVal d´oiseVarVaucluseVendéeVienneYonneYvelinesChorale - ChantConcertConférence - DébatDanse - Bal - CabaretFestival généralisteJazz - BluesLecture - Conte - PoésieManifestation culturelleMusiqueMusique du mondeSpectacleSpectacle comiqueThéâtre
21Letutoiement évoque l’intime, le familial, mais aussi la dépendance d’une relation quelquefois profondément asymétrique. En France, on a toujours tendance à tutoyer les personnes placées en garde à vue dans les commissariats ou écrouées dans les prisons [4] .
Le texte ci-dessous a été rédigé à partir d’une intervention dans le cadre du séminaire “Penser/enseigner le sens du langage” que j’anime lors de la séance du 10 mars 2016 au centre Bièvre de l’Université Sorbonne nouvelle Paris 3. Il a été prononcé après l’intervention de Melissa Melodias en thèse sous ma direction sur le rythme dans l’oeuvre de Pasolini sur un autre livre de Georges Didi-Huberman, Passé cités par JLG on peut la lire à cette adresse à venir. Je remercie les participants au séminaire pour la discussion qui a suivi. j’avais déjà publié un billet qui reprenait une communication autour de La Disparition des lucioles faite le 4 mars 2010 associant Georges Didi-Huberman et Ghérasim Luca Continuer la lecture de Georges Didi-Huberman le sens du langage sept courtes remarques en marge de quelques livres → Dans sa Lettre à John E. Jackson[1] », Yves Bonnefoy a raconté la genèse de Douve et, plus précisément, ce qu’il appelle le passage vers les poèmes de Douve » un récit abandonné en vue d’une reprise de ce nom propre ». Il semblerait que l’œuvre de Bonnefoy, tant poétique que philosophique voire esthétique, ne se soit constituée que dans et par l’hésitation, certainement entre les genres et ici d’un récit aux poèmes[2], mais bien plus encore entre ce que Bonnefoy lui-même appelle le lieu » et la voix », entre une identification opacité de l’en-soi[3] » et une transsubjectivation. En effet, bien plus qu’une hésitation générique, Bonnefoy engage toute écriture sous le signe du poème, non comme genre mais comme acte de poésie[4] » et plus précisément comme pensée de la présence » L’Ordalie, note, 1974 puisque dans sa recherche[5] » il a vite compris que la fiction va plus vite à la forme figée que le poème » 98. Resterait que le mouvement de l’écriture se constituerait bel et bien comme une désagrégation » 99 de la pluralité première que Bonnefoy signale d’ailleurs de manière assez péjorative comme le morne tableau des polysémies habituelles dans ce qui demeure écriture » ibid.. Cette orientation fondamentale et, l’on pourrait dire, fondatrice chez Bonnefoy est bien celle qui tente de remonter d’une absence – car toute signification, toute écriture, c’est de l’absence – à une présence » jour enseveli que la poésie dégage comme la bêche la source » ibid.. Si, Bonnefoy précise in fine qu’ en poésie il n’y a jamais que des noms propres » un visage, non une essence » ibid., 100, ce qui impliquerait la force d’un continu vocal, d’une voix qui répond à un appel, resterait qu’un tel processus n’est pas loin d’évoquer l’alètheia dans la conception d’Heidegger, c’est-à-dire comme transport plus que rapport, ou du moins dans celle des présocratiques relus par les philosophes contemporains de Bonnefoy, disons par exemple Jean Beaufret[6]. L’hypothèse de cette contribution sera donc de souligner les motifs de cette hésitation qui, du brouillage » qu’elle opère peut aller jusqu’au blocage[7] » du poème. Elle ne visera néanmoins qu’à tenter d’apercevoir une telle disposition cardinale dans cette œuvre décisive publiée en 1953 qu’est Du mouvement et de l’immobilité de Douve[8], dont on aperçoit d’emblée, par la formulation, ce brouillage » et ce blocage[9] » puisque Du mouvement de Douve » construit prosodiquement un continu résonant puissant que l’intercalation de la seconde et contradictoire opération mobilisant l’écriture, de l’immobilité » après celle du mouvement », vient comme défaire en son cœur. La pluralité sous la présence une expérience de la tension Dominique Combe a noté combien Les Métamorphoses d’Ovide constituait l’arrière-plan du mouvement’ de Douve, soumise à d’incessantes transformations[10] ». Combe montre ainsi qu’effectivement un pôle de la pluralité nourri, entre autres, de lectures et réénonciations, est à l’œuvre dans Douve ; mais il faudrait aussitôt préciser combien un tel pôle est travaillé par son opposé, celui qui tente de rédimer une telle pluralité, et alors apercevoir combien une telle pluralité vive ne se constitue finalement que comme arrière-plan », soubassement », voire moment dépassé, du moins dépassable, dans une dialectique de l’écriture qui engagerait la pluralité sous la présence, sous son unité homogénéisante atteinte dans et par le poème. Douve vient continuer chez Bonnefoy un amour du surréalisme dont il précise qu’il révélait – et paraissait même rendre immédiatement et facilement praticable – ce qu’on a nommé plus tard l’écriture, c’est-à-dire l’écoute que l’on peut faire durer, dans les mots que nous traçons sur la page, de la pluralité des voix qui hantent notre inconscient et troublent d’ailleurs déjà notre parole ordinaire[11] ». Douve, le personnage qui construit l’unité du livre voire le continu de sa vocalité, est multiple voire indéfinissable. Il semble évident qu’il faille parler de personnage puisque la première section de Douve pose un Théâtre » 45-63 même si Bonnefoy invente une théâtralité du poème qui fait de la persona plus un porte-voix qu’une consistance psycho-narrative en variant les modalités de la venue sur la scène du poème. Ce que j’essaie d’apercevoir en suivant les scènes de ce Théâtre ». En I, le voir du narrateur multiplie les formes de vie de Douve courir », lutter », se rompre » et jouir ». En II, la vie ensemble permet d’entendre des reprises de voix comme cousus par un plutôt » qui indique bien que Douve engage des choix qui, certes, dessinent un destin mortel mais affirment quoiqu’en dise le narrateur une ivresse imparfaite de vivre ». En III, si Douve semble prise dans et par ce destin, ses gestes » et ses seins » poursuivent une pluralité constitutive que le finale, tu régnais enfin absente de ma tête », tente de récupérer dans une absence destinale homogénéisée. En IV, les naissances de Douve à chaque instant », bien évidemment ramenées in fine au verbe mourir », sont confirmées au moins par deux états signalés par le narrateur lande résineuse endormie près de moi » et village de braise ». Que Douve puisse passer de la lande » au village » montrerait à l’envi le pouvoir métamorphique de son mouvement » propre. En V, le statut du dernier vers déroge par le trop plein à la métrique par trop mécanique des alexandrins précédents et surtout du premier quatrain puisque déjà le deuxième vers décasyllabique du second quatrain dérogeait ces gestes de Douve » rythment anaphoriquement par trois fois ce dernier vers tout en pestant contre la métrique immobilisante alors même que le sémantisme voudrait y conduire, à l’immobilité. En VI, même si la disparition est mise en scène, le questionnement adressé multiplie les figures de l’interlocutrice rivière souterraine » ; lente falaise d’ombre, frontière de la mort », Douve qui est in fine accueillie par des bras muets », les arbres d’une autre rive » et donc disparaître multiplement. Ce que poursuit la scène VII avec les quatre qualifiants blessée confuse », prise », complice » et ensablée ». Toutefois le distique final 12+6 achève cette pluralité dans un beau geste de houille » qui va ouvrir une dislocation » des menuiseries faciales » en VIII pour laisser opérer la musique ». Est-ce alors une vocalité encore pleine de voix ou dorénavant Douve disant Phénix » ainsi que la scène IX conclut en concentrant dans cette figure mythologique toute la persona de Douve pourtant être défait » mais que l’être invincible rassemble ». Si la scène X engage une reprise de Je vois Douve étendue » à l’incipit de X, XII, XIV, c’est bien pour arrêter de l’adresse dialogique Je te vois étendue ». Ce principe de reprise fait toutefois entendre non une répétition mais une résonance ou, en l’occurrence, un écho qui ne cesse de prolonger la vocalité de Douve, mais c’est pour la laisser se défaire sous l’ombre unitaire de l’araignée massive ». La scène XI prépare ce qui réduira à une prosopopée toute voix possible ; aussi l’accumulation couverte », parcourue », soumise », parée » organise-t-elle plus une téléologie qu’une aventure Fontaine de ma mort présente insoutenable » conclut dans le bégaiement consonantique en /t/. La scène XII renoue avec la tension première puisque Douve rayonne » ; aussi la scène XIII renoue avec le tutoiement même si l’affirmation quasiment christique, Ceci est une image », défait toutes les images », c’est-à-dire les proférations vocales d’une pluralité de Douve et donc de la relation on passe bien de ton visage » au mot visage » qui n’a plus de sens » où le réalisme l’emporte sur le nominalisme. Mais les revenants des yeux », des thorax », des têtes » de toutes parts » de la scène XIV montrent combien le poème est tiré par un nominalisme foncier que réitère le tutoiement de la scène suivante qui toutefois réduit le visage » déjà évoqué à un profil » et un dernier sourire » pour voir se calciner / le vieux bestiaire cérébral », c’est-à-dire cette multiplication des revenants. S’apercevrait ici – mais n’est-ce pas toute la tension qui agite entièrement Douve – ce que Georges Didi-Huberman appelle le point de vue de la survivance et du désir inconscient qui la soutient » en maintenant vive la question Pourra-t-on jamais prévoir ce qui, du passé, est appelé à survivre et à nous hanter dans le futur[12] ? » Toute la scène XVI indique cette tension entre le dynamisme des survivances nos pentes » et des soleils » voire aux étages inférieurs » et l’immobilisation d’une fin Demeure », filet vertical de la mort » et l’espace funèbre ». Mais même la mort est démultipliée dans des incorporations, un peu à la manière des planches de Vésale, que la scène XVII rejoue en un maintenant » répété cinq fois à la rime pour autant de recommencements de Douve. Ce que viendrait confirmer la scène suivante, certes comme compte rendu d’une rencontre post-mortem mais bien vive, cette rencontre où le narrateur avoue, à contre poème puisque vivante, de ce sang qui renaît et s’accroît où se déchire le poème » je soutiens l’éclat de tes gestes ». La scène XIX rétablira le poème » ainsi entendu à la fois par sa métrique assurée en deux quatrains d’alexandrins pour ne laisser pavoiser » que des liasses de mort » sur le sourire » de la morte. Est-ce l’échec d’une pluralité vive de la voix que cette ouverture tentée dans l’épaisseur du monde », ainsi que l’affirme le dernier vers de ce Théâtre » inaugural de Douve ? Le poème est-il condamné à l’ouvert conçu comme ozone majeur » et donc chute ou vertige, tentative vouée à l’échec ? Le Théâtre » qui ouvre Douve pose une tension forte qu’il nous faut poursuivre même si nous avons d’ores et déjà aperçu combien toute pluralité comme caractère dynamique du mouvement de Douve en tant que persona, c’est-à-dire résonateur vocal, est rapidement destinée à se soumettre à ce que Bonnefoy appelle la Présence ». En l’occurrence, une telle Présence » constituerait pour le poème un régime destinal il fallait que » à la tonalité hiératique roulant sur les /r/ du second verset de la scène pénultième. Verset bien mesuré par l’alexandrin et d’un site funèbre où ta lumière empire » serti entre 144-4-4-2-syllabes découpage peut-être plus prosodique que métrique et un 74-3-syllabes, où les preuves » s’achèvent dans l’épreuve » il fallait qu’ainsi tu parusses aux limites sourdes, et d’un site funèbre où ta lumière empire, que tu subisses l’épreuve ». Est-ce le seul moyen d’assurer le continu du poème d’ainsi le condamner à déchirer sa vocalité plurielle pour une unité destinale ? Le continu sous l’unité le blocage après le brouillage Avant d’en venir à la dernière séquence de Douve, Vrai lieu », et donc d’observer combien elle tente d’assurer une vérité destinale à la relation ou voix engagée par Douve dans sa pluralité même, le Théâtre » inaugural a d’emblée posé cette tension entre unité et pluralité, nous l’avons vu, en l’orientant décisivement et, peut-on oser le dire, malheureusement de la voix vers le lieu, d’un continu pluriel vers une totalité-unité. Toutefois Bonnefoy maintient la tension avec la séquence qui suit ne serait-ce que par le titre au pluriel, Derniers gestes », même si l’on devait tout de suite ajouter … pour une geste ». Il semble que ce soit bien le cas puisque malgré cette pluralité rejouée maintes fois dans la séquence comme un continu vocal, celle-ci se voit soumise au régime plus puissant des figures tutélaires unifiantes du seul témoin », du vrai nom », du Phénix » et du vrai corps » pour s’achever par un art poétique » qui invoque une autre figure réductrice, la Ménade ». Jean-Pierre Richard remarquait incidemment combien ces figures » d’autres viendront dans les séquences suivantes telles Cassandre, voix ardente de la catastrophe, le phénix, mort brûlé et ressorti vivant de sa brûlure, la salamandre, chair qui se fait pierre et traverse le feu » qui possèdent un grand pouvoir de retentissement » ont, d’autre part, l’inconvénient de mettre en quelque façon la rêverie, et donc le réel, à distance, de résoudre en elles le paradoxe au lieu de nous obliger à en épouser personnellement le trajet ? » Et le poéticien de s’interroger A ce niveau d’universalité et d’abstraction, le mythe est-il donc si loin du concept[13] ? » On ne peut que pousser cette interrogation de Richard pour confirmer combien Bonnefoy oriente l’écriture mythique non du côté de l’epos mais bien toujours du muthos, non du côté de l’aventure vocale dans et par son continu trans-subjectif mais plutôt de la vérité quand les mythes, dans leur pluralité même, n’ont ni vérification ni sanction autre que celle d’une reprise infinie, de réénonciations qui constituent un racontage continuée au sens de Walter Benjamin[14]. Contentons-nous de quelques remarques sur Vrai nom » 73 qui réduit les gestes à un seul geste ou une seule geste, celui de la nomination Je nommerai » même si cette activité est dynamisé par des effets de liste quatre éléments dans le premier quatrain puis trois compléments au verbe détruire » dans le septième vers, reprise du et » lançant dans le dernier quatrain que renforce la reprise anaphorique des deux derniers vers dans mes mains » et dans mon cœur ». Reste que la vision est orientée décisivement vers ce pays qu’illumine l’orage ». La dramatisation du désert » à l’orage » en passant par la guerre » construit une apparition qu’ouvre la nomination comme un baptême Je te nommerai » sous une aurore naissante » pour reprendre le titre du livre de Jacob Böhme paru en 1612 mais cette vocalité de l’adresse comme appel Je viens » est toutefois ramassée préalablement par le titre dans le vrai nom » qui éteint toute énonciation-relation. La confirmation de cette orientation est forte dans le distique final de Vrai corps » Douve, je parle en toi ; et je t’enserre / Dans l’acte de connaître et de nommer » 77. Douve n’est plus la voix possible d’une aventure du poème résonnant puisqu’au J’écoute » d’un Apollinaire[15], est préféré un nommer ». Mais Douve parle » ! Ainsi titre la troisième séquence même si la réciprocité dialogique est dès le premier quatrain reversé à la nomination plus qu’à la relation A peine si je sens ce souffle qui me nomme ». Reste que cette réciprocité réintroduit du vocal toutefois insituable Quelle divine ou quelle étrange voix » bien qu’assigné à un séjour Eût consenti d’habiter mon silence ? » la relation se voit alors sortie du langage. C’est tout le paradoxe des poèmes qui suivent et titrent Une voix » puis Une autre voix » alors même que la désénonciation de la relation est engagée aussi n’est-il plus question que d’absence de toute densité » la séparation s’effectue entre une pauvre parole » et un plus grand cri qu’être ait jamais tenté ». Si alors, encore, Douve parle » et que Une voix » se fait entendre au moins deux fois dans les poèmes qui suivent, c’est pour confirmer cette relation impossible que la poésie du poème instaure, cette mort de la relation, cette houille » 88 Je ne suis que parole intentée à l’absence / L’absence détruira tout mon ressassement / Oui, c’est bientôt périr de n’être que parole, / Et c’est tâche fatale et vain couronnement » 89. N’être que parole », dans et par ce qui s’entend comme un psittacisme reprises de que parole », de l’ absence » signalées comme ressassement » généralisé, pointe une défaillance quasi ontologique du langage que le poème n’a plus qu’à répéter sans voix Tais-toi », Et parole vécue mais infiniment morte », 92, comme l’a justement ressassé tout un mallarméisme de l’universel reportage ». Aussi, Douve fait passer insensiblement le poème de la voix dans sa pluralité au lieu dans son implacable unicité. Le programme est très clairement indiqué à l’incipit de la quatrième section qui paradoxalement semble concrétiser toute la démarche avec un nom de lieu L’orangerie » Ainsi marcherons-nous sur les ruines d’un ciel immense, / Le site au loin s’accomplira / Comme un destin dans la vive lumière » 93. Le lyrisme vient même célébrer cette orientation O terre d’un destin ! » 95. Pourtant, l’adresse et donc la relation vocale reprend dans La salamandre » puis dans les poèmes qui suivent jusqu’à cette déclaration L’orangerie sera ta résidence » 104. Mais ce statisme d’un habiter le monde appelle alors la Vérité », titre du dernier poème auquel, certes, s’ajoute un distique. Cette vérité » est explicitement une illumination dévoilante Le soleil tournera, de sa vive agonie / Illuminant le lieu où tout fut dévoilé ». Le site perd alors toute historicité pour devenir fondation d’une ontologie pleine tout », un Vrai lieu » comme si tous les autres lieux étaient faux ! S’expliquerait alors le fait que la tonalité métrique qui dispose une série sémantique à la rime derrière la maison » guérison » et oraison » 107, c’est-à-dire le soin et la prière jusque dans la Chapelle Brancacci », poème suivant 108 qui souligne in fine le vain chemin des rues impures de l’hiver », l’impossibilité des passages, des retours de vie. Le poème est condamné à célébrer le lieu du combat » 109-110 ou, n’est-ce pas la même chose, le lieu de la salamandre » 111 tenir au sol et retenir son souffle dernier vers, 111 résument cette théologie négative Ce sera dans la nuit et par la nuit », 110 que la figure du dernier cerf » 112 va rejouer dans un vrai lieu » d’autant que si soudain » il s’évade », est déclarée inutile » toute poursuite » ! Le poème se fond dans la mécanique céleste Le jour franchit le soir, il gagnera / Sur notre nuit quotidienne » pour célébrer dans ce que Jean-Pierre Richard appelle une rêverie de l’à travers[16] » O notre force et notre gloire, pourrez-vous / Trouer la muraille des morts ? » 113. Si la prosodie s’intensifie dans ces roulements des /r/, elle laisse aussi le poème s’achever dans un quasi murmure qui éteint l’adresse qui perd sa voix, au sens d’une relation ouvrant à des rapports autant qu’à des histoires – les uns et les autres engageant d’incessants mouvements –, pour mieux trouver son site, son immobilité le lieu des essences immuables qu’aucune nuit quotidienne » ne peut alors dissimuler. Aucune démonstration véridictionnelle dans ce qui précède autre qu’une tentative d’écoute de ce qui hésite à même l’écriture de Douve. Antoine Raybaud a relevé l’ambiguïté du Tu, non simplement dans la déploration sur la frontière de la perte, mais sur les chemins et dans les espaces de l’égarement du perdu ». Il montrait que, conséquemment, le Je est à la fois aux prises avec la traversé d’un lieu …, et, en même temps, la scène et le mobile de multiples mémoires, et par là, d’une parole mémorielle, inépuisable mise en scène parolière de beaucoup de cultures, leur reviviscence dispersée en échos entrecroisés et en perspectives éclatées[17] ». Il semblerait donc que sa lecture se soit orientée en sens inverse de notre mise en perspective et ait proposé une vision du vrai lieu » comme tumultueux et fragmentaire, celui-là », défaisant donc ce que Bonnefoy, semble-t-il, présuppose bel et bien l’unité-totalité d’un vrai corps » et d’un vrai nom »… Mais Raybaud avait bien signalé qu’une telle pluralité n’aboutit pas à un continu du poème puisqu’il soulignait combien cette pluralisation est, d’une part, seulement esquissée » et, d’autre part, dispersion[18] » plus que relation. D’aucuns avaient d’ores et déjà repéré des inflexions fortes dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy après l’écriture de Douve Philippe Jaccottet signalait combien Dans le leurre du seuil se distinguait des précédents livres publiés par Bonnefoy puisque, dans ce livre de 1975, le poème, enfin, ne se joue plus sur un théâtre mental, dans le monde trompeur des essences. Il a pour la première fois pris pied dans la réalité concrète, nommable, d’un lieu, particulier, d’une saison datable[19] … ». Et Bonnefoy reprendra lui-même le motif de l’inflexion en notant, dans Le Nuage rouge, que Dans le leurre du seuil ouvrait à la Présence, oui, et cette fois plénière autant qu’immanente, et avec même des mots à sa disposition, on le voit mots quotidiens, de parole ». L’intensification de la Présence » cette fois plénière » qui passerait paradoxalement par un prosaïsme du choix des mots ou de l’énonciation mots quotidiens, ou de parole » ne me semble pas modifier l’hésitation cardinale de l’écriture de Bonnefoy que j’ai tenté de souligner dans Douve. Resterait à poursuivre le travail d’observation mais la formulation même de Bonnefoy indique bien qu’au contraire, il s’agira de rendre plénier ce qui ne l’était pas encore ; bref, Bonnefoy a bel et bien engagé son écriture dans une hésitation entre le lieu et la voix qui assigne celle-ci et donc sa pluralité interne et externe à l’unicité de celui-là Je crie, regarde, / Le signe est devenu le lieu » 288 quand le poème comme relation fait de tout signe de vie un signe de voix. Jean-Pierre Richard signalait, dans le registre d’attention qu’il a su admirablement développer, que chez Bonnefoy l’usure pathétise l’objet et le temporalise, mais sans en attaquer vraiment le grain[20] » ; on pourrait ajouter que toute la construction de Bonnefoy ne le permet pas puisque si, pour lui, il y a un dire parmi les hommes, une parole sans fin[21] », ce n’est pas pour en observer avec surprise les granulations voire pour en exalter la pluralité, mais tout au contraire pour que le poème s’immobilise dans une déréliction statique puisqu’il ajoute, mais n’est-ce pas une matière aussi vaine et répétitive que l’écume, le sable ou tous ces astres vacants ? Quelle misère que le signe[22] ! » Oui, mais la parole est irréductible au signe dès que voix et relation ! Ce que paradoxalement montreraient à l’envi les poèmes de Bonnefoy eux-mêmes dans leur hésitation entre le signe et le poème[23] », le lieu et la voix, l’unité et le continu. [1] Yves Bonnefoy, Lettre à John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poésie 1972-1990, Paris, Mercure de France, 1990, p. 88-116. La citation est à la p. 94. [2] Roberto Mussapi et Jean-Yves Masson n’hésitent pas à maintenir l’indécision générique ne serait-ce qu’en titrant leur étude Douve, un thriller métaphysique » dans Yves Bonnefoy, Paris, L’Herne, 2010. [3] Je cite ici une formulation de Jean-Pierre Richard dont l’étude de février 1961 reprise dans Onze études sur la poésie moderne Paris, Seuil, 1964, p. 254-285 nourrit ce travail alors même que Richard propose d’emprunter la voie mauvaise » la voie à la fois enchanteresse et maléfique du concept » que dénonce Bonnefoy ! Où Richard pointe tout au long de sa lecture la vision de l’hésitation chez Bonnefoy Tous les essais de l’Improbable, et même quelques poèmes de Douve ou de Hier régnant désert, nous racontent ainsi la présence, nous disent ce qu’elle est et comment la chercher, mais ne nous engagent pas, concrètement, dans cette quête » p. 259. L’hésitation passe d’ailleurs de Bonnefoy à Richard quand ce dernier avoue qu’avec Bonnefoy, mieux vaut s’abandonner à ses poèmes La meilleure façon de les lire, me semble-t-il, serait de s’enfoncer aveuglément dans leur ressassement et dans leur nuit, de laisser résonner en soi leur note sourde, d’ouvrir son regard à leur matité », pour aussitôt ajouter contradictoirement qu’ il faudrait aussi les traverser comme des épiphanies …, bref, il faudrait décrire, si ces mots possèdent quelque sens, les catégories sensibles de la présence chez Bonnefoy » p. 260-261 ! Mais le poéticien s’y perdra dans cette consistance » p. 281 et devra recourir à nouveau au concept, à ce qu’il va appeler la double vérité de la présence et de la conscience » p. 283. [4] Yves Bonnefoy, Entretien avec John E. Jackson » 1976 dans Entretiens sur la poésie, op. cit., p. 85. [5] Yves Bonnefoy, Lettre à John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poésie, op. cit., p. 94. Les indications de pages qui suivent renvoient à cette Lettre ». [6] Voir, entre autres, Pierre Jacerme, Martin Heidegger et Jean Beaufret un dialogue », Revue philosophique, 4/2002, p. 387-402. Voir, en particulier, la p. 396. [7] Voir Patrick Quillier, Entre bruit et silence Yves Bonnefoy, Maître de Chapelle ? Esquisses acroamatiques », Littérature n° 127, 2002, p. 18. [8] Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilité de Douve 1953 dans Poèmes, Paris, Gallimard, Poésie », 1982, p. 43-113. Dorénavant, les seules indications de pages vont à cette édition. [9] Ibid. [10] Dominique Combe, L’ultime Rome’ Yves Bonnefoy et la latinité », Europe n° 890-891, juin-juillet 2003, p. 161. [11] Yves Bonnefoy, Lettre à John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poésie, op. cit., p. 90. [12] Georges Didi-Huberman, L’image survivante, Histoire de l’art au temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002, p. 512. C’est l’auteur qui souligne. [13] Jean-Pierre Richard, Onze études…, op. cit., p. 274. [14] Walter Benjamin, Le Raconteur, trad. Sibylle Muller, Strasbourg, Circé, 2014. Bonnefoy aurait certainement pu souscrire à une des orientations de Benjamin La mort est la sanction de tout ce que le raconteur peut relater. C’est à la mort qu’il a emprunté son autorité » p. 21. Mais une telle orientation engage la mémoire comme un véritable bien commun », précise Georges Didi-Huberman dans un commentaire serré de cet essai de Benjamin Blancs soucis, Paris, Minuit, 2013, p. 110. Bonnefoy me semble éviter un tel engagement. [15] Guillaume Apollinaire, Sur les prophéties », Calligrammes, Poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916 dans Œuvres poétiques, Paris, Gallimard, Pléiade, 1965, p. 186-187. [16] Jean-Pierre Richard, Onze études…, op. cit., p. 280. [17] Antoine Raybaud, Le tu de Douve » dans Michel Collot et Jean-Claude Mathieu dir. Poésie et altérité, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1990, p. 61-70. La citation et celle qui suit vient du paragraphe conclusif. [18] Ibid., p. 69. [19] Philippe Jaccottet, Une lumière plus mûre », L’Arc n° 66, paris, 1976, p. 25. [20] Jean-Pierre Richard, Onze études…, op. cit., p. 281. [21] Yves Bonnefoy, L’arrière-pays, Genève, 1972, Albert Skira, p. 22. [22] Ibid. [23] Je reprends ici le titre de l’ouvrage de Henri Meschonnic Paris, Gallimard, 1975 qui a osé écrire que le deuil sied à la poétisation » dans Célébration de la poésie, Lagrasse, Verdier, 2001, p. 114. Il y aurait alors à tout reprendre pour apercevoir que Bonnefoy n’est pas tant porté par la mort, telle mort, que par le deuil… Mais nous retrouverions également ce que nous avons peut-être qu’aperçu ici une essentialisation-poétisation qui perd le continu et la pluralité de la voix pour le lieu, le poème pour la poésie… Séminaires de Serge Martin Université Sorbonne nouvelle Paris 3 en 2015-2016 programmes précis à venir – pour information, tous ces séminaires sont ouverts à tous à condition d’accepter de faire partie de la liste de diffusion qui est distribuée à chaque séance Au premier semestre du 21 septembre au 17 décembre 12 séances Un séminaire de M1, le jeudi matin de 9h à 11h Littérature et enseignement anthologie de voix » certains aspects de ce séminaire paraîtront sur ce carnet Trois séminaires de M2 – le mercredi de 13h à 15h Théories et didactiques de la littérature une question de voix » on peut le suivre sur ce carnet à l’onglet 7 – le jeudi de 13h à 15h Littérature de jeunesse poétique et didactique du racontage » on peut le suivre à cette adresse à l’onglet 4 – le mercredi de 15h à 17h Méthodologie du mémoire de recherche voies et voix de l’essai comme expérience de recherche » on peut le suivre en allant à cette adresse Toute l’année Séminaire avec Aline Bergé maîtresse de conférences à Paris 3 au Musée du Quai Branly de 17h30 à 19h30 les jeudis 15 octobre, 19 novembre et 10 décembre 2015 ; 21 janvier, 18 février, 17 mars, 7 avril et 12 mai 2016 Histoires de gestes littérature et anthropologie seconde saison » Au second semestre Séminaire doctoral avec Cécile Leguy professeure à Paris 3 à Censier les mercredis 27 janvier, 3 et 24 février, 9 et 23 mars et 13 avril 2016, de 14h à 16h Gestes et voix une anthropologie poétique des arts du langage seconde saison » Séminaire doctoral avec Jean-Louis Chiss professeur à Paris 3 à Censier les jeudis 28 janvier, 4 et 18 février, 10 et 24 mars et 14 avril 2016, de 14h à 16h Penser/enseigner le sens du langage première saison » Nous proposons ici une édition critique de quelques comptes rendus de Jarry, sans introduction théorique ou contextualisation préalable tout est dans les notes. Et nous avons fait choix de laisser le lecteur les découvrir à sa guise… G. La Natalité en France en 1900 Bernard.2 On comptait, en France, 32 naissances sur mille habitants en 18013. Il n’y en avait plus que 22 en 18954, et ce chiffre ne s’est relevé, depuis 1898, qu’à 22,15. Or, le coefficient des décès se maintenant actuellement à 22,26, la France se dépeuple7, ou plutôt se dépeuplerait sans l’immigration et peut-être la collaboration personnelle des immigrants8. Quelle est la cause de cette dépopulation ? Car le coef­ficient des mariages est demeuré constant 7,49. Mais la plu­part sont inféconds10, soit que les conjoints abusent, pour diverses raisons, à Paris plus qu’en tout autre pays, du restraint moral de Malthus11 ; et, de fait, les restraints moraux » des meilleurs faiseurs se fabriquent à Paris12, comme leur nom l’indique ; soit que beaucoup de Français soient, selon l’observation du Dr Émile Maurel, hérédo-arthritiques à la troisième et à la quatrième générationA, état dû lui-même à la suralimentation azotée13. Le vrai coupable serait, dit-on, l’alcoolisme14. M. Bourneville, sur 1 000 enfants idiots, imbéciles, épileptiques, recueillis à Bicêtre, établit que 500 seraient conçus par des pères ou mères alcooliques15. Nous nous révoltons contre la partiale absurdité de cet argument, car, du moment qu’il y a balance égale, nous pouvons conclure aussi bien que 500 sur 1 000 des épileptiques et idiots susmentionnés sont conçus par des parents sains. C’est d’ailleurs une loi que les tares ne sont jamais immé­diatement héréditaires16. Le premier descendant d’un alcoo­lique n’est pas alcoolique scrofuleux17 quelquefois, et pas toujours. Le Dr Laborde18 et plusieurs éminents médecins s’élèvent contre l’alcoolisme à sa première période, à qui ils reprochent sa fécondation immanquable, inconsciente et bru­tale, parce que cette période est celle de l’excitation en même temps génitale et spécialement générique19 ; mais dont les produits sont eux-mêmes incapables de se reproduire20. Ces mêmes spécialistes conviennent aussi que les non-alcoo­liques sont fréquemment impuissants21. Nous tirerons, de ces sophismes mêmes, leur conclusion qui les réfutera les non-alcooliques, les gens sains22 actuels, sont assimilables à de très anciens descendants d’alcooli­ques, et ceci explique qu’ils soient, le plus souvent, comme les fils d’alcooliques, inaptes à la reproduction. NousB présentons la clé de cette méthode dans une loi, que nous appellerons formule de l’alcoomètre repopulateur, laquelle nous paraît un pendant parfaitement valable à la théorie malthu­sienne connue, de l’accroissement géométrique des nais­sances et arithmétique des ressources alimentaires du globe Pour que la population croisse en progression arithmétique23, il faut que l’alcoolisme nombre des alcooliques et degré de leur alcoolisation croisse en progression géométrique24. Variantes a générations b reproduction. Les seuls reproducteurs valides, les alcooliques, ne font souche que d’une génération, parce que celle-ci, suivant une loi d’alternance, n’est pas elle-même alcoolique. Il faudrait, pour qu’elle le fût, soumettre ses tissus mithridatisés à une intoxication alcoolique supérieure dans des proportions déterminées. La plus élémentaire logique conseille à l’hygiéniste et au législateur de donner tous ses soins à cette alcoolisation méthodiquement crois­sante. Nous Mme Hudry-Menos La Femme Schleicher.25 Étude glorificatrice de la femme à travers les âges, tant ceux de l’histoire26 que ceux de son individuelle existence27. La femme n’est pas plus faible, physiquement, ni cérébralement que l’homme, ou plutôt elle ne l’est devenue que par des siècles d’asservissement28 ; elle n’est pas non plus l’éter­nelle malade29 la rupture périodique des follicules de Graaf n’est pas une maladie30. D’où légitimité de toutes les revendi­cations actuelles du féminisme31… Une, nous semble-t-il, manque. Puisque les femmes postulentA l’accès à toutes les fonctions sociales32B, qu’elles se prévalent d’illustrations surtout guerrières33, telles que Jeanne d’Arc34 et Jeanne Hachette35, qu’elles sont générale­ment plus patriotes que les hommes, il nous semblerait urgent avant toute autre réforme, d’étendre à leur sexe les glorieuses prérogatives du service militaire36. Variantes a demandent barré postulent b tous les emplois sociaux barré toutes les fonctions sociales Albert de Pouvourville L’Empire du Milieu Schleicher.37 Voici, présenté dans un précis historique et géographique38 excellent39, ce peuple chinois, vers qui l’Europe se tourne40 ; peuple de civilisation si absolue qu’elle est immuable41, contrepied de la nôtre42, ce qui donne à penser peu de bien de la nôtre. 2600 ans avant l’ère chrétienne, les Chinois se servaient usuellement de la boussole43 ; en 2000, ils connaissaient l’astronomie et le calendrier44 ; en 1000, la sphéricité de la Terre et son aplanissement aux pôles45 ; en 400 avant Jésus-Christ, la poudre et les canons46. De tous temps, leurs beaux-arts atteignirent une perfection que nous ne commençons qu’à découvrir. L’Europe se bat contre les Fils du Ciel47 pour obéir à cette loi que la barbarie attaque toujours la civilisation48. Elle peut momentanément vaincre, parce que, dit M. de Pouvour­ville49, il n’y a pas d’armée permanente en Chine, aucune considération ne s’attache au métier des armes50 dans le peuple, on ne recrute comme soldats que les mendiants et les vagabonds ; et les familles n’envoient à l’armée, comme officiers, que ceux de leurs fils dont on ne saurait rien faire, ou qui ont mal tourné 51». En France, constaterons-nous, à l’aurore du XXe siècle, la crédulité et l’enthousiasme populaires sont restés aussi avides de légendes belliqueuses qu’aux temps fabuleux. De nombreux Français n’ont-ils pas, tout récemment, cru voir de leurs yeux par un phénomène d’hallucination collective qui n’est pas rare chez les peuples jeunes ce mythe solaire52, grandiose à vrai dire, du Guerrier dans les langues germa­niques, Krieger53 et Krüger54 ? Quant aux sages Jaunes, ils ne voudront la guerre que le jour où ils seront trop serrés les uns contre les autres ; ils sortiront, mais bon gré mal gré55 et seulement pour accomplir l’antique prédiction des lettrés du temps des Ming, l’exode de six cents millions d’hommes, qui changera la couleur du sang humain56. Léon Walras Éléments d’économie politique pure Pichon.57 Appliquer à l’économie politique ou théorie de la richesse sociale58 l’analyse mathématique, en un motA en faire une science exacte59, est une idée récenteB elle date de 1854 et du livre Entwickelung des Gesetze des Menschlichen Verkehrs60, où Gossen61 énonçaC les systèmes d’équations dont les fermages, les salaires et les intérêts62 sont les racines. En 1871 William Jevons63, professeur d’économie politique à Manchester, publia chez Macmillan sa Theory of Political Economy64, qui repose toute sur ce qu’il appelle équation d’échange 65». À peu près en même temps, un Suisse, Léon Walras66, for­mulait une loi d’échange rigoureusement identique, la condition de satisfaction maxima 67». Les économistes non mathématiciens, qui ont pour tous théorèmes des clichés La liberté humaine ne se laisse pas mettre en équation ; – les frottements sont tout dans les sciences morales, ne peuvent faire que la théorie de la détermination des prix en libre concurrence ne soit une théorie mathéma­tique68. Raisonner non mathématiquement, c’est en somme faire de fausse mathématique69 tantôt déterminer une même inconnue au moyen de nE équations, tantôt faire servir une seule équation à déterminer n inconnues70. Il est douteux que de telles méthodes puissent être indéfiniment opposées à celle qui veut constituer l’économie politique pure en science exacte71, et soient bonnes à autre chose qu’à obtenir des solutions propres à charmerF l’espritG par leur variété. Voici une des formules de M. Walras Les prix ou les rap­ports des valeurs d’échange sont égaux aux rapports inverses des quantités de marchandises échangées72. Cette loi a été prouvée historiquement de façon très apparente ; l’émission de 30 à 40 milliards d’assignats a abaissé de 100 à 2,5 ou 3 la valeur de l’intermédiaire d’échange73. On ne peut répéter cette magnifique expérience aussi souvent qu’il le faudrait, dit M. Walras, pour convaincre les adversaires de la loi de la quantité74 ; et c’est pourquoi il est fort heureux que l’éco­nomie soit une science où le raisonnement vient suppléer au défaut ou à l’incertitude de l’expérience. 75» Nous verrions volontiers, au contraire, un savant modeste éditer pour quelques millions de papier-monnaie76, à seule fin d’enH obser­ver ensuite avec sérénité la réaction. Il ne fera que per­fectionner la méthode des grands établissements financiers, lesquels ont ouvertement en circulation du papier pour une valeur triple c’est le chiffre le plus usité de leur encaisse métallique. Le métal est un poids mort, un sabot de frein77, disent les économistes amétallistes ; la société n’est pas plus constituée pour liquider qu’un chariot pour s’arrêter ; il doit seulement pouvoir. 78» À quoi bon, puisque le Monde, le plus vieil établissement d’échange, ne peut pas non plus embrayer ? Mais il ne faudrait pas conclure que nous soyons aucunement hostile à la théorie, jusqu’à présent ésotérique, de la fabrication de la monnaie fiduciaire79 en libre concurrence80. Variantes a c’est-à-dire barré en un mot b moderne barré récente c formula barré énonça d maximum barré maxima e deux barré n f distraire barré charmer g l’esprit addition interlinéaire h en addition interlinéaire Almanach du Père Ubu pour le XXe siècle en vente partout.81 Revue des plus récents événements politiques82, littéraires, artistiques83, coloniaux84, par-devant le père Ubu. Un trait de la silhouette de ce pantin est mis en lumière ici, qui n’avait point servi dans Ubu roi ni sa contrepartie Ubu enchaîné nous parlons de la… pataphysiqueA » du personnage, plus simplement son assurance à disserter de omni re scibili85, tantôt avec compétence, aussi volontiers avec absurdité, mais dans ce dernier cas suivant une logique d’autant plus irréfutable que c’est celle du fou ou du gâteux Il y a deux sortes de rats, professe-t-il par exempleB, le rat des villes et le rat des champs ; osez dire que nous ne sommes pas un grand entomologiste86 ! Le rat des champs est plus prolifique, parce qu’il a plus de place pour87C élever sa progéniture88… » L’almanach est illustré de très synthétiques89 dessins de Pierre Bonnard et accompagné de musique nouvelle90 par Claude Terrasse91. Variantes a la pataphysique b par exemple addition interlinéaire c place où Jean S. Barès Gramaire françaize Le Réformiste.92 Monsieur Jean S. Barès, qui fait, depuis quatre ans, dans Le Réformiste, une campagne en faveur de la sinplificacion ortografique 93», vient de publier la prézente gramaire destinèe a mètre a la portèe des intélijences seulement moyènes, les règles lojiques et sinples » de sa nouvelle ortografe ». On permétra ainsi aus enfants », dit-il, d’apprendre une grande partie des chozes qu’il faut savoir pour faire bone figure dans la bataille de la vie, pendant les anèes qu’ils perdent actuélement pour graver dans leur mémoire la multitude de caprices et de convencions dont la seule énonciacion révolte tout esprit de lojique. 94» Il semble que M. Jean S. Barès n’ait point considéré que l’orthographe n’est pas une science qu’on apprenne selon des règles, mais un usage, une habitude et en quelque sorte une mode. Elle se transforme continuellement, ainsi que le prouvent les sans cesse nouvelles éditions des dictionnaires, et le jour où elle s’avouera définitivement codifiée, c’est que la langue dont elle est le costume sera morte. Si les grammairiens ont déduit des habitudes du peuple et du caprice des grands écrivains ce qu’on appelle conventionnellement des règles d’orthographe et de syntaxe, afin de faciliter d’écrire aux enfants, et, comme dit M. Jean S. Barès, aus intélijences moyènes », ces soi-disant règles ne sont que des constatations de faits, comme celle-ci, par exemple le participe s’accorde en telles circonstances, – de même qu’onA dirait les feuilles de tels arbres tom­bent en automne. C’est un phénomène de la nature et il ne sert d’yB contredire95. Il suit de là que les exceptions de cesC règles» sont des règles aussi, mais qui s’appliquent à un seul ou à un petit nombre de cas. Vouloir uniformiser l’orthographe, c’est la tâche utopique poursuivie par Le Réformiste, en même temps que la supression des octrois, le relèvement de l’agriculture, la décentralizacion administrative et l’établissement d’un ser­vice militaire pareil pour tous. Il dézire établir l’égalité et dégrever le nécessaire en grevant le superflu 96»… même dans les motsD. Cette utopie ne laisse pas d’être inquiétante, car, de par maints assentiments universitaires et officiels, peu s’en faut qu’elle ne soit réalisée97. Les intélijences moyènes » apprendront à écrire plus facilement, mais… les autres, dont le temps est bien aussi pré­cieux, seront-elles forcées d’apprendre à lire ceE volapük98 ? Enfin, n’accusons point M. Jean S. Barès d’avoir inventé la grammaireF des fautes d’orthographe sans doute l’idée et la substance lui en furent-elles fournies par nos filles, nos femmes et nous-mêmes… qui sommes encore bien capables de refaire des fautes contre cette grammaireF des fautes ! Variantes a comme on barré de même qu’on b n’y a rien à y barré ne sert d’y c des prétendues barré de ces d même dans les mots. ne figure pas e le barré ce f le dictionnaire g le dictionnaire Notes 1 G. M. est Georges Méran, né à Bordeaux en 1843, avocat à Bordeaux et maire d’Arcachon information due à Bertrand Marchal ; qu’il en soit ici chaleureusement remercié. 3 Voir LNF, p. 20. Le nombre 1801 est une invention de Jarry. 4 Voir Ibid. 5 Voir Id., p. 21. 6 Voir Ibid. Jarry recopie improprement 22,1 » à la place de 21,2 », permutant 2 » et 1 ». 7 Voir Id., p. 19. 8 Citation indirecte, Jarry modifiant naturalisation des étrangers » en collaboration personnelle des immigrants » [L]a France […] ne se dépeuple pas, grâce à l’immigration et à la naturalisation des étrangers […] » Id., p. 24-25. 9 Cette information ne se trouve pas dans le livre de Georges Méran. 10 Citation indirecte […] la plupart des mariages inféconds sont dus à l’hérédo-arthritisme […] » Id., p. 28. 11 Citation indirecte De Malthus on ne connaît que le restraint moral et la progression géométrique et arithmétique […] » Id., p. 123. Remarquons que l’italique n’est pas de la main de Jarry elle est déjà présente dans ce passage de LNF […] ce qu’il appelle le restraint moral […] » Id., p. 46. 12 Voir Id., p. 54. En réalité, contrairement à ce que laisse entendre Jarry, Malthus ne prônait nullement l’usage de préservatifs, comme l’admet implicitement Georges Méran dans Id., p. 46 la remarque de Jarry entre ainsi en contradiction avec le propos de LNF. Par moral restreint », résume Annie Vidal, Malthus entend la chasteté hors mariage et l’ajournement du mariage pour les pauvres, idée qui en elle-même n’avait rien de révolutionnaire, le contrôle des naissances par la nuptialité étant une pratique courante avant le XIX° siècle » Annie Vidal, La pensée démographique, Doctrines, théories et politiques de population, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1994, p. 49. 13 Citation indirecte, Jarry modifiant affirme » verbe qui sous-entend l’énoncé d’une vérité scientifique en selon l’observation » formule qui suggère la présence d’une subjectivité, la perception par les sens étant, de plus, sujette à l’erreur, comme aime à le répéter Jarry dans ses chroniques Un hygiéniste, le docteur Emile Maurel, agrégé à la Faculté de Médecine de Toulouse, affirme que la plupart des mariages inféconds sont dus à l’hérédo-arthritisme à la troisième et à la quatrième génération ; cet état est dû lui-même à la suralimentation azotée […] » LNF, p. 28. 14 Sur les liens qui existent à cette époque entre l’alcoolisme et le problème de la dépopulation, voir Didier Nourrisson, Le buveur au XIX° siècle, Albin Michel, 1990, p. 186-187. 15 Citation indirecte, Jarry modifiant avaient été » en seraient » Sur mille enfants idiots, imbéciles, épileptiques, recueillis à Bicêtre, M. Bourneville établit que la moitié, soit cinq cents, avaient été conçus par des pères ou mères alcooliques » LNF, p. 35. 16 Jarry renverse le sens du passage suivant […] le boiteux engendre un boiteux, le bossu des bossus, le fou des fous ; la tare physique se lègue et se perpétue de génération en génération ; il en est de même de la tare morale, car il n’est pas que des contagions physiques, et c’est par l’hérédité, par l’atavisme que les philosophes expliquent les erreurs invétérées de l’esprit humain persistant d’âge en âge, de siècle en siècle, et que la science ne détruit qu’après de longs efforts » Id., p. 90. 17 Georges Méran ne le spécifie pas. Jarry puise par conséquent cette information ailleurs. Camille Raot écrit par exemple dans Natalité Les descendants d’ivrognes fournissent une proportion considérable […] de scrofuleux […] » Abbé Camille Raot, Natalité, Librairie Ch. Poussielgue, 1901, p. 86. 18 Jean-Baptiste-Vincent Laborde 1830-1903. Voir, au sujet de ce médecin, la chronique La morale murale ». 19 Citation indirecte, Jarry ajoutant le terme immanquable », qu’il met en relief par le biais de l’italique, écartant l’adverbe particulièrement », et maniant l’hyperbole car il ne s’agit pas de la parole de plusieurs éminents médecins » mais de celle du seul Laborde Mais il faut encore insister sur le rôle doublement lamentable de la passion alcoolique, ajoute M. Laborde, dans la procréation pour ainsi dire inconsciente et ainsi particulièrement brutale, à la première période de l’alcoolisme, c’est-à-dire à la période d’excitation en même temps génitale et spécialement générique, et par suite sur les conséquences héréditaires désastreuses qui en sont le résultat fatal » LNF, p. 41. 20 Jarry s’inspire du passage suivant, modifiant impuissants » en incapables » Ces résultats sont connus, c’est l’engendrement d’enfants impuissants à se reproduire, criminels et affaiblis » Id., p. 42. 21 Allusion au passage suivant Il est facile d’apprécier les conséquences de pareils résultats c’est ici que l’hygiéniste soucieux de la conservation de la race devrait intervenir pour rendre stériles les copulations des alcooliques, et fécondes celles des gens sains. Tel est le problème il semble insoluble. » Id., p. 42 En effet, la formulation jarryque [c]es mêmes spécialistes conviennent aussi que les non-alcoo­liques sont fréquemment impuissants » se construit sur la formulation suivante de Georges Méran c’est ici que l’hygiéniste soucieux de la conservation de la race devrait intervenir pour rendre stériles les copulations des alcooliques, et fécondes celles des gens sains », Jarry rebondissant sur la maladresse d’expression pour faire affleurer le sens, lorsque l’on pousse cette maladresse à son paroxysme, qui s’y trouve apparemment recelé s’il s’agit de rendre fécondes » les copulations » des non-alcooliques, cela peut supposer, indépendamment de l’utilisation des contraceptifs à laquelle Georges Méran fait allusion, que Jarry écarte pour les besoins de son propos volontairement méthodique, que celles-ci sont stériles. 22 Jarry renverse l’affirmation suivante […] ces dégénérés, ces pervers, produits de l’alcoolisme, et eux-mêmes alcooliques. » Id., p. 36 23 La progression arithmétique est 1 2 3 4, etc. 24 La progression géométrique est 1 2 4 8 16, etc. Jarry s’inspire pour l’énoncé de ce théorème fantaisiste de celui de Malthus, reproduit dans le livre de Georges Méran La doctrine de Malthus telle qu’il l’a formulée est peu connue dans son ensemble et dans ses conséquences ; on n’en a retenu que deux points le premier est la théorie de l’accroissement géométrique dans les naissances et arithmétique dans les ressources alimentaires que peut fournir notre globe » Id., p. 45. 26 Toute la première partie est en effet consacrée à la femme dans les diverses civilisations et aux diverses Périodes de l’Histoire. » 27 Toute la seconde partie est en effet consacrée à [l]’évolution individuelle de la femme ». 28 Citation indirecte, Jarry écartant le terme moralement » et modifiant séculaire » en des siècles », intellectuellement » en cérébralement » la femme est une créature anémiée physiquement, intellectuellement et moralement par une servitude séculaire […] » LF, p. 208 ; Hudry-Menos évoque en outre l’asservissement général de la femme » Id., p. 116. 29 Voir Id., p. 6, 117. 30 Citation indirecte, Jarry resserrant la formulation chaque mois […] doit se rompre » en rupture périodique » […] chaque mois, un ou plusieurs de ces œufs, appelés par le médecin follicules de Graaf, doit se rompre […]. Cette rupture de follicule n’est pas une maladie […] » Id., p. 115-116. 31 Jarry s’inspire fortement, pour sa formulation qui commence par La femme n’est pas plus faible […] », du passage suivant, en épousant la structure puisque l’utilisation qu’il fait des mots asservissement », malade », féminin[sme] » rejoint en tout point l’ordre de succession de ces termes même si Jarry modifie féministes » en féminisme » au sein du texte originel [E]n ces dernières années des groupes de femmes se sont partout formés pour protester contre cet asservissement maintenu malgré la transformation des idées et des mœurs. La science ne fait plus d’elle un être inachevé, un homme arrêté dans son développement. Elle sait qu’elle est une force distincte de la force masculine, – non une malade […] ; et elle s’efforce, partout où son émancipation est assez avancée, de fortifier son corps, son intelligence et son âme. C’est ce qu’on a appelé les Revendications féministes… » Id., p. 208 ; voir aussi Id., p. 215-216. La plus importante modification à laquelle procède Jarry tient au fait qu’il renverse le lien logique qui suggère une simple explication C’est ce qu’on » en lien de conséquence exprimé par D’où ». 32 Voir Id., p. 212, 213. 33 Voir Id., p. 62, 103. 34 Voir Id., p. 61, 62. 35 Voir Id., p. 66. 36 Le Réformiste prônait déjà l’établissement d’un service militaire pareil pour tous » Jean S. Barès, Gramaire Françaize, Aus bureaus du Réformiste, 1900, p. 105, phrase que Jarry cite dans son compte rendu du livre de Barès. Or, Jarry avec cette affirmation il nous semblerait urgent […] service militaire » fait implicitement référence au livre de Barès qu’il chronique puisqu’il écrira dans l’Almanach illustré du Père Ubu de 1901 notre grande revendication féministe, le service militaire non plus pour tous mais pour toutes » Alfred Jarry, Œuvres complètes, I, textes établis, présentés et annotés par Michel Arrivé, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 587. 38 Citation indirecte d’un passage qui concerne paradoxalement un autre ouvrage Description géographique, précis historique, institutions sociales, religieuses, politiques, notions sur les sciences, les arts, l’industrie et le commerce » EM, p. 180. Voir aussi Id., p. 9. 39 Jarry dresse l’éloge de EM en cherchant à balayer les doutes exprimés par son auteur voir Id., p. 7, 8. 40 Allusion à la phrase suivante [L]es tendances internationales actuelles contraignent la France à se tourner vers les choses de l’Extrême-Orient […] » Id., p. 9. 41 Citation indirecte, Jarry ajoutant le terme absolu » […] le problème apparaît formidable, quand l’étude se porte sur un peuple d’une civilisation antique, achevée, immuable désormais […] » Id., p. 8. Voir aussi Alfred Jarry, Œuvres complètes, II, édition établie par Henri Bordillon, avec la collaboration de Patrick Besnier et Bernard Le Doze, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1987, p. 93. 42 Voir EM, op. cit. 43 Hyperbole ou erreur de lecture de Jarry l’introduction de la boussole a lieu selon EM quelques années après […] 1110 avant Jésus-Christ » Id., p. 118. 44 Citation indirecte […] une civilisation déjà éclairée, 2000 avant Jésus-Christ. À cette époque, […] on connaissait l’astronomie et le calendrier […] » Id., p. 118. 45 Citation indirecte, Jarry modifiant aplatissement polaire » en aplanissement aux pôles » En 1000 avant Jésus-Christ, le premier code pénal fut institué […]. À la même époque remont[e] […] la connaissance de la sphéricité de la terre et de son aplatissement polaire. » Id., p. 118-119. 46 Citation indirecte Quatre cents ans avant Jésus-Christ, les Chinois connurent les propriétés de la poudre à canon […] » Id., p. 119. 47 Expression présente dans EM voir notamment Id., p. 164, 170. 48 Jarry fait allusion au passage suivant La race blanche, qui, à cause de son petit nombre et de son éloignement, est contrainte d’avoir, en Chine, recours à la puissance de ses engins de guerre et de destruction, rencontrera un obstacle vivant et perpétuel à son expansion, dans la personne de ces lettrés souriants, qui puisent dans la solidité de leur instruction et dans l’ancienneté de leurs doctrines la conscience de leur force morale et l’espoir de l’immortalité de leur résistance. » Id., p. 98. 49 Albert de Pouvourville 1861-1939 fut officier militaire, orientaliste, occultiste et poète. 50 Voir Albert de Pouvourville, La Chine des Mandarins, Schleicher frères, 1901, p. 136-139. 51 Voir EM, p. 83. 52 Jarry exprimera différemment cette idée dans l’Almanach illustré du Père Ubu de 1901 voir Alfred Jarry, Œuvres complètes, I, textes établis, présentés et annotés par Michel Arrivé, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 590. 53 Guerrier » en allemand. 54 Allusion à la venue le 24 novembre 1900 à Paris de Paul Krüger 1825-1914, président de la république du Transvaal et plus spécifiquement à la manière dont il fut acclamé par les personnes amassées à son passage. 55 Citation indirecte Bientôt le Chinois n’aura plus de place en Chine. […] Et la race déborde ; le jour où les Chinois seront trop serrés les uns contre les autres, bon gré mal gré, il leur faudra bien sortir de chez eux. » EM, p. 176. 56 Citation indirecte, Jarry abandonnant le terme formidable » dans la formulation exode formidable », laissant de côté la formulation renouvellera la face du vieux monde » ainsi que le terme sages » qu’il utilise ailleurs et modifiant sang des hommes » en sang humain » […] c’est le Japon qui mènera, à travers les steppes chinoises, sibériennes et russes, l’exode formidable de six cents millions d’hommes que prédirent les sages lettrés du temps des Ming et qui renouvellera la face du vieux monde et changera la couleur du sang des hommes » Id., p. 177-178. 58 Citation indirecte […] l’économie politique pure est aussi la théorie de la richesse sociale. » Économica, p. 11. 59 Citation indirecte Walras affirme que sa méthode veut constituer l’économie politique pure comme une science exacte. » Id., p. 21 60 Allusion à un autre livre de Léon Walras Études d’économie sociale Théorie de la répartition de la richesse sociale voir Léon Walras, Études d’économie sociale Théorie de la répartition de la richesse sociale, Lausanne, F. Rouge et Cie, 1936, p. 373. Le titre complet de l’ouvrage de Gossen est Entwickelung der Gesetze des menschlichen Verkehrs und der daraus fliessenden Regeln für menschliches Handeln et signifie exposition des lois de l’échange et des règles de l’industrie qui s’en déduisent ». 61 Hermann Heinrich Gossen 1810-1858, économiste. 62 Walras utilise cette formulation pour faire référence à ses propres travaux voir Économica, p. 3, à ceux de Walras Jevons Id., p. 17, mais jamais à ceux de Gossen. 63 William Stanley Jevons 1835-1882, logicien et économiste anglais. 64 Citation indirecte […] j’ai eu connaissance d’un ouvrage sur le même sujet, intitulé The Theory of Political Economy, publié en 1871 chez Macmillan & C°, à Londres, par M. W. Stanley Jevons, professeur d’économie politique à Manchester. » Id., p. 2. 65 Voir Léon Walras, Éléments d’économie politique pure ; ou, Théorie de la richesse sociale, L. Corbaz & Cie, 1874, p. VII. 66 Léon Walras 1834-1910, économiste, occupa la chaire d’économie politique de l’Université de Lausanne Suisse. 67 Citation à la fois directe et indirecte, Jarry modifiant équation » en loi » et maximum » en maxima » […] équation d’échange […] qui est rigoureusement identique à celle qui me sert à moi-même de point de départ et que j’appelle condition de satisfaction maximum. » Economica, p. 2. 68 Citation indirecte […] Ils ne feront pas que la théorie de la détermination des prix en libre concurrence ne soit une théorie mathématique […] » Id., p. 21. Le passage en italique est de la main de Jarry. 69 La première partie de cette phrase naît du passage suivant […] ils seront toujours » obligés d’aborder l’économie politique sans les ressources nécessaires et, en ce cas, de faire à la fois de très mauvaise économie politique pure et de très mauvaise mathématique. » Ibid. 70 La seconde partie de cette phrase naît entièrement du passage suivant, Jarry remplaçant deux » et deux, trois et quatre » en n » […] ces Messieurs se réservent tantôt de déterminer une même inconnue au moyen de deux équations et tantôt de faire servir une seule équation à déterminer deux, trois et quatre inconnues […] » Ibid.. 71 Citation indirecte […] et l’on doutera, je l’espère, qu’une telle méthode puisse être indéfiniment opposée à celle qui veut constituer l’économie politique pure comme une science exacte » » Id., p. 21. 72 Voir Léon Walras, Éléments d’économie politique pure théorie de la richesse sociale, édition définitive, revue et augmentée par l’auteur, R. Pichon et R. Durand-Auzias, 1926, p. 49. 73 Citation indirecte C’est ainsi qu’on vit des émissions de 30 à 40 milliards d’assignats abaisser dans la proportion de 100 à 2,50 ou 3 la valeur de l’intermédiaire d’échange » Id., p. 354. 74 La loi dite de la quantité est la loi de proportionnalité inverse de la valeur de la monnaie à sa quantité. » Id., p. 353. Sur les adversaires » de cette loi, voir Id., p. 353-354. 75 Voir Id., p. 354. 76 La rêverie méthodique de Jarry naît de sa lecture du passage suivant Nous verrons, en économie politique appliquée, quelles sont les conséquences énormes » de la loi de la quantité qui met tout l’équilibre du marché à la merci des exploiteurs de mines et des émetteurs de billets de banque et de chèques. » Id., p. 353. 77 Les sabots ou blocs de frein » appartenant au monde ferroviaire peuvent effectivement être en métal voir A. Flamache, Alphonse Huberti et A. Stévart, Traité d’exploitation des chemins de fer, volume 4, partie 1, Mayolez, 1899, p. 385. 78 Cette citation ne se trouve dans aucun ouvrage de Walras. 79 Se dit des valeurs fictives, fondées seulement sur la confiance accordée à celui qui les émet » Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle français, historique, géographique, mythologique, bibliographique…, tome 8, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 336. 80 Jarry reviendra sur cette partie de son compte rendu dans sa chronique L’échéance dans ses rapports avec le suicide » parue dans La Revue blanche du 15 novembre 1901. 82 Voir Confessions d’un enfant du siècle, commentaires du père Ubu Sur les Événements récents » Alfred Jarry, Œuvres complètes, I, textes établis, présentés et annotés par Michel Arrivé, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 581-593. 83 Voir Conseils aux capitalistes et perd-de-famille » Id., p. 620-621. 84 Voir Ubu colonial » Id., p. 601-611, Tatane, Chanson pour faire rougir les nègres et glorifier le Père Ubu » Id., p. 616-619 et Philologie, Examen du Père Ubu au Saint-Sulpice colonial » Id., p. 612-615. 85 Signifie de toutes les choses que l’on peut savoir ». Le Pic de la Mirandole fut le père de cette expression, tombée dans le langage courant voir GDU, tome 12, p. 936. 86 L’entomologiste est celui qui s’occupe » des insectes Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle français, historique, géographique, mythologique, bibliographique…, tome 9, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 717. 87 Dans l’Almanach de 1901 figure où » voir Alfred Jarry, Œuvres complètes, I, textes établis, présentés et annotés par Michel Arrivé, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 606. Comme l’indique la variante C, Jarry s’attache à corriger la leçon de cet Almanach. 88 Citation de la section Ubu colonial » voir Id., p. 606. 89 Allusion aux dessins de Bonnard présents dans la section Alphabet du Père Ubu » Id., p. 584-585 les dessins sont synthétiques en ce sens qu’ils représentent successivement La faim » Id., p. 584, La jubilation du Père Ubu » Ibid., La férocité » Ibid., L’admiration » Id., p. 585 et La douleur » Ibid.. 90 Voir La partition de Tatane » Id., p. 618. 91 Au sujet de Terrasse, voir Patrick Besnier, Alfred Jarry, Fayard, 2005, p. 261-262. 93 Voir GF, p. 1. Professeur puis directeur du Réformiste, revue se voulant en effet organe de la simplification de l’orthographe française », Barès fit paraître, avant Gramaire françaize, L’Ortografe simplifiée et les autres réformes nécessaires, toujours aus bureaus du Réformiste ». 94 Voir GF, p. 7. 95 Jarry répond ici à Barès qui cherche à démontrer le manque absolu de science, de lojique et d’esprit de suite de l’ancien sistème […] » Id., p. 6-7. 96 Jarry cite en partie l’annonce du Réformiste présente dans GF. 97 Voir Remy de Gourmont, La culture des idées, préface de Charles Dantzig, Robert Laffont, collection Bouquins », 2008, p. 433. 98 Système de langue universelle mis en place par John Martin Schleyer en 1879, qui s’imposa pendant six années avant d’être remplacé par l’Espéranto Chaque lettre n’a qu’un seul et même son », et l’orthographe est toujours réduite à sa plus simple expression, puisque les mots sont toujours écrits tels qu’ils se prononcent et vice versa. » Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle français, historique, géographique, mythologique, bibliographique…, deuxième supplément, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 1995. Deuxième partie du travail sur l’oralité, à partir d’une lecture de Meschonnic. 1er billet Meschonnic affirme que le lieu de la voix est le lieu de la poésie, et c’est un lieu historique. Le lieu de la voix n’est pas le même dans la tradition française et dans la tradition anglo-américaine, parce que le rapport du poème à l’oral, au parlé, au langage ordinaire, n’y est pas le même. De Wordsworth à Hopkins, à Pound et à Eliot, la nouveauté poétique s’est toujours faite en anglais dans un rapport nouveau au parlé, jusqu’aux beatniks et à Charles Olson. La voix y est nécessairement située par le primat, ou l’histoire, de l’oralité »[1]. Il dit aussi que Oralité et spatialité, dans des rapports divers selon les cultures, sont inséparables. L’oralité demanderait une anthropologie comparée de la diction, des modes d’oralité, autant que des techniques du corps »[2]. Ces propos m’ont incitée à tenter l’expérience d’écriture qui va suivre. Ce texte m’a été inspiré par la venue à Besançon de John Giorno, poète américain, le 5 décembre 2013. John Giorno est un poète américain de l’immédiat après Beat generation », ayant entretenu des relations avec les artistes du pop-art. Il a participé au film de Wahrol Sleep, durant lequel on le voit dormir pendant cinq heures. Il est l’auteur d’un nombre important d’enregistrements sonores de poèmes et de performances, en lien avec d’autres artistes et auteurs Warhol mais aussi Ginsberg, John Cage, Burroughs, etc., artistes ayant exploré continuellement le rapport du poème au langage ordinaire du quotidien, et le rapport continué du poème au corps corps du poète, corps de l’auditeur spectateur. En témoigne par exemple l’expérience Dial a poem », qui permettait à n’importe quelle personne de téléphoner à une ligne dédiée pour se voir offrir par répondeur un poème enregistré. On pourrait s’interroger sur le devenir de la voix lorsqu’elle est ainsi figée sur un support faussement adressé, puisque l’auditeur au téléphone n’a pas accès à la voix unique du poète dans un moment unique de relation parlée, mais ce type de dispositif permet tout de même de mesurer la relation étroite, dans la tradition du dire anglo-saxon, qui s’établit entre voix du poète et texte poétique. Celui-ci part souvent de l’oral et du parlé, et s’attache à des supports oraux. La bibliographie de Giorno est beaucoup plus fournie en discographie qu’en supports écrits. De nombreuses vidéos de ses performances sont disponibles sur internet. Son célèbre Thanks for nothing » peut être visionné ici Crédits photos Image extraite de Sleep Talking, vidéo de de Pierre Huyghe 1998, d’après Sleep, de Andy Warhol 1963, Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne/Rhône-Alpes, en dépôt au Musée de Grenoble. Montage photo de J. Giorno, performance de “Thanks for noting”, Musée des Beaux-Arts de Besançon, [1] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 289-290 [2] Idem, p. 275 _____________________________________________________________________________ Johnny sleeps nothing As a sleeper he was sleeping his voice inside Et sa voix le réveille et le porte Il se lève parmi les sleepers John dort et se lève uniquement quand sa voix se réveille Je me souviens comme je le voyais dormir sur sa chaise Nuit du musée Alone Un peu vieillard Et soudain il se lève C’est le moment de dire le poème qui le porte Comme on dit le souvenir de tête sans papier il danse dans sa voix et nous porte et réveille On se souvient comme on dormait avant lui Et on entend du John et du Thanks for Nothing Et après il repart Il redort Il renuit le sleeper Thanks for coming you Johnny and don’t you sleep too long you John Ne meurs pas ce soir toi aussi Le texte qui suit est extrait d’un travail réalisé dans le cadre du cours de Serge Martin, “Théorie et didactique de la littérature”, que j’ai suivi pour mon Master 2 à distance “ Didactique du français langue étrangère/seconde et langues du monde” au premier semestre de l’année 2014-2015. Je publie deux extraits, dont le premier, ci-dessous, est consacré à ma lecture de Critique du rythme, Anthropologie historique du langage, de Henri Meschonnic, paru en 1982 aux éditions Verdier. 2ème billet AUTOUR DE LA NOTION D’ORALITE L’oralité élaboration d’un concept par différenciation. Oralité, écrit, oral, parlé L’oralité n’est pas l’opposé de l’écrit et déborde la notion d’oral. Ce n’est en tout cas pas l’oral au sens sociologique et ethnologique du terme le style formulaire enfermé dans des schèmes. Dans Critique du rythme, l’auteur déclare que l’oralité échappe à la simple opposition avec l’écrit », et que l’oralité s’étend hors des littératures orales »[1]. Ainsi, la pluralité des modes de signifier, et des inscriptions de l’énonciation, dissémine l’oralité dans l’écrit comme dans le parlé »[2]. Le parlé se comprend ici comme manière de s’exprimer oralement. Cependant le parlé n’est pas l’oralité. L’oralité peut s’y diffuser, mais pas nécessairement Il y a donc des écritures orales, et des discours parlés sans oralité. Il y a les imitations du parlé qui sont aussi autre chose que l’oralité. Autant que le transcrit est autre que l’écrit »[3]. L’oralité est un mode de signifiance fort, dont ne sont pas pourvus tous les discours oraux. Le poème le porte au plus haut point La voix qui dit le poème n’est pas la voix qui parle, parce qu’elle ne dit pas la même chose »[4]. Un corollaire du rythme A toutes ces catégories, Meschonnic préfère la citation de Hopkins l’oralité serait “le mouvement de la parole dans l’écriture” »[5]. Ainsi, l’auteur revendique la nécessité de définir une notion anthropologique et poétique de l’oralité », fondée sur le primat du rythme et de la prosodie dans le sémantique, dans certains modes de signifier, écrits ou parlés »[6]. Dans la partie Critique de l’anthropologie du rythme », Meschonnic établit sa conception du rythme, comme matière de sens, et il l’associe par apposition et coordination à celle d’oralité. Les deux notions sont donc indissociables, et indissociables aussi de la notion de sujet notion elle-même à entendre du côté du processus, de la subjectivisation Le rythme comme sémantique, et oralité, est une subjectivisation spécifique du langage »[7]. Ainsi lié à l’oralité, rappelons que le rythme est histoire et signifiance du sujet, sur un mode autre que celui du signe, et qui ne se met pas en signes »[8]. Dans l’oralité, le sens comme rapport le dire et le dit L’oralité selon Meschonnic n’est donc pas le simple fait de la parole orale, comme nous venons de le voir. C’est, tout comme celle de rythme, une notion qui désigne une activité du sujet, activité de signifiance par laquelle le sens déborde le signe. L’oralité est d’abord une dynamique, et la voie du sens. Or ce mode de signifiance n’est pas fermé. Il rebondit, se forme et se reforme à l’infini, selon les rapports que l’oralité entretient avec ce qui est dit. L’oralité est donc un rapport, une relation, une dialectique pourrait-on dire la production du sens en tant que rapport entre le dire et le dit. Ainsi Meschonnic pose que l’oralité est le rapport nécessaire, dans un discours, du primat rythmique et prosodique de son mode de signifier à ce que dit ce discours »[9], ou encore c’est un rapport nécessaire entre la diction, la voix et le dit » p. 281. De même que le rythme est en interaction avec le sens » p. 82, de même, l’oralité n’est pas séparable de dire quelque chose, et, dans une certaine mesure, de ce qui est dit. […] Dire n’est pas intransitif. Ce qu’on dit est aussi dans le dire » p. 280. C’est ainsi que Changer de diction, c’est changer le poème, le discours » p. 291 le sens et la manière dont ce sens se tisse dans une oralité unique. Historicité de l’oralité, historicité de la voix La caractéristique essentielle de l’oralité, comme celle du rythme d’ailleurs, est celle d’une double marque, à la fois lieu du plus intime et lieu d’une historicité, collectivité, manifestation culturelle l’oralité est historique » p. 280. Meschonnic souligne dans la même page le lien de l’historicité et de l’oralité » et rappelle que l’on peut repérer dans les manifestations orales de l’oralité des traditions du dire » p. 281. Il illustre ces traditions par plusieurs exemples de poètes ou prosateurs ayant dit leurs textes. Leur idiosyncrasie s’y entend, mais aussi leur inscription historique et sociale. Le sujet intime est aussi un individu social. La diction a un statut culturel » p. 280. En ce sens, ce qui est dit de l’oralité se dit aussi de la voix historicité de la voix » p. 280. Meschonnic réitère sur la voix l’articulation intime / collectif qui lui est chère, qu’il a avancée au sujet du rythme, puis de l’oralité la voix, votre voix unique, n’est pas seulement individuelle. Elle a, outre ses caractères physiologiques, des marques culturelles situées » p. 280 ou bien encore la voix, qui semble l’élément le plus personnel, le plus intime, et comme le sujet, [est] immédiatement traversée par tout ce qui fait une époque, un milieu, une manière de placer la littérature, et particulièrement la poésie, autant qu’une manière de se placer. Ce n’est pas seulement sa voix qu’on place. C’est une pièce du social, qu’est tout individu » p. 284-285. Et ce statut culturel de la voix […] fait partie des conditions de production du poème, ou du discours en vers » p. 280. Oralité vs oralisation la voix comme écriture Si le statut culturel de la voix fait partie des conditions de production du poème, c’est bien que la voix n’est pas seulement après le poème texte puis diction, le dire après le dit. La voix est dans le poème, en amont de sa diction. Elle le façonne, comme creuset où se sont déposés des liens d’intersubjectivité qui façonnent à leur tour l’émergence d’une voix propre, ici au sens d’écriture. Car la voix n’est pas forcément dans l’oralisation non plus elle se lit. Et l’auteur oralisera de telle manière que la voix est déjà présente dans son texte. Il y a continuité entre voix et écriture, écriture et voix. Ainsi, Meschonnic, à l’occasion d’une analyse de la lecture de Gogol[10], précise Il y a ainsi plus qu’une continuité entre l’écrit et la diction, il y a cette diction parce qu’il a cette écriture. Gogol a la diction de son écriture »[11] . La voix se dit comme elle s’écrit la voix est écriture. Pistes didactiques Meschonnic précise qu’une anthropologie du langage est double, selon le parlé, selon l’écrit. L’oralité n’y est pas la même. Directement accessible à l’anthropologie dans le parlé, elle passe nécessairement pour l’écrit, par une poétique, qui ne peut être qu’une poétique historique, et non formelle, pour situer les modes de signifiance »[12]. La poétique, lorsqu’elle s’intéresse donc aux textes écrits, doit le faire selon une recherche de l’inscription de l’oralité, à travers le primat du rythme. Meschonnic précise que cette entreprise n’est pas des plus aisées, elle passe par la recherche des traces du corps dans l’écrit Le plus difficile est de savoir ce qui reste du corps dans l’écrit, dans l’organisation du discours en tant que telle »[13]. Un des éléments d’analyse du texte écrit avec des élèves pourra dès lors se porter sur la ponctuation, pour y traquer le rythme oral, dont la ponctuation peut justement être le rendu »[14]. On peut s’appuyer par exemple sur le travail réalisé par Gérard Dessons sur les Feuillets d’Hypnos de René Char. Dessons y étudie de manière détaillée le rôle de la ponctuation et de la typographie, du point de vue d’une anthropologie du rythme[15]. De manière plus globale, dans une approche de l’oralité, du rythme des textes comme ensembles d’activités encore ouverts et dynamiques, Serge Martin rappelle dans son carnet La littérature à l’école »[16] que les œuvres sont toujours prises dans les ciseaux de l’herméneutique et de l’esthétique, du sens et de la forme, du dire et du choisir. Or, ce qui compte c’est de faire vivre les œuvres en privilégiant leur activité, leur force qui est à même de nous faire sujet d’un faire et non d’un répéter ou d’un reproduire, sujet d’une émancipation et non d’une soumission ». Il propose des activités de reformulation car les reformulations des œuvres ont pour ambition de faire écouter, voir ce que l’œuvre nous fait et d’en poursuivre l’activité »[17]. Plusieurs types d’activités sont proposés, autour du dire-lire-écrire, toujours liés, qui rendront les élèves actifs de leur propre faire, dans la continuité de l’énonciation des œuvres. L’oralité étant une notion à historiciser, il faudra, pour en approcher l’aspect oral, faire écouter aux élèves de nombreux enregistrements de poèmes, par des lecteurs amateurs, des comédiens et par les auteurs eux-mêmes, pour essayer de caractériser l’oralité dans les voix, et leurs aspects culturels. L’expérience est possible grâce à plusieurs sites, selon les auteurs et périodes, dont ceux-ci, déjà fréquenté en cours et Nous manquons ici d’espace pour proposer les activités précises que nous proposerions dans nos classes de FLM / FLS. La présentation détaillée de telles activités fera l’objet d’une partie intégrale de notre mémoire de Master 2, Poésie en FLS / FLM pour une didactique de la relation par l’oralité » titre provisoire, avec l’élaboration d’une séquence didactique articulée autour de textes poétiques au programme, et hors programme. [1] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 706 pour les deux citations. [2] Henri Meschonnic, Qu’entendez-vous par oralité? », Langue française, n°56, 1982. p. 6-23. consulté le 02 janvier 2015, p. 16 [3] Ibid., p. 14 [4] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 289 [5] Henri Meschonnic, Qu’entendez-vous par oralité », op. cit., p. 18 Référence chez Hopkins non fournie par Meschonnic. [6] Idem [7] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 660 [8] Ibid., p. 690 [9] Ibid., p. 280. Toutes les références suivantes renvoient au même ouvrage, Critique du rythme, op. cit. [10] Cet exemple d’oralité figure dans Critique du rythme, op. cit., p. 281. Meschonnic y évoque la lecture orale que donne Gogol du Manteau, tel que le rapporte et l’analyse Eikenbaum ». La référence à Eikenbaum donnée par Meschonnic en note est la suivante Boris EIKHENBAU, Skvov’literaturu, p. 173-174, traduit dans Tzvetan Tdorov, Théorie de la littérature, Seuil, 1965, p. 214-215. [11] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 281 [12] Ibid., p. 646 [13] Ibid., p. 654 [14] Henri Meschonnic, Qu’est-ce que l’oralité », op. cit., p. 16, à propos d’une critique de Barthes qui prétend que le corps se perd dans le passage à l’écrit cliché de la lettre morte dans Roland Barthes, Le Grain de la voix, Entretiens 1962-1980, Seuil, 1981. [15] Gérard Dessons, Le Poème, Paris, Armand Colin, 2011, p. 149-150 [16] consulté le 13 décembre 2014 [17] Idem. Nathalie Sarraute écrit ce texte dans la suite qui constitue l’Usage de la parole Gallimard, 1980. Ce texte – mais Sarraute appelle cette série des “drames” p. 97 – se présente dans le sommaire suivant qui fait se succéder ces dissonances interlocutives fréquentes dans la conversation – à moins que ces dissonances ne caractérisent ce qu’elle appelle la sous-conversation Note avant lire Encore faudrait-il discuter une telle dichotomie puisque toute conversation par le conversationnel ou la relation déborde constamment les bornes de la conversation ; en ce sens Sarraute avait raison d’explorer la notion mais il faudrait éviter de retrouver alors la dichotomie qui exhaucerait de tous ses mouvements la conversation qui ne se limite pas à l’échange de paroles et qu’on a l’habitude d’affubler du qualificatif d’ordinaire comme s’il y avait une surface et une profondeur; la sous-conversation est l’ordinaire des conversations ordinaires… C’est cet ordinaire qui déborde les modèles épistémologiques y compris linguistiques, que l’écriture peut montrer. Sarraute nous le montre avec beaucoup de force… Ich sterbe. 9 A très bientôt 19 Et pourquoi pas ? 35 Ton père. Ta soeur. 47 Le mot Amour. 63 Esthétique. 81 Mon petit. 95 Eh bien quoi, c’est dingue… 107 Ne me parlez pas de ça. 119 Je ne comprends pas. 139 Nathalie Sarraute, L’usage de la parole, Gallimard, 1980. Il s’agit donc d’un “drame” qui prend son départ dans un “mot” on observe aussitôt que la notion de “mot” est ici entendu par Sarraute comme phrasé d’un discours autant sinon plus que comme segment sémantique – ce que montrerait à l’envi les “conditions” à remplir p. 97 et 98. Sarraute va alors s’ingénier dans une progression raconteuse – l’adresse à l’auditoire par la demande d’écoute sans cesse requise, fait toute l’oralité de ce texte qui de plus met en scène un drame, donc une oralité maximale redoublée du “maintenant, si vous avez encore quelques instants à perdre” inaugural au “n’est-ce pas” suivi d’une question qui s’achève sur “de pareilles histoires” en passant par les connecteurs logiques et temporels d’un racontage qui ne cesse de se rappeler au lecteur interpellé “croyez-vous?”; “peut-être êtes-vous tentés d’en rester là” et intégré dans la communauté des “gens vivants et sains d’esprit”, du moins considéré à égalité du raconteur. Tout le régime d’une histoire racontée par le fil de la démonstration par l’interrogation sur la diérèse elle-même qui associe l’écouteur au raconteur jusqu’à la remémoration partagée “qui ne nous ne l’a éprouvé”. Mais ce racontage, s’il est un drame du racontage lui-même, est aussi un essai sur le langage, sur ses ressorts invus, inconnus mêmes aux linguistes… Pour cela Sarraute utilisera tous les subterfuges du fabuliste allant même jusqu’à démétaphoriser les métaphores in fine en reprenant les éléments successifs de l’essai par le racontage fabuleux “il serait stupéfait de toute cette agitation, de ces troupes traversant les frontières, de ces fils qui enserrent, de ces mots-fusées, de ces remorques, de ces langues étrangères, de ces boeufs, de ces vapeurs brûlantes, de ces bulles, de ces jeux, de toutes ces contorsions, de ces tremblantes tentatives…” La tentative de Sarraute est alors magistrale pour défaire la notion traditionnelle de “cheville”, cet “élément de remplissage”, “nullement nécessaire à la syntaxe ni au sens” ; pour Michel Pougeoise Dictionnaire de poétique, Belin, 2006 à qui j’emprunte ces premiers éléments définitionnels, en poésie la cheville est proscrite et signe la médiocrité d’une oeuvre” p. 101. Mais la démonstration serait faite avec Sarraute qu’une conversation pourrait au fond se résumer à une cheville ! C’est pourquoi les dissonances importent plus que les accords promus par la pragmatique conversationnaliste pour une histoire de cette linguistique Ce qui est certain c’est qu’il n’y a pas de vérité du discours de la conversation si l’on préfère ici mais qu’il y a à chercher une poétique qui est aussi une éthique et une politique de la relation dans et par le langage la moindre petite cheville touche… à vif ! Dans ce livre qui reprend nombre de ses travaux, Michel Espagne fait le point sur ce qu’il appelle avec Michael Werner, les transfert culturels » voir leur ouvrage Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand, Editions Recherche sur les civilisations 1985. Ce livre récent est principalement consacré au domaine russe en rapport avec le domaine allemand d’abord et le domaine français. Mais ce sont plus des itinéraires, des lieux, des notions tous critiques qui permettent de suivre des passages plus que de fixer des termes nationaux. Il nous fait souvent découvrir des aspects méconnus par exemple Vladimir Propp chapitre 11 et ses recherches sur le comique alors qu’il est connu seulement pour sa morphologie du conte dont les racines sont allemandes alors que les exergues de Goethe ont été effacés dans la version anglaise lue par Lévi-Straus…. La leçon principale d’études extrêmement précises et documentés peut se résumer par le concept de resémantisation ». Il faut aussitôt préciser que celle-ci n’est pas réductible aux processus traductifs mais demande d’observer les rémanentes ». Ce sont en effet de nouvelles vies offertes à des processus culturels oubliés ou effacés que ces transferts permettent, avec les effets de décalage et les modes de transposition des déplacements d’un genre à l’autre » p. 12. Encore faut-il ajouter qu’aucun transfert n’est à proprement parler bilatéral, il est souvent multilatéral. Pour reprendre l’exemple de Propp, sa pratique de l’allemand comme langue maternelle le dispose à une grand familiarité avec les travaux d’histoire et d’ethnologie religieuse émanant de l’école du philologue Herman Usener et à beaucoup d’autres issus de cette école de Bonn “qui se développe à partir de la théorie des Dieux d’un contemporain de Humboldt, Friedrich Gottlieb Welcker” p. 225-226 ; mais Propp a également lu Frobenius et Franz Boas, “fondateur allemand de l’anthropologie américaine”. La résultante est connue mais pas le processus que montre bien Espagne “métamorphose générique où les moments d’histoire de la religion, sorte de comparatisme philologique issu de l’Ecole de Usener, se transforment dans l’approche des contes russes en étude structurale et morphologique” p. 229. On sait ce que deviendra ce travail dans le contexte français avec les études narratologiques, le débat avec Lévi-Strauss qui reconnut l’antériorité des travaux de Propp dans la genèse de l’ethnologie structurale, sans toutefois percevoir “l’arrière-plan des références allemandes de Propp” p. 221. Aussi, ces transferts ouvrent-ils le plus souvent à des réinterprétations » qui deviennent des innovations radicales » p. 17. C’est que rien en permet de penser que la notion de culture elle-même soit unique et homogène dans les trois aires culturelles mises en présence, qu’elle échappe aux réinterprétations qu’implique le jeu des échanges » p. 84. Apparaissent alors forcément de nouvelles cohérences » p. 172 et pas seulement des démarquages », des copies » mais bien des recréations » p. 226. L’exemple vraiment probant est celui de Vladimir Propp pour lequel la tentative de comprendre le phénomène du rire sert de support à une translation de la philologie allemande dans le folklore russe » p. 236. On est donc très loin d’une conception des passages comme forme de dépendance. Non seulement la direction des passages peut s’inverser, mais ce qui est accueilli dans le nouveau contexte ne l’est vraiment qu’au terme d’une resémantisation, d’un changement de nature plus important que les traductions proprement dites » p. 270. Si dans les sciences humaines, les transferts se jouent des frontières disciplinaires ou les utilisent comme des moyens d’imprimer les différences, les formes d’appropriation » p. 271 mais en plus la périphérie, russe en l’occurrence, est à remettre au centre » pour expliquer les imbrications philosophiques franco-allemandes des années 1930 » et plus généralement doit-on parler d’un moment russe » dans l’histoire des sciences humaines françaises et allemandes. Le 7 novembre 2014 BIBLIOTHEQUE DE L’INSTITUT CERVANTES 11, avenue Marceau – 75 016 Paris Journée d’etude Poesie poèmes Passage de voix 7 nov Stéphane Mallarmé à propos de L’après-midi d’un faune de Debussy “Je croyais l’avoir mis en musique moi-même; c’est une transposition du même au même.” OEuvres complètes, Pléiade, p. 870 Walter Benjamin par Gisèle Freund, Paris. 1936. Il s’agit de considérer cette notion peu employée à ce jour dans les études littéraires et qui me semble décisive pour une approche théorique et didactique des faits littéraires le racontage. Cette notion poursuit la réflexion de Walter Benjamin publiée en 1936. On peut lire une édition récente de ce texte avec un long commentaire de Daniel Payot paru chez Circé en 2014. L’intégralité du texte de Benjamin pris à ses Écrits français Paris, Gallimard, Folio Essais, 1991 est disponible en suivant ces deux liens et On trouvera ensuite un dossier de présentation et d’analyse de ce texte à cette adresse J’aimerais livrer ici quelques éléments biographiques liées à sa conceptualisation que j’emprunte à l’introduction de l’ouvrage à paraître très prochainement aux éditions de l’Harmattan, collection “Enfance et langage”, sous le titre suivant Poétique de la voix. Le racontage de la maternelle à l’université. Et ce qu’il raconte, à son tour, devient expérience en ceux qui écoutent son histoire. Benjamin, 2000-III 121 Un essai expérientiel Ce livre est issu de deux expériences l’enseignement et la recherche. J’ai enseigné la littérature jeunesse dans le primaire, pour la formation à cet enseignement et dans l’enseignement supérieur. J’ai par ailleurs conduit, parallèlement à ces enseignements et formations, une réflexion théorique et didactique qui voulait d’abord répondre à l’injonction narratologique ou symbolique dès que littérature, injonction qui me semblait laisser de côté la dynamique des œuvres et des lectures. En effet, la vulgate narratologique ou psychanalytique et ses applications du schéma narratif ou actantiel ou encore le réductionnisme symbolique et son instrumentalisation psychologisante dans les classes et les formations, ne permettaient pas de concevoir la littérature comme une expérience d’écoute et donc comme un passage de voix. Il me faudrait certes situer sur les plans historique, didactique et théorique, ces deux expériences en regard de cette injonction, laquelle a suivi puis a été concomitante à l’injonction thématique si ce n’est moralisatrice, mais des ouvrages Martin, 1997 ou articles antérieurs ont plus ou moins déjà tenté de cerner, avec quelques hypothèses, une telle configuration pratique et théorique à la suite d’autres auteurs Péju, 1981. Aussi, j’aimerais proposer ici, tant à l’enseignant qu’au formateur et au chercheur, un opérateur pour la pratique et la théorie de la littérature avec les œuvres celui que m’a semblé offrir la notion de racontage ». Dans un premier temps, je croyais avoir affaire à un néologisme et à un terrain vierge qui n’auraient alors pas du tout permis de constituer un levier de transformation des pratiques et des réflexivités, puisque tout aurait été à reconsidérer. Mais je me suis vite rendu compte que le terme, peu employé, l’est plus souvent de manière péjorative au sens de propos frivoles voire ridicules même si quelques judicieux emplois littéraires paraphrastiques Réage, 1969 123 ou conceptualisations critiques plus récentes à propos des littératures caribéennes Deblaine, 2009 200 lui confèrent à nouveau une valeur forte. Resterait qu’un tel terme recouvre néanmoins des faits de langage et de société plus que familiers dès qu’on aperçoit qu’il peut opérer un léger déplacement à partir du contage ». Léger mais décisif déplacement pour que se déploie son potentiel conceptuel qui permet de dissocier l’oralisation de l’oralité, cette dernière des traditions populaires ou exotiques – deux éloignements, dans le temps et dans l’espace, qui séparent quand il faudrait conjoindre. Si, comme les développements de l’anthropologie dynamique Augé, 2011 nous l’ont appris, les traditions ne sont que des activités au présent des discours tout comme les lointains ne se construisent que dans des rapports à l’ici de ces mêmes discours, alors le racontage permettrait de poser la voix, le passage de voix, au centre de la problématique de la littérature, c’est-à-dire des œuvres vives, avec les enfants voire les adolescents. Cette trouvaille lexicale puis notionnelle associant poétique et didactique, assez hasardeuse à ses débuts, résultait à la fois de l’expérience pratique et théorique personnelle mais aussi des travaux rencontrés au cœur de mon expérience. Il me faut aussitôt signaler, parmi ces derniers, le texte de Walter Benjamin 2000-III 114-151, Der Ertzhäler 1936 traduit généralement comme Le Narrateur », et que j’appelle depuis longtemps Le raconteur » – une traduction toute récente vient de me rassurer dans ce choix Benjamin, 2014. Ce texte a constitué le levier décisif de ma recherche. Depuis lors, j’ai tenté d’en confirmer l’heuristique mais également d’en fournir l’ancrage historique dans une tradition didactique et théorique. Toutefois, ce serait oublier que tout est parti de la lecture des œuvres elles-mêmes. Aussi, tout comme ce livre proposera dans ses marges des lectures au plus près de quelques œuvres, j’aimerais commencer par deux d’entre elles qui offriront deux moyens de faire sentir immédiatement au lecteur de cet essai, ce qu’opère in vivo la notion de racontage. Comète 1 Un navet – Mettre en bouche Le livre de Rascal, illustré par Isabelle Chatellard, Le Navet 2000, passerait inaperçu si l’on se contentait de le situer dans la tradition des contes de randonnée, qui plus est dans celle précisément du conte de la tradition russe, à savoir Le Gros Navet de Tolstoï traduit par Roger Giraud dans les deux éditions illustrées par Niam Scharkey et par Gérard Franquin au Père Castor 1999 et 2002 ou dans celle illustrée par Lucile Butel avec une traduction d’Isabelle Balibar chez Gautier-Languereau 1985, et, parmi bien d’autres réécritures plus ou moins heureuses, dans les albums où alternent les navets et les carottes Praline Gay-Para 2008, Marie Torigoe 2004, Betty et Michael Paraskevas 2002, Alan Mets 2000 sans compter le potiron avec Françoise Bobe 1999 ou la racine géante » avec Kazuo Imamura 1987 et encore l’énorme rutabaga » avec Natha Caputo 1954. Mais Le Navet de Rascal et Chatellard tiendrait sa spécificité de la manière dont il construit assez simplement mais avec une force remarquable un racontage exemplaire. Nous y trouvons tout d’abord un savoureux mélange des rythmes de la randonnée, des mouvements du récit et des questions de la fable. Les reprises dialogales Aide-nous à transporter » / planter » / arroser » ; que me donnerez-vous pour ma peine ? » et prosodiques grand et gros légume » ainsi que les accumulations d’actions et de personnages jusqu’au décompte final Une cuillerée pour Puce. Deux pour Lézard. Trois pour Canard. Quatre pour Chèvre. Et tout le reste dans son assiette » organisent un rythme de la randonnée qui ne peut qu’être celui d’un raconteur dont la mémoire narrative est d’abord une mémoire partagée qui permet à l’auditeur de progressivement entrer dans la fabrique du racontage. De la même façon, les mouvements du récit qui font alterner l’augmentation personnages de plus en plus grands, s’ajoutant à la diégèse en même temps que le temps saisonnier passe et la diminution finale de la douce purée » distribuée de manière inégale et croissante, montrent le jeu de la croissance et de la décroissance au cœur du racontage, puisque plus il progresse et plus la connaissance des auditeurs augmente, et donc plus la convivialité et le partage d’un commun se construit ensemble, mais également plus le risque de la séparation et de la fin du racontage approche, même si l’on sait que les auditeurs diront encore » ! Enfin, à ces mouvements du récit viennent se joindre les questions de la fable qui associe les temporalités et les rapports d’échange entre les personnages dans une progression asymétrique métamorphosant ce court récit en un court traité fort pédagogique mêlant une petite économie politique et une anthropologie sociale du don et du contre-don où le rêve initial de l’individu Quelle aubaine ! Je la planterai et, lorsqu’elle deviendra un grand et gros légume, j’aurai de quoi me nourrir ma vie entière », aux prises avec la nécessaire association des compétences, semble se heurter aux dures conditions du réel et au rapport de forces inégales. La leçon de la morale porte d’ailleurs, comme souvent chez La Fontaine, plus une problématisation aux réponses incertaines qu’une moralisation évidente en effet, l’association n’est pas ici la solution à tous les maux alors même qu’elle est inévitable. Toutefois, la fable problématique portée par les mouvements du récit et les rythmes de la randonnée trouverait heureusement son compte dans et par le racontage lui-même puisque, outre la force prosodique déjà signalée tout au long du récit, c’est bien par cette leçon de bouche qu’elle s’achève quand d’un même geste, les cinq amis portèrent à leur bouche la purée de navet… Et l’on put entendre à dix lieues à la ronde Beeeeeeuuuuuuurrrk ! » Non seulement la figure de la ronde, déjà évoquée précédemment Tous les quatre en eurent les larmes aux yeux et ils chantèrent à la ronde Pousse, pousse notre légume, pousse bien grand ! Pousse, pousse notre légume, pousse bien gros ! », concentre pragmatiquement dans la diégèse la figure exacte de ce que fait le racontage étendre par cercles concentriques sa propre force de passage de voix pour qu’il reste dans l’inaccompli. Par ailleurs, cette voix commune résultant d’une ingurgitation et donc d’une incorporation, montre bien que le racontage est affaire de passage de corps à corps bouche à bouche affaire de voix comme entre-corps dans et par le langage. Qui a dit qu’un navet ne méritait pas la consécration littéraire ? Le Navet de Rascal et Chatellard propose en tous cas un fabuleux – quoique modeste – racontage où l’axiologique, le pragmatique et le poétique ne font plus qu’un. Il montre ainsi combien le racontage défait les habituelles typologies analytiques fonctions, genres, registres, etc. pour demander une poétique du continu avec la voix jusqu’à une didactique à la hauteur d’un tel défi. Comète 2 Un escargot – S’endormir/se réveiller dans le racontage ? Il faut treize histoires à la douzaine ! pour que Claude Boujon, dans Les escargots n’ont pas d’histoires 1987, nous plonge dans le paradoxe du racontage le héros des histoires n’est pas toujours celui qu’on croit ! En effet, si le héros du lapin frileux » est bien un lapin, celui du chat étourdi », un chat ; celui – mais il faudrait employer le féminin – et donc celle du heureux hasard », une pierre ou peut-être une jeune fille sauvée par cette pierre alors qu’un farouche bandit » allait s’emparer d’elle ; celui du prétentieux papillon », un papillon à moins qu’on considère que le héros et donc l’héroïne ait été la fleur carnivore qui avait avalé ce papillon vantard ; celui de l’âne vert », l’âne enchanté de n’être pas bleu comme une vache bleue » ; celui des chaussettes du roi », le roi à moins que ce ne fussent ses chaussettes qu’il promenait pour les faire sécher, accrochées à une lance ; celle de la grenouille cracheuse », une grenouille ; celle d’une histoire cruelle », une souris à moins que ce ne fut le chat qui l’a bel et bien mangée ; celle d’ une sorcière en colère », une sorcière plus petite qu’une mouche » ; celui d’ un chien triste », ce dernier ; ceux de Tounoir et Toucouleur », ces deux héros qui vivaient sur le même arbre à moins qu’on ne préfère l’un à l’autre il y a de fortes chances pour que vous préfériez Tounoir quand vous aurez entendu l’histoire ; et enfin celui d’ un gros fumeur », un éléphant qui aimait le tabac »… Bref, ces treize histoires courtes ne posent pas vraiment de problème puisqu’elles ne parlent pas des escargots ! En effet, il aurait été étonnant, pour celui qui les raconte, qu’il en ait été ainsi, puisque selon cet expert en histoires Les escargots n’ont pas d’histoires » ! Sauf qu’in fine, notre raconteur d’histoires s’est endormi dans sa coquille, alors que nous n’avons jamais été aussi nombreux à l’écouter. Il ne pourra plus dire que les escargots n’ont plus d’histoires. Il y a maintenant celle de l’escargot qui raconte des histoires à d’autres escargots ». Si presque tout le texte de cet album est entre guillemets, il est facile d’attribuer les paroles du prologue et des treize histoires à ce raconteur qu’est l’escargot qui traîne sa maison à travers le monde », dans un dispositif qui répartit les treize histoires dans treize doubles pages. A chaque double page, un escargot, en pied de page face à des escargots de plus en plus nombreux, raconte une histoire dans une impressionnante bulle ou phylactère, organisée un peu à la manière d’une bande dessinée et occupant presque toute la double page. Toutefois, il semble plus délicat d’attribuer celle de l’épilogue puisque le raconteur endormi y a laissé place à quelqu’un d’autre mais à qui ? Plusieurs hypothèses sont alors plausibles mais toutes concourent à ce que les auditeurs, représentés par les escargots qui écoutent l’escargot raconteur, chacun d’entre eux ou tous ensemble, aient pris en charge le racontage. Aussi, la morale de cette histoire qui, rappelons-le, en compte déjà treize, c’est que, non seulement le héros de cette histoire s’est inventé dans sa voix, mais également son cercle héroïque s’est considérablement agrandi au point de passer le relais… Telle serait la force du racontage transformer l’héroïsme des récits, d’une action éclatante ou d’une vérité dirimante mais au fond écrasante voire excluante en une opération démocratique inclusive ; transformer également les héros en modeste matière problématique d’un passage de voix. Le racontage serait donc ce passage de voix qui demande de considérer l’activité continue de la voix des histoires comme porteuse de sens. Plus que le sens qu’une voix serait chargé d’exprimer pour que des lecteurs le retrouvent, voire y soient amenés par quelque lecteur savant, herméneute ou autre, les lecteurs y compris les débutants et, comme on dit, les non-lecteurs dès qu’ils sont auditeurs, n’ont rien à retrouver mais seulement à se trouver ou à se retrouver, formant alors communauté, acteurs du racontage. Alors la littérature comme pratique et théorie du racontage n’a pas besoin d’une herméneutique mais d’une poétique, celle-ci n’étant que l’écoute d’une écoute – ce qui est considérable ! quand la première trop souvent demande de ne plus écouter mais seulement de contempler la vérité, le sens, le texte ou toute autre essence qui oublie que les œuvres ne valent que si elles continuent d’œuvrer. Le racontage explorerait dans sa pluralité ce continu de l’œuvre. Si l’escargot s’est endormi, le racontage n’a pas cessé de nous réveiller ! Pour des développements sur le racontage en littérature de jeunesse, voir les billets suivants sur le carnet “La littérature à l’école Fables et voix Livres et lecteurs” Lecture d’Ode au recommencement de Jacques Ancet Lettres vives, coll. Terre de poésie », 2013, 90 p. par Laurent Mourey où vais-je dans cette prose cadencée qui chante un peu mais pas trop » p. 77 S’égarer, recommencer, l’un par l’autre l’ode est avec l’écriture de Jacques Ancet, l’ouverture d’un quelque chose à dire permanent et interminable. C’est bien ce flux qui est à l’œuvre, et en travail, dans ce long poème en cinq parties, écrit comme en versets de prose cadencée » p. 77. Je dirais aussi en laisses – en donnant à ce mot son sens de départ, un couplet qui se dit et se récite dit et récité en se laissant aller, d’un trait », ainsi qu’on peut le lire dans le dictionnaire du petit Robert. Dans sa disposition, le poème fait se suivre, et laissealler, dans chacune de ses parties, une suite de versets dont le premier est marqué à son attaque d’une majuscule, mais dont aucun ne reçoit de point, la ponctuation faible en la virgule étant marquée et scandant la phrase. La prose est cadencée » par la disposition même, celle-ci indiquant ses interruptions et ses recommencements, ses silences et ses lancées, comme les valeurs de ce dire qui tient essentiellement dans le désir et l’avancée – un dire travaillé par un à dire », par ses silences autant que par son expression. Parler de verset de prose permet de ne pas s’en tenir à une forme littéraire mais d’essayer d’entendre au mieux une écriture qui se tient au plus près de la parole et de son écoulement infini, pour le dire autrement de son vivant. La question pour l’écrivain, le poète étant de saisir ce vivant jusque dans son énigme, avec ses emportements, sa jubilation et ses déchirements. Le titre du poème, du livre-poème, semble en résumer l’expérience et signifie peut-être un certain climat de poésie Ode au recommencement ; si le poème célèbre une chose, ce ne serait que ce mouvement même qu’il épouse, et que le commencement pousse à épouser. L’ode renvoie à tant d’œuvres, qu’elle nous plonge à l’infini dans des résonances et des voix ; le recommencement est encore ce climat du poème, du fait qu’un moment d’écriture renvoie toujours à un autre, qu’un poème est précisément un passage – et jamais vraiment un extrait, même si l’on extrait toujours d’un livre –, un passage qui vient recommencer un autre. Ces résonances sont actives en nous et font de la lecture une écriture à l’infini. Alors, certainement, le propos de l’ode sera autre que celui de célébrer, mais plutôt un mouvement de vie en langage. Le titre est comme dédoublé de la citation de Claudel figurant en exergue, extraite de la première de ses Cinq grandes Odes Que je ne sache point ce que je dis ! que je sois une note en travail ! » Il ne s’agit pas tant d’afficher par cette citation un modèle que de répondre et continuer ce qui dans l’écriture est du côté de l’emportement, de la dessaisie de l’identité par une altérité creusée dans l’écoute. Ce discursus propre à l’œuvre se signale d’abord par une rupture avec ce qu’on pourrait appeler l’autorité lyrique et fait lire Claudel en direction de ce que fait Ancet un abandon maîtrisé à la voix qui pousse à trouver la maîtrise là où on ne l’attend pas forcément – dans une écriture qui fait autant qu’elle défait, dans un chant qui n’est pas de l’ordre de la célébration, mais d’une prose qui recherche en soi ce qui déborde et développe une altérité interminable. Un chant emporté et déchiré, un chant qui sourd sous la phrase, car cette prose est l’invention et le désir d’un phrasé qui soit le déploiement de l’intime, au cœur duquel est touchée en langage cette altérité ; à la première page du livre on trouve ce rejet, comme augural, d’un verset à l’autre, véritable cassure de l’identité pour trouver une connaissance nouvelle, celle d’une écoute du langage, de ce qui parle, le déploiement d’un ça parle » dans et par l’écriture qui fait de soi, du monde une matière d’inconnu je reviens le ciel retombe sur mes yeux avec une lenteur d’enfance, je ne sais plus si c’est bien moi qui parle ou si de moi ne reste que ce peu de paroles éparpillées que je ne reconnais plus p. 9 C’est d’une identité en devenir qu’il s’agit, et qui advient par et vers l’inconnu en ne cessant pas d’être une venue, un infiniment à venir » pour reprendre à Meschonnic. La note en travail » est chez Ancet un contre-chant qui creuse une contre-identité. On pourrait ainsi parler d’une sorte de note sourde qui rompt avec les certitudes du moi, voire d’une poésie lyrique, pour abandonner et emporter le sujet dans l’écoute du langage au creux de l’intime. Dans cette aventure de la voix, d’une voix plurielle qui se construit et s’invente par ce qui sourd en elle, faire et défaire sont continus et tracent une ligne de vie jusqu’à la mort mais ils nous font, et nous défont, ils sont notre peu de vie jusqu’au silence définitif » p. 18 ; ils » reprenant ces battements au soir […] si fragiles qu’on ne les entend pas », et les battements » continuant aussi les bruits de rue » p. 17 on comprend que la voix du poème est une chambre d’échos, une oreille des plus fines comprenant les perceptions du corps et explorant depuis le langage le non-linguistique qui traverse la langue j’ai perdu mes mains – mais pas ma langue, je la suis et c’est toujours le même air, la même chanson que je répète, que je ne sais que répéter » p. 17. Il y a dans cette écriture le désir d’un phrasé qui soit la recherche et l’écoute d’un continu, du je au réel, autant du senti que de la pensée, jusqu’à toucher et atteindre une intimité mouvante autre visage, autres yeux, corps qui se déforme, s’affaisse, mais je dis, c’est moi, même si moi, je ne sais pas » p. 18. Le problème du poème est de se faire une écoute et de faire entendre ce qui, de soi et avec les mots, dans le langage, se transforme et nous transforme en même temps que ce qui se répète mais jamais à l’identique le réel, le corps, la pensée qui passent sur le fil du temps. Ainsi les livres de Jacques Ancet sont les pièces, les passages d’un poème qui s’écrit dans ses répétitions et ses différences. Une telle pratique d’écrire fait alors de l’ignorance un mode de connaissance, une connaissance qui ne procède que du poème et n’est pas de l’ordre de la doctrine. Ce serait plutôt une connaissance seconde qui tient donc à l’écoute du langage et c’est pourquoi je reviens, je vois et je ne vois pas, j’entends sans entendre, je touche une matière fuyante » p. 16. Le poème réalise un incomprendre, celui de vivre en langage, dans le plein du langage, au milieu d’une écoute qui prend la vie et fait sentir le réel par l’oralité ; on pourrait parler d’un rapport oral au monde et à soi qui font de l’écriture une prophétie, un dire qui part en avant de soi. Qu’on lise ce passage pour écouter ce débordement et en même temps l’acuité avec laquelle il est dit comment me reconnaître dans ces vagues une à une poussées par quel vent, quel obscur courant et je veux me taire et leur écume vient me blanchir la bouche et je dégorge, oui je dégorge, chêne visage tank clôture araignée avenues nébuleuses éponge silo journal primevère tour à genoux tarmac nombril muraille cellule volcan je vois ce que j’entends, le langage est mes yeux, je serre les dents, je dis stop, arrêtez et je continue, je laisse filer muraille volcan abysses fourmi, je suis une énumération muette et son grouillement de syllabes, je bafouille, des cris me déchirent, je fouille une décharge de mots usés, de bribes de phrases que je ne comprends plus de mes yeux sortent des soleils et des nuits, de ma bouche des vols serrés d’oies sauvages, mes doigts touchent un horizon de flammes, mes pieds pataugent dans le sang p. 21 Ces lignes viennent comme répondre aux odes de Claudel en montrant le poème aussi comme la recherche d’un dire et d’un comment dire le réel par les multiples choses qui le construisent et habitent la pensée et se retrouvent comme travaillées, remuées par l’écriture tu contemples chaque chose dans ton cœur, de chaque chose tu cherches comment la dire ![1] » Une autre citation en exergue du livre est tirée du Chef d’œuvre sans queue ni tête de Yannis Ritsos, dans la traduction de Dominique Grandmont & te voici qui recommences comme si rien ne s’était passé… » Le sans queue ni tête » s’impose dans sa résonance avec le je ne sais pas » qu’on trouve rapidement au début du poème. Il prolonge aussi quelque chose du désir de ne pas savoir ce que je dis » de Claudel. Cette mise en avant de l’ignorance peut se lire alors comme un désir d’aller à l’inouï, au-delà de ce qu’on nous pousse toujours à comprendre, de ce qu’une réalité par trop prégnante impose et que le poème met en crise. Ainsi la réalité et le réel qui affleure dans le poème sont clairement opposés, le réel étant ce qui, incompréhensible, discontinu et pluriel, sourd du présent, dans une énonciation interminable et toujours en recommencement. Le recommencement est marqué par des retours – je reviens » est le premier verbe du poème et la formule qui lance et relance l’écriture je reviens, j’ai été absent des semaines » ; je reviens le ciel retombe » ; mais je reviens, écoutez, le monde me traverse toujours » versets 1, 2 et 4, p. 9. Le poème est placé sous le double signe du retour et du détour d’une phrase qui embrasse et invente du réel, du sujet, de l’infini et qui rencontre un quelque chose à dire, ce rien et ce silence qui la traversent. Reprise tout au long du poème la formule je reviens » est le performatif d’une écriture qui explore le présent, un présent où je » s’absente et revient, se fait de se défaire. Ce présent de l’écriture et de la vie est dès lors son aventure et son recommencement ; le recommencement aussi d’un je » d’emblée distinct d’un moi », car si je ne sais plus si c’est bien » et si de moi ne reste que ce peu de paroles que je ne reconnais plus », je » est l’actif et la note est insistante, celle qui est en travail » pour reprendre encore à Claudel mais je reviens, écoutez, le monde me traverse toujours ». S’ouvre une subjectivité sans limite qui est le réel, sans autre existence possible que dans et par le poème. C’est, au sens fort de la formule, un monde autrement dit, rendu sensible, suggéré. Et ce qu’on sent passe dans un silence entre les lignes, une sorte de qualité de l’air, ce qu’on entend dans le langage, comme une phrase au creux de l’oreille, mais sans qu’on puisse lui assigner de nom. La teneur du réel est dans cet appel et ces rappels qui courent dans le poème, dans sa prosodie, sa syntaxe, ses agencements de mots, le rythme de la parole et de l’écriture. C’est assurément ce qui, de poème en poème, de livre en livre, constitue le poème-Ancet, une sorte de retrempe du langage et de la voix dans différentes manières d’écrire, là une écriture prose d’une phrase ininterrompue, ailleurs le vers mesuré en onze, ou dix-sept syllabes – ce ne sont que quelques exemples, pour donner corps à la rumeur et poursuivre une prose du poème ou une certaine qualité de la voix. Cette subjectivation est donc un recommencement généralisé, d’une ligne à l’autre aussi, pour suivre le silence qui procède de chacun de ses moments, pour écouter le devenir qui s’empare du monde, de la parole intérieure, du monde tel qu’il trouve à se dire dans une musique qui n’est pas du son, ni de la sonorité pas autre chose que l’air du poème qui emporte son écoute et son écriture vers plus que le sens des mots et le savoir. Comme Ancet l’écrit au sujet de Mallarmé, le monde passé par le silence la musique de la voix y resurgit comme à l’état naissant.[2] » Ceci renvoie à la musique telle que l’auteur de La Musique et les lettres la définit dans une lettre à Edmund Gosse l’au-delà magiquement produit par certaines dispositions de la parole »[3]. On retrouve le sans queue ni tête » de Ritsos, qui rejoint aussi le problème poétique trouvé dans la première Ode de Claudel du comment dire » vous entrez dans une histoire sans queue ni tête, on dit c’est la vie, elle vous regarde de loin déjà, elle vous mange » p. 9. Sans queue ni tête et dans tous les sens où peut mener le poème, c’est-à-dire dans l’écoute généralisée qu’il présente sous les yeux la question est bien celle d’un comment dire quand les dispositions de la parole, toujours singulières, posent encore la question d’un comment lire. Ces questions se doublent encore de celle du sujet et de son inconnu qui recommence de même alors comment revenir comment c’est moi regarde c’est moi encore je suis là » p. 9 On se rend compte dès cette première page que dire » et revenir » sont continus et qu’une sémantique autour du second verbe, autour de sa performativité et réflexivité se construit je reviens » se retrouvera dans le texte dans une relation avec il y a » et c’est du mouvement qui est introduit dans ce qu’on pourrait trop vite juger stable avec l’écriture et par elle, le monde bouge. Dès la onzième page du livre, on lit ces attaques de versets je reviens mais je ne sais d’où ni où j’arrive, j’avance dans une confusion telle » ; puis cette série il y a une soirée » – il y a une ville » – il y a tout ce que je ne dirai pas et qui m’accable » – il y a tout ce que je dis, tout ce qui est là ». Par ces présences comme glissées par la voix, ainsi que l’énumération qui donne au poème une inflexion narrative par l’espace, les choses et les objets, les indices temporels aussi, on est entraîné dans un mouvement qui conduit à l’égarement ou à l’errance une confusion telle » se prolonge dans ce passage muet, comme un frôlement ». Les éléments identifiés, marqués du sceau de la réalité, comme sirènes, gratte-ciel et maisons basses » se résolvent dans une approximation. Tout devient errance parmi les mots, dans ce qui fuit entre eux, sous eux » souffle léger » ; ainsi le poème reprend le leitmotiv alors dire je reviens, c’est peut-être entendre simplement ce murmure, on dirait une voix » p. 12. L’énumération montre un rapport entre revenir et dire il s’agit de revenir autant avec que par une parole qui dise le réel en le sentant au creux du langage. Ce réel passe entre la réalité il est une voix, qui dit le monde à l’infini, mais fait rencontrer non une réalité mais du sujet, le poème d’un corps et d’une pensée, du langage travaillé par son silence un réel inouï qui n’a lieu qu’en poème et rien qu’en poème. Et le travail de l’écriture est de montrer la réalité dans sa matérialité, par les mots qui nomment, énumèrent et dans un même temps de vaporiser cette même réalité, immergée qu’elle sera dans une voix qui s’explore elle-même, s’interroge et s’invente. S’opère ainsi une sorte de frottement entre une réalité tautologique, marquée entre autre par le présentatif il y a » et la densité d’une phrase qui emporte toute nomination et crée de la suggestion, un sens latent du poème. En lisant plus loin l’Ode au recommencement on comprend aussi je reviens » comme une suture recoudre des morceaux d’infini, les moments d’une phrase interminable est un peu la fonction du leitmotiv Comment dire alors je reviens, sans je pour revenir, et pourtant, oui, je reviens, la voix parle toujours, et que dit-elle » p. 27. On lit dans l’adverbe d’opposition comme un retour au milieu du langage et de son éparpillement. Et ce retour à soi serait un retour à la voix quand l’éparpillement au milieu du langage laisse justement sans voix. Mais il n’existerait pas de retour sans abandon à une voix, ni sans travail pour faire sienne cette voix, en faire sa langue, par-delà l’oubli et par-delà sa propre personne rencontrée dans le miroir que dit-elle, c’est pour savoir que je reviens, pour habiter sa vibration à peine, la mettre sur ma langue l’articuler, et croire que c’est moi qui parle quand tout en moi se fait oubli, ennui, mutisme quand tout m’abandonne, me laisse debout, comme l’autre à me coiffer me boutonner, à compter pertes et profits à fixer ce visage dans la glace que je ne reconnais pas, et lui me reconnaît-il p. 27. Par l’expérience de l’altérité on retrouve une écriture qui fait du poème une errance intérieure et une épopée de la voix, au sens d’un epos. Ainsi l’écoute du langage offre un envers du langage et de la vie j’écris ce que je ne sais pas écrire, les mots en feu et la coulée de lave d’une phrase illisible et si la voix s’est remise à parler est-ce parce que je reviens D’une certaine façon, l’ode rejoint la chronique, en ceci qu’elle est l’écriture d’une aventure du sujet, lequel se rencontre dans et par son propre égarement. Avant l’Ode au recommencement, Ancet a écrit une Chronique d’un égarement[4]. Le poème est bien l’envers du quotidien ; du moins le poème est-il ce qui est latent dans ce quotidien. Il correspond à une écoute qui est une attention à ce qui vient ; et si elle est du jour, en ceci qu’ elle n’est pas sans rapport avec le temps et son écoulement – ce que l’on peut comprendre dans la chronique ainsi que dans le journal[5] -, l’écriture d’Ancet explore une obscurité, inséparable du jour et du temps traversé. Ainsi elle s’apparente aussi à une avancée dans l’obscurité. Une telle qualité de l’œuvre trouve son titre dans L’Identité obscure, publié en 2009. S’il entretient un rapport évident avec l’expérience de l’altérité au cœur du langage l’obscur peut s’entendre dans plusieurs acceptions. L’obscur procède d’abord d’une obscurité toute particulière puisqu’elle est clarté. Une clarté qui tient à une certaine luminosité de l’écriture ce que le poème dit, il le dit et ce qu’il projette tient d’un poudroiement ; cette métaphore, présente chez Ancet, est suggérée par ce qu’Ode au recommencement désigne par la métaphore des mots en feu »,, métaphore évoquant les feux réciproques » qu’allument les mots chez Mallarmé. C’est une manière de penser ce que fait le poème, comme ne procédant que de lui les mots sont sortis du dictionnaire, pour n’être que du poème – du n’indiquant pas tant l’appartenance que la provenance – et prenant ainsi une valeur plurielle en rapport avec les autres mots. Le poème est un acte, d’ordre éthique et rien n’a lieu que le poème qui transforme les significations de langue en des valeurs du sujet qu’une lecture et une écriture inventent et réinventent. De là ce rapport de tension entre une obscurité et une clarté, entre des significations linguistiques et un sens dont le cœur est une énigme et qui ne cesse de s’inventer. Au début de la cinquième et dernière partie de l’Ode on peut lire chacun de mes mots est l’écho réverbéré d’autres mots » p. 71 jusqu’au suspens ébloui » p. 73. Ces formules restituent ou résument l’expérience d’une lecture et d’une écriture qui tiendraient de l’extase du sens Ensuite ? ensuite revenir ne signifie plus rien, depuis longtemps tout a été dit » p. 71. C’est justement dans cet accompli que débute – commence et recommence – l’inaccompli, le recommencement d’une voix qui à peine revenue, repart les échos font le poème autant que le poème les fait, n’en finissant pas de continuer une pensée en mouvement et de tendre ainsi vers un à-dire » qui déploie le rapport entre vivre, écrire, penser et sentir. Une autre métaphore pour penser et continuer ce rapport une sorte de rumeur d’eau qui coulerait sous la vie » p. 71 La parole à écrire, toute intérieure et d’ouverture, se résout en un appel le poème est encore l’ouverture vers la rencontre. Une autre valeur de l’obscur, après ce qui sourd et résonne, est la matière ténébreuse au creux du langage qui tiendrait plus directement de l’énigme et dont la clarté est comme la portée ou l’induction jamais achevée. Cet obscur est celui du Silence des chiens qu’Ancet retrouve, avec la force de l’allusion, dans l’Ode au recommencement. Ces voix sans visage [qu’on] appelle des chiens » p. 13 peuvent mener vers les ténèbres, faire entrer dans le labyrinthe perdu dans un miroitement traversé de ténèbres qui remontent comme une envie de vomir près de l’évier et son odeur d’éponge sale » p. 42. D’où une troisième valeur de l’obscur qui tient à l’énigme du monde, à son opacité, – ce à quoi l’opacité du poème est une réponse, un répons ce que je dis me dit, ma parole est un souffle, je ne suis rien, mais un rien qui flambe au-dessus du néant » p. 44, pour conclure la troisième partie de l’Ode. Quelque chose d’à la fois tellurique, aérien, ignifuge et solaire est touché par l’écriture ; la sensation est ici pensée dans le langage, ce qui construit ce qu’on peut appeler une pensée poétique ; et le poème évoque le monde ainsi tu t’arrêtes toujours trop tôt parce que tu ne sais pas maîtriser cette fatigue qui aussitôt te submerge parce que tu ne sais pas entrer dans cette obscurité grouillante que tu appelles aussi le monde p. 49 Ecoute du monde du langage, et de l’énigme de chacun, l’écriture se mue en bégaiement, une sorte de butée sur le réel, un réel qui sourd d’elle et échappe pourtant au dire, cette butée tournant à la ritournelle je dis là, je dis là, là, je dis, c’est là, je ne vois rien mais j’en suis sûr, tout est là » p. 56. Ou encore et je dis le monde est cette fuite […] il est ceci et cela et ça et ça et ça […] il est dans ta bouche ce que tu ne dis pas et qui te dit » p. 48. On pourrait dès lors comprendre que l’obscur est celui de tous les rapports d’un sujet et du monde dès que ce monde est à dire, rapports aussi que le poème, son écriture, laisse entendre, porte à l’oreille pourrait-on dire, par la résonance généralisée qu’il suscite. Alors ce réel procède bien du poème ; il sourd de lui, lequel implique et crée ce continu entre penser, écrire, sentir, penser. Ces valeurs de l’obscur sont donc l’œuvre même du poème, qui les découvre ou les rencontre. Elles se construisent dans un rapport au réel qui procède tout entier de l’écriture et fait qu’il ne peut exister de réalisme ni d’essence des choses et du monde dans la poésie d’Ancet. Pas non plus de représentation, mais bien un réel que l’écriture fait sourdre, fait entendre et sentir par elle. L’écriture et la réalité sont irréductibles l’une à l’autre. La poésie de Jacques Ancet n’est pas une déploration de la séparation indéfectible des mots et des choses, ce qui la démarque d’un certain lyrisme contemporain. Elle est plutôt de l’ordre d’une relation et d’une rencontre ainsi que d’une écoute, ce qu’il affirme en évoquant la recherche d’un équilibre » ou encore la valeur de l’instant – un instant parfait » dont l’écriture serait le désir et la durée Mais je reviens, j’essaye de retrouver ce point où soudain tout se tiendrait en équilibre, où la montagne, le genou, le cri, le froissement d’un journal, le silence et la lumière orange des pétales devant moi, ne seraient qu’un seul éclat comme si toute une vie n’avait eu d’autre but que d’atteindre la cime d’un instant parfait tout en sachant très bien qu’elle ne l’atteindrait jamais p. 31 Peut-être cette démarche rencontre-t-elle en chemin la démarche mystique certains mots, ce point », éclat », puis cime » y font penser. Mais il s’agirait d’un mysticisme sans dieux, entièrement tourné vers l’écoute d’une voix interminable qui dirait la relation au vivant, une voix jamais totalement atteinte car elle s’associe au temps, à la pensée, au vivant, tout entière affect et langage et rapport à soi et à l’altérité, une voix qui associe également dedans et dehors et qui s’impose comme un rapport interminable et infini. Le réel est ainsi vécu, pensé comme du sujet, c’est-à-dire comme une relation ; et toute évocation n’est pas une nomination mais le déploiement d’un rapport. C’est là qu’on peut comprendre la valeur de l’image dans l’œuvre si elle est présente c’est par un certain flottement, une imprécision visuelle qui la livre à une qualité d’écoute, une écoute du silence et de l’invisible qui passent entre les choses ; elle n’a rien de descriptif, mais elle se glisse dans des rapports, où l’énumération est encore la disposition de la parole la plus flagrante qui donne au regard sa plénitude de langage et me voilà où j’ai toujours été, entre la vie et son image, à regarder, à écouter, respirer ce que je ne vois ni n’entends ni ne sens ce qui tient ensemble le pigeon et le portail, les iris et le rocher, les nuages et le marronnier, mon corps et la lumière à guetter cet instant où, soudain, tout serait là, le monde entier comme en équilibre sur un grain de temps pur p. 72 Ce complexe de rapports – que l’on peut noter avec ce qui tient ensemble » et comme en équilibre » – n’a rien de fixe ni d’arrêté, il est précisément la conscience, et la lucidité qu’on trouve dans mon corps et la lumière », que le réel est indescriptible, seulement audible dans le langage et en mouvement, ce que marquent la tournure comme en » et la mention du temps qui inscrit tout rapport dans un devenir et dans l’instant minime métaphorisé dans le grain le monde entier comme en équilibre sur un grain de temps pur ». Ancet se démarque encore d’un mysticisme religieux, voire d’un essentialisme et d’une idéalité philosophiques en ceci que le temps pur » est une sensation de langage qui est désignée par la triade regarder-écouter-respirer » et où le langage est inséparable du corps – dans mon corps et la lumière ». Le mouvement, le devenir trouvent leur résolution dans le suspens recommencé jusqu’à faire du poème une utopie ni avant ni après, ni ici ni là-bas, ni dedans ni dehors, mais le même suspens ébloui » p. 73. Continu au suspens et véritable mot poétique – en ceci qu’il est porteur d’une pensée poétique, et d’une théorisation du poème procédant de sa pratique -, le mot entre » renvoie évidemment au rapport et à la suggestion, mais aussi à l’impossible coïncidence ». Si cet entre » énoncé par le poème débouche sur l’étincellement de rapports, en lumières et ombres, il débouche sur la beauté et ce qui suscite la déchirure comme le désespoir ; le beau étant ce à quoi on manque toujours, présent et qui constamment échappe, relevant de l’énigme du présent, tout suspens étant celui d’un temps pur ». Partant la beauté ne ressortit en rien de l’esthétique, quand bien même elle est continue à un sentir ; il est d’ordre éthique dans la mesure où il procède du sujet seul un poème invente ou suscite ces rapports-là qui eux-mêmes créent une beauté. Et cette beauté-là nous fait revenir au poème, étant celle d’une certaine écoute du langage. Si le poème invente son beau, en étant le souffle et la respiration, c’est qu’il invente et est à lui-même son rythme. La lecture du poème fait entendre la poursuite d’une beauté jamais circonscrite ce qui se fait entendre reste aussi à entendre. La syntaxe, la prosodie, la sémantique du poème – la disposition de la parole et du langage qui est le rythme – écrivent un infini, et écrivent toute lecture et toute écriture dans cet infini. D’où l’enthousiasme et le désespoir qu’on trouve dans cette seule ligne et c’est pourquoi elle [la beauté] nous désespère » p. 20. On en revient ainsi à l’obscur, qui est une sorte de note traversière, ou note en travail » de l’ode, et un questionnement de l’écrire. Dans telle page toute lumière est porteuse de sombre, ce qui suggère que ce qui s’énonce porte aussi quelque chose de l’ordre d’un non dire », qu’un dire est encore une manière d’articuler le silence qui disait que le lieu le plus sombre est sous la lampe, que l’ombre s’engendre de la lumière » p. 32. La dialectique à l’œuvre dans et par l’écriture articulant le plus sombre » et le plus lumineux du poème est au préalable mouvement de cercle infini qui se dessine à même l’écoute un espace circulaire d’où suinte l’obscur » Ibid. Aussi une telle dialectique se résout-elle in fine dans une circulation de soi à l’autre, d’une identité à une altérité encore, à même l’acte d’écrire une autre main bouge dans ma main » Ibid. Un acte d’écrire qui est métaphorisé par l’espace, ce qui en fait appréhender à la fois l’aventure, l’expérience du temps et le devenir pour le corps et la pensée mon écriture s’enfonce dans la pensée » Ibid.. Toute L’ode opère de cette manière un déplacement du connu vers l’inconnu de tout rapport possible et pluriel. Et Ancet écrit dans le lexique le plus simple, souvent celui du quotidien et du banal, qu’on croit le plus évident, dont le poème ouvre une dimension inouïe. C’est que le monde recommence, dans tous ces rapports que le poème est seul à faire entendre. C’est aussi que l’écriture œuvre à un devenir généralisé. Et c’’est en ceci que le verbe est la base et le sommet de l’ode. Recommencer, revenir et s’égarer pour s’inventer trouvent des valeurs nouvelles dans suivre, lequel pourrait bien s’entendre, dans le poème, comme un renversement intérieur du verbe être ». La question mais est-ce bien moi, est-ce moi ce jour sur la fenêtre » p. 32, si elle interroge un rapport au monde dans un rapport à soi – on lit, au début et la matière me submerge tout autour, me submerge de son grouillement sans fin » p. 11 – pense aussi quelque chose de la vie en langage, ce quelque chose qui est de l’ordre du mouvement, de la continuation et qui n’a pas de définition ni d’essence, est à concevoir comme une histoire en marche. Etre » devient une valeur de continuer », ce qui est marqué dans le rejet suivant et quand je crois m’arrêter, je continue parce que tout continue, je suis la coquille de noix dérivant sur le courant, je vois les feuilles, l’éclat du bleu, les reflets irisés de l’huile p. 72 Le travail du signifiant suis » se prolonge ensuite par l’équivoque entre être et suivre je suis tout ce que je ne suis pas », puis [… ] ces jambes que tu étends devant moi, que je ne peux atteindre je suis l’air qui nous sépare, nous rapproche, nous emporte comme ces paroles prononcées il y a tant d’années et qui reviennent » p. 80 Ce que ne cessera de développer l’écriture sera bien cette rencontre avec soi, avec une subjectivité tout en altérité, un sujet labile, mobile un sujet du poème par lequel la subjectivité est bien l’affaire d’une altérité comme identité et d’un devenir. Comme le montre telle mention du passé qui est également affaire de présent, donc de mouvement et devenir le passé bouge » p. 76. Pour citer Deleuze, l’écriture est l’invention d’une ligne de fuite », et c’est par là qu’on peut théoriser l’énonciation non comme situation qui impliquerait une certaine fixité de l’empirisme définissant d’abord une typologie des situations, mais l’inconnu d’une voix qui emporte et implique cette fois de penser autrement la subjectivité dans le langage. Suivre, poursuivre impriment un double mouvement, un double sens de la poursuite. La voix poursuit qui l’entend, et s’en fait l’écoute ; elle s’affirme comme une dictée à suivre et à poursuivre. L’appel est double on appelle dans l’écoute de ce qui appelle à être dit. Ainsi on peut lire dans certaines attaques de versets une épopée au sens d’un epos et d’un poiein, c’est-à-dire, pour reprendre à l’étymologie, d’une parole et d’un faire le lyrisme de l’ode trouve ici un principe dans l’épopée ; le dire et le poème sont en ce sens une traversée de la voix et de son écoute. Le faire propre au poème qui fait penser ensemble l’activité en langage, la parole et l’écriture est pour ainsi dire emblématisé dans ces attaques de versets j’écoute sa bouche froide… j’avance à tâtons dans un désert… je m’arrête, la nuit autour … Puis en finales …tout se disperse et je reviens …toutes les choses suspendues dans l’attente d’un nom …ce qui se tient là au bord d’être dit et qu’une fois encore je manque et c’est ce manque qui me poursuit p. 32-33 Est emblématisée encore une dynamique de l’écriture entre arrêts, départ, retours, où le sujet n’est pas séparable d’une gestuelle langagière qui le transforme et en fait un devenir, une ligne de fuite » précisément. Le geste prévaut et précède et le sujet ne dépend donc pas d’une expressivité, mais procède de cette gestuelle qui est ensemble une syntaxe, une prosodie, une sémantique, continu du geste à la phrase le geste me prend, la phrase s’ouvre et les accueille, je dis village, collines, nuages, je recommence » p. 33. Qu’est-ce que l’ode devient avec Ancet ? D’abord autre chose qu’un genre et que ce que circonscrit une taxinomie littéraire. Elle est un passage de vie et un passage de langage ; ce qu’Ancet désigne par une sorte de rumeur d’eau ». Si l’on veut parler de lyrisme, alors il pourrait s’agir d’un passage du chant du langage, à penser du côté de ce que Mallarmé dans Le Mystère dans les lettres appelait l’air ou chant sous le texte », et procédant ainsi d’une gestuelle qui est d’abord une syntaxe disposant langage et parole et travaillant une écoute. L’ode est ainsi indissociable de gestes lyriques » pour citer Dominique Rabaté. En outre l’ode répond à l’appel de ce qui est à dire, qui est un infini à dire mais tout réclame d’être dit » p. 34, justement dans une activité qui double l’écrire d’un vivre et le vivre d’un écrire. Ainsi, plus encore que lui répondre, l’ode répond cet appel, elle en fait entendre la vibration de l’infime, et l’infini réverbéré, et rien qui bouge et rien qui s’arrête » p. 90. Le dernier verset de la fin du poème n’est pas une fin, seulement une interruption, avec la sensation cependant que quelque chose se referme pour quelque chose d’autre encore, de l’infini dans du neutre. L’ode trouve dans cet infini sa mesure, le paradoxe d’une écriture qui est suspens et ouverture, ce qui fait rencontrer encore le Claudel des Cinq grandes Odes un infini de bouches dans cette bouche un infini de voix dans cette voix, qui ne s’arrête pas » p. 69 La pensée par le poème est écoute et peut-être que ce qui la fait telle qu’elle est, mais surtout telle qu’elle se transforme, est l’écoute de la voix. Cette pensée se tient dans cette écoute pour devenir une voix de voix. Laurent Mourey [1] Paul Claudel, Première Ode Les Muses » 1900-1904, Cinq Grandes Odes, édition de 1957, Poésie/Gallimard, p. 28. [2] Jacques Ancet, Le Chant sous les mots », Europe n° 825-826, 1998, p. 40. [3] Cité par Jacques Ancet, Ibid. [4] Chronique d’un égarement, Lettres vives, 2010. [5] A noter qu’Ancet a écrit Le Jour n’en finit pas, Lettres vives 2001 et Vingt-quatre heures l’été, Lettres vives 2000. Ou encore Journal de l’air, Arfuyen 2006 et Portrait du jour, La Porte 2010. Il va s’agir d’observer dans l’écriture de Michel Chaillou 1930-2013 quelques signes d’oralité puissante s’attardant particulièrement aux sans-voix ou, si l’on préfère, à de l’inaudible, de l’in-entendu, voire de l’inattendu. L’inattention au murmure », à la confidence chuchotée », à la douceur plaintive » Chaillou, 2012 74-75 et peut-être la péjoration de certaines voix, souvent à l’œuvre dans les écritures et plus généralement dans les discours normatifs, conduisent à leur rejet par leur réduction à quelques procédés – il s’agirait, de ce point de vue, d’une critique forte de l’effet Céline » si prégnant dans la critique littéraire française. C’est ainsi que Chaillou montrerait à la fois le continuum des voix dans le phrasé romanesque de l’écriture, cette prose en action » Martin, 2013, évitant ainsi toute séparation dualiste, et surtout la force de ces voix minorées, leur énergie transformatrice, jusque dans ce qu’il a appelé, non sans quelque pointe critique et donc par antiphrase, l’extrême-contemporain » Chaillou, 2012 74. Je me propose donc, à sauts et à gambades ou plutôt ânonnant l’inconnu comme un abécédaire » Chaillou, 1997 106, de voyager dans les œuvres de Chaillou non pour s’y retrouver mais pour s’y perdre, du moins y perdre toute contenance critique unitaire, et alors essayer de faire entendre le filet de voix du doute, plutôt que le clairon de l’affirmation » Chaillou, 2012 88, parce que la littérature a besoin de confidence, c’est-à-dire d’être chuchotée à l’oreille de quelques-uns » Chaillou, 2007b 390. Cette dernière proposition ne peut s’entendre comme la promotion élitiste mais, tout au contraire, comme l’accueil de tout un chacun à prêter l’oreille » 419, l’écrivain étant le premier à se livrer à l’écoute. Un tel voyage » Voyager vous rend-il à nouveau enfant, ânonnant l’inconnu comme un abécédaire ? », Chaillou, 1997 106 ne pouvait s’achever sans rendre compte au fil de la lecture du romanesque d’un roman, La Vindicte du sourd, destiné par son inscription éditoriale à la jeunesse. C’est bien parce que, comme le fait dire Chaillou à son principal double romanesque, Samuel Canoby J’ai commencé très tôt à ramasser la paperasse de l’heure, bouts d’instants rimés ou pas, secondes ou minutes, toute cette théologie du rien enfui, ces bons mots à jeter à peine dits, ces sentiments avortés, ces scènes qui rouillent, tout ce qui porte l’estampille de la veille, de l’avant-veille de la veille de la veille jusqu’au big bang du désuet primordial. La rouille dans mes mots que mes lèvres ébrèchent. Chaillou, 1995 131 Chaillou ou le bruit du temps dans les voix de chacun. N’est-ce pas là une poétique à hauteur d’une anthropologie… Bizarreries et étonnements En fait, j’essaie de faire un roman de tous mes étonnements. Et je ne cesse de m’étonner. Michel Chaillou, 2007b 398 Marcel Schwob tenait les bizarreries » pour critère spécifiant d’une vie, de philosophe – ce qui n’est pas peu dire ! En effet, ce sont ces bizarreries » que le premier grand philosophe venu possèderait réellement » car, selon Schwob, quant aux idées » – ce sont pourtant bien ces dernières qui généralement permettent d’identifier un philosophe –, elles sont le patrimoine commun de l’humanité » Schwob, 2004 54 ! C’est du cœur d’un structuralisme régissant la pensée de la littérature voir Martin, 2013 157-176 qu’un Michel Chaillou s’aventure dans des biographies souvent doublées d’autobiographies qui, aux structures généralisantes et à la visée unitaire, opposent un fouillis, si ce n’est un dédale, de particularités ou de singularités, et donc de vies jamais réduites à quelque finalisme téléologique ou unité destinale. Ces bizarreries » y exacerbent la valeur de l’infime en multipliant les digressions comme si l’infime devait s’entretenir avec l’infini. Jean-Pierre Richard a très tôt signalé cette spécificité de l’écriture de Chaillou en rendant compte du Sentiment géographique 1976 dans le numéro 28 des Cahiers du Chemin 130-134 – repris dans Richard, 1990 171-198 De toute façon, c’est le corps ici qui est le maître, et qui mène multiplement le jeu corps rêvant et corps lisant, mais aussi corps se rêvant/lisant, et se rêvant/lisant/rêvant, et cela à l’infini, on l’a vu, sans butée possible. L’assurance d’aucun cogito, comme dans les critiques traditionnelles d’identification, ne vient fonder ici les réversibilités de la lecture. Chaillou, de ce point de vue, rejoindrait donc le parti pris antérieur d’un Schwob se défiant lui aussi du positivisme ambiant non dépourvu d’une propension à séparer les génies des hommes ordinaires, les héros de la pensée des vies des hommes infâmes », pour faire référence à la fameuse contribution de Michel Foucault au numéro 29 du 15 janvier 1977 des Cahiers du Chemin de Georges Lambrichs, numéro dans lequel Chaillou publie son Hexaméron rustique ». Ne pourrions-nous associer la visée d’un Foucault d’une véritable anthologies d’existences » à l’activité d’un Chaillou racontant des vies dans et par l’essai d’écrire un tâtonnement expressif, un bégaiement de l’ineffable » 2007b 323. L’incipit d’un roman de Chaillou, Le Rêve de Saxe, ouvre un tel marché aux puces » qui délibérément se refuse à maîtriser quelque sujet que ce soit autrement qu’à le voir fuir dans l’imaginaire du pan. Je reprendrai volontiers cette dernière notion à Georges Didi-Huberman 1990 316 qui l’a fortement distinguée du détail, comme inquiétude » du tableau qui tend à enliser l’herméneutique, parce qu’il ne propose que des quasi, donc des déplacements, des métonymies, donc des métamorphoses » 318. Ce fut au marché aux puces que je rencontrai les premiers héros de cette aventure. L’endroit figure assez mon esprit hétéroclite, bric-à-brac d’objets dépareillés, contradictoires, au style rompu, furieux, cabossé, vieilles lunes, prose de chien, rouille et soliloque. Entré depuis quelques minutes dans une boutique, je venais de remuer une masse de bouquins fumigènes, l’âme déjà perdue par certaines gravures. Une surtout, plutôt agile, représentait un garçon au vit de menuisier, énorme, hors culotte, branlant avec énergie une jeunesse retroussée sur un sofa qui avait du volume. J’allais m’enquérir du prix quand un petit peuple aux mines extasiées me héla depuis une étagère. Je m’approchai. Un couple principalement me ravit, lui poudré de frais, d’une hauteur de seize centimètres, elle au clavecin, mains écartées sur les touches. Chaillou, 1986 11 Les héros de cette aventure » sont bel et bien des quasi au sens où l’entend Didi-Huberman des figurines en porcelaine de Saxe ! De cette porcelaine », la matière même de l’amour, du sperme solidifié, une poterie blanche translucide » 14 ! De sexe à Saxe, la paronomase participe de cette impossibilité de fixer la phrase sur du sens pour lui préférer un phrasé qui entrecroise et surtout multiplie ses propres bizarreries » dans une analogie généralisée construisant un corps-langage, celui que signalait Jean-Pierre Richard, qui ne cesse d’entretenir de troubles rapports » Chaillou, 1986 240. D’un bric-à-brac, celui de la littérature, de ses innombrables et indescriptibles aventures d’écriture, que l’histoire littéraire met souvent au pas pour en ignorer la plus large part et surtout pour ne jamais en entendre les bizarreries » et en poursuivre les étonnements », Chaillou ne se contenterait pas d’en tirer quelques objets à fonctionnement symbolique, à la manière des meilleurs surréalistes, mais en proposerait de fabuleux sujets des voix qui s’essaient dire parce que tous les livres de Chaillou tentent de répondre en autant d’actes d’écriture à la question que posait Samuel Beckett Comment s’essayer dire ? » 1991 20. Essayer dire Je ne suis pas du côté du raconteur, là où se trouve le plus souvent le roman, je suis du côté du dire. Toute ma tentative littéraire se situe entre le dire et le raconteur. Michel Chaillou, 2007 b 110 Observer l’autre voix de la littérature écrite » dans l’œuvre de Michel Chaillou demanderait une écoute de son phrasé romanesque qui semble sans cesse faire entendre une oralité de l’écriture » Le Français aujourd’hui, 2005 dans et par l’organisation d’une digression majeure » François Bon, 2009 comme écoute intérieure » Chaillou, 2007b des voix, dans les livres de la bibliothèque comme dans les conversations de partout. Les hiérarchies se voient alors défaites et les échos démultipliés pour que les proses riment dans une résonance générale, une voix pleine de voix. En cela, Chaillou participe très précisément à ce que Georges Didi-Huberman se donne comme exigence critique à partir de la proposition de Beckett, de son essayer dire » N’essayons pas de dire, engageons-nous plutôt dans l’acte plus risqué, plus expérimental, d’essayer dire, expression dans laquelle il devient clair que dire n’est, au fond, qu’essayer, s’essayer à une expérience inséparable de son risque et de son effectuation. Didi-Huberman, 2014 55 Il faudrait alors immédiatement aller à une des tentatives les plus originales de Chaillou, son Montaigne » 1982, qui rompt avec toute la tradition critique du commentaire ou de l’herméneutique. Cette tradition savante et scolaire semble disposer du texte comme d’une totalité maîtrisable ; d’autres comme celle de l’essai biographique font également accroire qu’elles disposent de la vie dans l’illusion homogène de l’œuvre et de l’époque, des hauts faits et des grandes idées. A propos de ces biographies romancées, Adorno parlait de leur tentation permanente d’une forme dont la méfiance à l’égard de la fausse profondeur court sans cesse le risque de tourner à l’habileté superficielle » 1984 8. Chaillou, avec son Montaigne, se situe aux antipodes d’une telle neutralisation des œuvres de l’esprit en biens de consommation » Adorno, 1984 8 ! Cet étonnant récit d’une journée de septembre 1980 propose un je-ici-maintenant » des Essais de Montaigne non dans une classe de philosophie ou de littérature, pas plus dans une recréation socio-historique voire psycho-fictionnelle, mais au plus près de ceux qui vivent non loin de la tour de Montaigne et d’abord de cet Alexandre ou plutôt Alex, domestique chez Montaigne ». Ce dernier n’a pas vraiment lu les Essais mais, après le suicide de sa mère, il continue Montaigne sans le savoir et surtout sans la maîtrise discursive qu’accompagnerait la conscience réflexive Alex dénicha dans les pauvres affaires de la défunte le fameux bouquin mélangé à une bible, de chères photographies …. L’exemplaire était rompu, des pages manquaient. Plusieurs respiraient le fromage, des auréoles sanctifiaient un chapitre qui par ailleurs tombait en cendres, fruit d’une veille, de qui mégota sa lecture au rougeoiement d’un cigare. A peine si Morceaux choisis se distinguait sur la couverture cartonnée qu’il gratta au couteau. Il renifla, feuilleta, des petits mots, de tous petits mots. Il enfonçait sa gueule mal rasée dans l’ouverture des pages, épluchant ces extraits scolaires des Essais, du Journal de Voyage en Italie comme s’il se fût agi d’oignons de Castillon. Les yeux lui coulaient, la mémoire lui revenait de Fritz lisant, du sein superbe d’Eva dans la marge, d’un curieux petit sabre à boutons d’or jeté sur une chaise. C’était du français qu’Alex réentendait, mais rendu brumeux par une bouche étrangère, les fentes de la porte par où, gamin, il regardait. Le bois brun pesait encore sur le livre, il récita, essaya d’abord sourdement devant l’établi, les plantes convulsives de la serre, de retrouver l’accent de Fritz. Il rougissait, s’empêtrait, les phrases l’écorchaient, il ne lisait pas vraiment, grondait, mâchonnait, salivait beaucoup. L’espoir insensé, confus dans sa tête, qu’à force de bêcher, labourer chaque page, il finirait par ressusciter l’ancienne fornication des heures, l’instant, point à la ligne, virgule, où le couple délaissait le paragraphe, s’embrassait, se fondant l’un dans l’autre, atroce souffrance. Chaillou, 1982 193-194 Nous lisons alors à la fois le portrait vraisemblable du rapport complexe de la lecture d’un illettré au livre de Montaigne et le portrait invraisemblable de l’écrivain, au plus près des processus de l’écriture et de la lecture. Un tel portrait – toujours double avec Chaillou – construit l’analogie tenue d’un continu entre lecture et écriture, exactement comme entre le château et le pays, l’air, la terre, les arbres, qu’on visite plus loin que dix-neuf heures » 271, plus loin donc que l’heure de fermeture des visites à la tour de Montaigne ou, autrement dit, plus loin que les passages obligés de l’écriture-lecture hors corps comme on dit hors sol. Ce passage donc, et tout le livre avec lui, par ce phrasé sémantique et rythmique, opère une incorporation puissante de tout ce qui peut concourir à un tel continu. Celui-ci serait la résultante de la confusion des lexiques où le scolaire et le savant se piquent d’actions agricoles et sexuelles, et de la confusion des temporalités où l’enfance et le livre s’emmêlent dans un présent du récitatif inventant l’écoute intérieure d’une attitude de vie, c’est-à-dire d’une disponibilité à ce que justement les Essais autorisent et même exigent dans leur manière à sauts et à gambades » l’infinie digression d’une parole plurielle. Le raconteur d’Indigne Indigo ne déclare-t-il pas C’est vrai que je m’interroge sur tout, et d’un rien digresse. J’ai l’esprit d’escalier » 2000 84. Digressions et distractions Vos voisins conversent de belles-lettres ce n’est pas votre sujet ; le vôtre, qu’est-ce, sinon ce nuage de voix qui hantent le temps passé, dépassé ? Chaillou, 1980 23. Les raconteurs – je tiens à cette notion[1] car dès le premier roman, Chaillou indique bien qu’il ne s’agit pas de narrer mais de conter une histoire » et plus précisément de répéter des faits très simples, une manière de litanie » –, du moins les personnages principaux des romans de Chaillou, mériteraient chacun de se voir attribué le reproche qu’une amie du héros de L’Hypothèse de l’ombre lui faisait souvent Tu as trop de parenthèses en toi » 2013 106. Reproche qui n’est pas sans évoquer l’épigraphe de ce livre, empruntée à Victor Hugo Je suis un homme qui pense à autre chose ». En effet, les romans de Chaillou ne savent jamais où ils vont puisqu’ils se noient dans la phrase, la première phrase venue, l’ardeur de sa phrase » 1995 175. Je marche, parfois je bute, un caillou sur la route, une idée de caillou. Je lis sans lire, je dévisage les pages, Spinoza m’apprend à me retirer, à voir dans chaque mot, chaque chose, leur désert, une chambre nue. Chaillou, 1995 134 Mais une telle chambre nue » est une chambre d’échos qui n’en finit pas de résonner. Cette force du langage que le phrasé de Chaillou porte dès qu’on ouvre un de ses livres n’est pas sans un paradoxe qui pourrait spécifier l’oralité de son écriture le régime endophasique de ses narrations qu’on pourrait hâtivement assimiler à un soliloque de sourd et donc à une autofiction égotiste si n’est simplement narcissique, est cependant voué au dialogisme le plus vif. Mais le paradoxe ne serait qu’apparent ainsi que Gabriel Bergounioux le signale à propose de l’endophasie elle-même, ce moyen de parler » 2004. Grâce à ce suspens de la profération entre deux discours explicites » qui constitue cette présence inaudible d’un discours inaccessible à l’observateur extérieur », cette voix privée » qu’offre l’endophasie ouvrirait à un beau problème la marque d’une absence qui interloque » Bergounioux, 2004 60. Le paradoxe est donc double puisque ces monologues intérieurs, parfois enregistrés dans des cahiers » entre autres Chaillou, 2007a ou dans la tenue d’un journal Chaillou, 1995 172, nous sont précisément restitués. Bergounioux nous offre alors une sortie du paradoxe puisqu’il pose que l’endophasie oblige à penser le langage du point de vue de l’écoute par une poétique relationnelle qui s’éloigne indubitablement de l’approche communicationnelle, renouant en cela avec une proposition de Roland Barthes celui qui écrit est ce mystère un locuteur qui écoute » 1992 132. Bergounioux repartant de Humboldt précise que l’écoute, plus qu’un produit ergon est une production energeia dont l’endophasie est la forme la plus élaborée, la plus achevée » Bergounioux, 2004 82. Ce principe d’écoute est sans cesse au travail dans le phrasé de Chaillou Bien entendu, qui, à cet instant de mon aventure, me prendrait en filature, tirerait sans doute d’autres conclusions des faits que je rapporte, et pas toujours obligeantes pour ma santé mentale. Ces coïncidences, maintes fois relevées, n’expriment-elles pas, lecteur, le désir un peu malade d’une autre réalité que celle mesquine où nous nous côtoyons vous et moi ? Chaillou, 2000 53 D’une part, le raconteur endophasique embarque dans son soliloque son auditeur l’adresse fréquente au lecteur » en témoignerait, et ce dès le premier livre Je ne suis pas responsable / Comment êtes-vous lecteur ? Petit, grand, une femme ? si vous pouviez intervenir, me conseiller », 1968 167, et plus généralement la tonalité réflexive du phrasé ne cesse d’approfondir la teneur dialogique de chaque phrase ainsi que l’attaque bien entendu » le fait entendre. D’autre part, il s’agit ni plus ni moins que d’entretenir une utopie qui ne peut se réaliser qu’en coopération cette autre réalité » que seule la relation d’écoute peut faire advenir. Chez Chaillou, la phrase entretient l’écoute pas son phrasé. Cela commence dès le titre du roman. Ainsi de ce roman russe », La Rue du capitaine Olchanski, qu’on pourrait résumer comme l’écoute de ruée dans rue à condition de le lire jusqu’à son épilogue » 1991 244-245. Le principe d’écoute est alors un principe d’écho, qui est au fond un laisser faire la distraction, la sortie des habitudes de l’entendement. Une telle écriture est alors essentiellement une oralité à vif Écrire, c’est-à-dire écouter. Mais écouter quoi ? Eh bien, ce qui traîne sur la planète des mille bruits du monde, du brouhaha au chuchotis, du tintamarre à la confidence. D’une écharpe de cris, ramasser au moins l’écharpe, la laine de ce qui est dit ! C’est cela que j’appelle l’écoute intérieure, ce désir de rendre plus intelligible un écho dont on n’a pas de prime abord les voix. Car il me faut ces voix lointaines pour écrire. Elles me donnent la voie, la direction. Je ne sais pas de quoi elles parlent, mais elles parlent, écrire consiste à se rapprocher d’elles dans le sillage de la rumeur que j’en perçois. Ces voix bientôt m’apprendront leur histoire et pourquoi elles se répondent. Au début donc, je n’ai pas de sujet, seulement un vague écho, ce murmure, le lait de ce murmure. Chaillou, 2007b 297-298 Reprises et allures Donc, quand je commence un livre, j’ai l’écho, pas le sujet, je me promène dedans et j’écoute de toutes mes oreilles. J’apprendrai par la suite ce qui s’est réellement produit. Michel Chaillou, 2007 b 161. Traverser l’œuvre de Michel Chaillou consisterait donc à tenter de montrer les gestes de reprise qui font résonner entre elles les oralités d’autres écritures, d’autres lieux, d’autres époques entre autres, L’Astrée Le Sentiment géographique, Montaigne Domestique chez Montaigne, Stevenson La Vindicte du sourd, Spinoza La vie privée du désert, ou encore Barbey d’Aurevilly Indigne Indigo et beaucoup d’autres, dans d’autres livres et dans ces mêmes livres, parce que Chaillou défait toutes les bornes de l’histoire et des hiérarchies littéraires. Par ailleurs, il faudrait inclure dans cette réflexion le travail éditorial de Chaillou chez Hatier avec sa collection, Brèves littérature », et dans cette collection le très significatif Petit guide pédestre de la littérature française du XVIIe siècle qu’il a lui-même composé, sans compter, chez un autres éditeur, La Petite Vertu au titre anachronique à rallonge qui montre toutefois que Chaillou considère les arts du langage partout où le langage sert à vivre[2] » Huit années de prose courante sous la Régence ou la langue française telle qu’on la pratiquait pour herboriser, guérir, disserter, voyager, cuisiner, chasser, jardiner, correspondre, etc… avec des observations curieuses sur les mœurs et une table des matières nourrie de celles du temps 1980. Ce dernier ouvrage, anthologie commentée de proses courantes », c’est-à-dire à la fois de proses de tous les jours ou de proses qui courent les rues. Il précise Prose courante ? une phrase plus le poids de la main. Surtout pas de littérature, il y manquerait la cohue, le brouhaha du décor, l’organisation despotique de la table, la fleur des rideaux, le lit que Caumartin de Boissy adore à plumes, le craquement des chaises, il en possède six, de canne autour d’un fauteuil de maroquin à roulettes, héritage d’un grand cardinal. Chaillou, 1980 27 Dans ce livre dédié à l’ami Henri Meschonnic, Chaillou met la littérature sens dessus dessous comme il le fait dès que sa phrase prend voix ou dès que, si l’on préfère, l’hypallage la démange – voyez cette main qui court dans sa prose… Alors, comme sur une scène de cabaret, les histoires parfois réduites à un mot ou une bribe, s’enfilent dans une volubilité qu’ici la liste fait tenir au rythme éperdu d’un phrasé de garçon de course. Dans Des Mots et des mondes, Henri Meschonnic commençait ainsi sa contribution à la collection de Chaillou, Brèves Littérature » titre énigmatique au demeurant, associant un pluriel et un singulier, une pluralité et une unicité, l’allusion à une temporalité de l’instant et la référence à une temporalité de la longue durée… On cherche des mots, on trouve le discours. On cherche le discours, on trouve des mots. Les mots, les formes sont la grande rêverie en pièces du langage indéfiniment divisé, reconstitué, pour comprendre le comprendre, avoir le sens du sens, et ne tenir que des nuées. Ainsi toutes les recherches, et les plus savantes, ne racontent jamais que le roman du langage, celui du continu à travers le discontinu, celui des demeures rêvées en errant à travers les ruines. Meschonnic, 1991 9 Si ce premier paragraphe poursuit l’anthropologie historique du langage de Critique du rythme 1982, il est également l’accompagnement attentif – le livre est dédié à l’ami Michel Chaillou – des romans du directeur de la collection puisque c’est bien ce roman du langage » qui les traverse sous la figure de l’errance à travers des ruines ». Celles de l’enfance ainsi que la narratrice du Crime du beau temps le signale suite à la remarque de son oncle dont tout enfant a dû se contenter face au mystère de la vie ou d’un petit pan de vie auquel tout tient – et ce seraient ces pans qui portent tous les romans de Chaillou Un jour, je t’expliquerai ! » Il ne m’a jamais expliqué. A moi, vingt ans plus tard et à partir des documents disparates qu’il m’a laissés, de débrouiller ce mystère auquel mon enfance se trouve si subtilement mêlée. Est-ce sur elle que j’enquête ou sur le décès subit d’un pêcheur de congre ? L’enfance est-elle ce poisson vorace au bout d’une ligne qu’on ne parvient plus jamais à repêcher ? Chaillou, 2010 143 La reprise serait alors non seulement la répétition mais la couture. Arrangement syntagmatique de morceaux – aussi bien morceaux choisis de la vie que de la littérature, mais il faudrait aussi entendre morceaux trouvés – que le phrasé dans et par son allure, son rythme, sa prosodie, son mouvement relationnel, fait tenir ensemble, du moins fait vivre dans le continu d’un ressouvenir en avant » Kierkegaard, 1993 694. Et de couture, tous ses personnages en ont besoin pour associer dans un même phrasé la lumière et l’ombre comme les deux côtés de la presqu’île de Quiberon N’ai-je pas moi aussi un côté baie et un autre furieux », Chaillou, 2013 158 ce sont Marie-Noire et Marie-Blanche dans Virginité sans compter cette autre Marie Logeais de Calédonie… Autant de dédoublements ou plutôt de doublures qui ne cessent d’augmenter les incertitudes du sens, les résonances des échos. Dans ce même roman vendéen qui au tournant des XIXe et XXe répète le tournant précédent et sa Révolution mais aussi fait la répétition du suivant dans son incertitude romancée, la scène finale est hallucinante promenade pieds nus » dans la peinture de Madame Elise et dans la mer qui s’énonce sur le sable ». Cette mise en abyme est une couture Ma façon de me rassembler’, comme dirait Jeanne Berthe », écrit la narratrice Chaillou, 2007a 327. Rêveries et songeries si cela se nomme sommeil cette permanente impression en lisant d’ouïr des paysages Michel Chaillou, 1976 12 Un principe démocratique travaille chaque phrase dans l’œuvre de Chaillou. Ne serait-ce que l’égalité posée des enfants et des adultes, voire leur supériorité s’agissant de l’élucidation de quelques mystères de la vie La Clémence de mes dix ans savait ce que je ne sais plus quand c’était la buée qui écrivait ses fables sur le carreau et aussi très bien quand ce n’était pas elle ! 2010 131 Et quand le raconteur d’Indigne Indigo s’adresse à son auditeur, le narrateur donc à son lecteur puisqu’il s’agit d’un cahier » enfoui au fond d’un tiroir 2000 315, il ouvre une réflexion que chaque livre ne cesse de travailler Vous l’avez remarqué, j’use d’un parler à moi. Mais tout homme a le droit d’en avoir un. Après tout, chacun habite les mots à sa façon ? Et la mienne, vous semblez vous y habituer, puisque vous êtes encore là. Ne me taxez pas trop vite d’impudence. La page qui nous sépare, après tout, c’est notre vitre commune. 2000 154 Cette vitre commune » concrétisée par la page » d’écriture constituerait la condition anthropologique du langage, cet échange de parlers adressée, une parole écoutée, poursuivie donc, est une parole partagée parce que commune », dans et par sa spécificité même. L’étonnement est fréquent face à ce qui ressemble souvent à un miracle, du moins suscite l’interrogation Qu’ai-je bégayé ? le souvenir m’ombrage encore d’une espèce de causerie par moments fredonnée à deux sous un orme » 1976 185. Cette causerie constitue à proprement parler le régime romanesque de Chaillou avec ses deux moteurs qui sont comme les deux faces d’une même pièce, les deux protagonistes d’une même théâtralité A me lire, écouter, on s’aveuglerait sans cesse des cendres de ce qui vient d’être dit, vécu », écrit significativement Chaillou 2000 53 l’apposition pose l’équivalence de la lecture et de l’écoute, de l’écriture et de la voix adressée. Je l’ai déjà suggéré, une écriture de la reprise permet de faire entendre les voix, trop souvent devenues inaudibles dans et par la tradition scolaire voire académique, d’une littérature française dévocalisée », du moins rendue sourde aux voix basses » qui constituent peut-être son fond le plus nécessaire. Ce palimpseste vocal du romanesque de Chaillou ne serait pas seulement l’affirmation d’une pluralité vocale mais également la tentative de penser la force vocale au principe de bien des expériences littéraires, en écriture comme en lecture, et peut-être en deçà de toute expérience langagière ainsi que Chaillou l’évoque lui-même avec l’endormissement enfantin Partant du proverbe qui invite à compter les moutons pour s’endormir, j’ai voulu créer une phrase hallucinogène, hypnotique[3] ». Le Sentiment géographique est effectivement la première démonstration en actes d’un romanesque hypnagogique dans et pour lequel Chaillou, depuis lors, nous a plongés. Ce qu’il écrit de l’Astrée, il ne cesse de le performer dans son romanesque il y a un tournoiement du sens, comme si la rêverie planante depuis des pages allait enfin se poser dans un dernier vertige des notions au cœur bruissant d’un lieu, repérable sur une carte, et pourtant visitable qu’en songe, l’Astrée d’une main, le Forez manquant sous les pieds, il y a un tournoiement des sites, des plaines dont la tête tourne, décrivant une ellipse, le cœur bat, du battement ralenti des clochers sonnant les heures, les époques, il y a des villages qui nous rassemblent, nous ressemblent Chaillou, 1976 151-152 Rassembler par la ressemblance et ressembler par le rassemblement constituent la paronomase du roman et du rimant se mirant dans les échos d’une phrase qui devient le chemin » 170. Comme dit un des personnages de son Montaigne Je parle, je parle, c’est l’affirmation du territoire » 1982 271. Un tel territoire vocal n’est jamais la délimitation d’une propriété mais le domaine de résonance d’une relation. Celle-ci demande d’avoir lieu. Quel que soit le statut des textes édités dont quelques-uns en édition jeunesse, l’expérience littéraire de Michel Chaillou associe lecture et écriture dans une relation forte, ne serait-ce que parce qu’elle est entièrement traversée par ce que Chaillou appelle l’écoute intérieure » La notion essentielle reste en effet pour moi la lecture, écrire n’étant à mes yeux qu’une autre manière de lire, mais lire un livre qui n’existe pas encore, comme je l’affirme souvent. Il me reste donc à tenter avec un seul de ses livres une telle lecture parce que seul son essai peut attester que la relation, et donc la voix, a trouvé sa géographie. Vindicte du romanesque avoir lieu Il y a d’ailleurs chez moi une angoisse originelle qui fait que l’acte d’écrire est presque un acte criminel. Comme si chaque élément était un pâté d’encre, une tache, et que j’allais de mot en mot, de tache en tache pour arriver à trouver la clarté, la clarté d emon esprit qui m’échappe toujours. Je suis plutôt Michel l’obscur. Michel Chaillou, 2007b 115 Dans La Vindicte du sourd 2000, l’écriture de Michel Chaillou est toujours une pensée de l’écriture dans son emportement même et donc dans l’inconnu de sa relation. C’est un mouvement pensif qui va et, dans ses entrelacs, son lecteur avec. Cette écriture halète dans notre lecture, nous emmêlant au souffle essoufflé de sa voix qui ne cesse d’augmenter les voies de l’aventure, cette force irrépressible mue par on ne sait quel principe d’entraînement Je pris peur, partis en courant. Les vagues se chevauchaient, crinières emmêlées, galop d’écume nous entraînant vers quel abîme ? » 15. Ce roman d’aventure est d’abord l’aventure du romanesque longue hésitation ou plutôt hésitation prolongée entre l’écoute du rêve et le rêve de l’écoute. Celle de son narrateur – mais il faudrait plutôt parler d’une voix qui cherche son histoire C’est vrai que j’aperçois des trucs là où les autres ne voient rien. N’empêche cette fois-ci… » 16. Le romanesque avec Chaillou n’est pas de l’ordre du voir mais de l’entrevoir, d’un entrevoir qui cherche son suspens dans le passage de voix. Passage, disons lecture dans et par l’écriture, qui ressemble fort à la maladie qui atteint le curé Plessis du roman, narcolepsie ou, comme dit le Petit Larousse, tendance irrésistible au sommeil, se manifestant par accès », avec ce qui traverse le sommeil rêves et cauchemars, réminiscences et songes… Le romanesque est d’abord la perte d’une syntagmatique temporelle engrenée aux mécanismes horlogers Quelques jours plus tard, à moins que ce soit avant ? Dans ma tête d’aujourd’hui, ça se mélange » 23, dit le narrateur. Ce dernier ne cesse de perdre ses repères pour mieux nous tenir dans sa voix chuchotée avec effets de brumes Donc une fin d’après-midi, semble-t-il, ou un mercredi matin ? De toute façon la même lueur grise se balançait sur Beg Rohu depuis une semaine » 24. La remémoration est du romanesque, au sens où ce dernier en est fait de part en part et où le ressouvenir est toujours en avant – telle était la définition de la reprise pour Kierkegaard 1993 694, c’est-à-dire qu’il est toujours du présent en train de se découvrir Aujourd’hui que je suis ressorti indemne de cette aventure, du moins en apparence car, pour l’intérieur, des choses se brisèrent à jamais qui étaient pourtant marquées fragiles, comme ces colis qu’on envoie par la poste, aujourd’hui je m’aperçois que la vérité se tenait peut-être de l’autre côté d’une mince cloison. 29 Ces deux aujourd’hui », comme reprise du phrasé, constituent le bégaiement du romanesque qui fait relation le présent du passé est plus un passé du présent, et le continu l’emporte toujours sur le discontinu, parce que la vérité n’est jamais bonne une fois pour toutes mais se rejoue à chaque fois toute entière, exactement comme dit le narrateur l’après-midi, je lus, et le dimanche s’écoula ainsi, entre phrases et averses » 47. Cette écriture est d’abord une lecture qui se reprend jusqu’à organiser sa vengeance La Vindicte du sourd fait la reprise de L’Île au Trésor ne serait-ce qu’avec le prénom stevensonien du père du narrateur, Robert-Louis, lequel passe à la question, aux questions que le monologue du narrateur ne cesse d’entretenir, de tenir à vif dans la lecture-écriture, de partager avec son auditeur dans cette caisse de résonance du romanesque, ce monologue constamment au régime dialogique Mon père était-il un forban ? Je voyais son bon visage, comment l’imaginer charbonneux, un couteau entre les dents ? » 71. Le romanesque est un défi au réalisme, c’est-à-dire à tout ce qui empêche de voir le monde à hauteur d’enfance Je me dis, je me disais beaucoup de choses. J’étais désespéré. Les adultes mentent. Je résistais pour ne plus grandir » 76. Mais plus on lit, plus l’écriture grandit et le romanesque est cette relation paradoxale où le mensonge ne s’oppose plus à la vérité et où la vérité s’augmente du mensonge. Le romanesque fait perdre connaissance pour mieux connaître le continu des lectures et des faits réels alors même qu’on délire 85 La vie est un livre , se rengorgea Emily » 86. Aussi tout l’orgueil du romanesque consiste à accumuler les presque » dans une adresse endophasique généralisée tu as été presque enterré, tu habites une presqu’île, tes amis sont presque ennemis, l’archipel des Kerguelen est presque la Bretagne. Tout est presque, personne n’apparaît entièrement faux, complètement vrai » 89. Le romanesque ou l’art du presque qui touche au plus juste parce qu’il fait sa part à la relation de l’inconnu je redoutais de déterrer son visage au fond de l’histoire que j’exhumais » 94. Certes le narrateur cherche son père, mais c’est son approche qui lui fait peur avec tout ce qu’elle peut défaire de certitudes et tout ce qu’elle peut engager d’incertitude le romanesque est le désir d’augmenter la vie, la relation. Aussi la lecture-écriture est-elle toujours un mouvement vindicatif pour retrouver une ancienne écoute ou pour en inventer une nouvelle, celle d’une surdité qui entend ce qu’on n’entend pas Je me revois me faufilant comme un voleur, moi qui allais, à douze ans, être volé de la chose la plus chère, une enfance naïve » 66. La lecture n’est-elle pas cette perte toujours retrouvée de la naïveté, d’une naïveté dont il faut également douter J’étais à la fois distrait et attentif, submergé quoique flottant » 69. Et toujours la lecture-écriture engage une complication, jamais une simplification, jamais un schéma narratif L’aventure se compliquait à l’image du sentier que je suivais » 71. Le romanesque est bien un retour, non sur soi mais sur la relation Je me retournai. Le chemin était mon seul interlocuteur, sablonneux, élastique. Telles une lanière, il entortillait les dunes » 97. De raccourcis » en passages à haut risque » ibid., la relation par porosité sémantique et prosodique peut s’approcher du temps où les bêtes parlaient – c’est alors la proximité du romanesque avec le ton biblique où le cosmique et l’humain s’entretiennent Chad Delafosse disparaît, il devient le fils de la branche qu’il touche, de l’abeille qui bourdonne. / Je sautais d’une pierre à l’autre » 100. Le héros devient-il une non-personne – au sens de Benveniste, un il en lieu et place d’un je-tu ? J’étais vraiment devenu un soupçon d’air, on m’eût effacé avec la buée d’une vitre quand je parvins au port » 102. La dépersonnalisation serait le passage obligé, et bien sûr à haut risque, d’une subjectivation, celle d’un passage de voix Alors s’engagea une conversation pas ordinaire. Les vagues de huit années la recouvrent mais j’entends encore la voix écorchée, un visage se penche dans mes nuits sans sommeil, des pieds nus courent la lande de mon chagrin » 108. Le romanesque, avec Chaillou, est la poursuite infinie d’une conversation, si l’on y entend toujours plus qu’une transmission d’informations et si l’on y entend un appel, une quête de relation Il suivait sur mon visage le cheminement de son propos. Que je restasse perplexe, ses doigts relayaient aussitôt sa parole. Il eut marché sur les mains pour se faire comprendre » 111. Le romanesque de la lecture-écriture peut certainement poser une relation dissymétrique J’étais devenu le petit muet de ce grand sourd », 120, mais l’égalité relationnelle est pourtant à son principe. D’un sourd à un aveugle, tout le corps s’y risque jusqu’au secret le plus enfoui Il agita les doigts en désignant sa bouche. Il n’avait encore rien divulgué. Cette histoire qui accourait de vingt mille kilomètres avec la force d’une nuée meurtrière m’assombrissait. J’aspirais à soulever le voile et j’avais peur qu’il ne m’entortille de ses plis, m’étouffe » 112. Jusque dans ses monologues où la voix résonne toujours avec d’autres voix, le dialogisme du romanesque engage une sombre agonistique plus qu’une pacification éclairante, à la manière de la lutte de Jacob avec l’ange Il discourait toujours aux prises avec son rêve. Les gestes qu’il esquissait pour agrandir sa parole donnaient l’impression d’une lutte. Il ne racontait pas vraiment, il combattait » 116. Un tel combat prend forcément une dimension démesurée Le miroir du vestibule me renvoya l’image d’un pauvre gamin aux prises avec une aventure pas à sa taille, trop grande pour lui » 138. Le romanesque n’est pas de l’ordre du prêt-à-porter et la démesure devient sa condition, tout simplement parce que sa relation est celle d’une écoute intérieure Je marchais comme un sourd, attentif seulement à mes voix intérieures » 152. L’intériorité ne peut se borner à une intériorité rabougrie close sur l’individu ; elle prend les dimensions du cosmos et pour le moins de la nature les arbres articulaient une histoire de feuillage, d’écorce » 158. Son extension est infinie, y compris temporellement En suis-je sorti ? Huit années passèrent, j’habite Locmaria et ce satané mercredi, proche du dénouement, m’éclabousse encore de ses anxiétés » 159. Bien loin de tout schéma narratif ou de toute téléologie narrative, le romanesque est la répétition infinie de ce chantonnement L’aventure est morte et je brûle toujours » 159. Sans fin, sa lecture-écriture est toujours une approche, un désir maintenu vif. Aussi la chute de La Vindicte du sourd est-elle la relation d’un abandon de l’enfance naïve qui croit aux histoires tremblantes racontées par un vulgaire escroc » 175, non pour une quelconque vérité narrative qui oublierait les dédales de l’aventure » 181 mais pour ne plus se laisser prendre par le premier réseau de raccourcis » 182 venu. Et surtout pas par l’adage d’une compréhension future Tu saisiras quand tu seras grand ». Parce que grand », on l’est quand ? A trente ans, cinquante ? » 186. Le romanesque, avec Chaillou, répond qu’on est seulement saisi Le relief de cet archipel tatoua à jamais mon esprit. La vindicte du sourd serait-ce qu’on ne sache pas exactement à quoi attribuer son retour ? Un jour, j’en suis sûr, Gravesin m’attendra à l’anse du Port-Blanc, son équipage reconstitué, la voilure claquant neuve, l’histoire alors n’aura plus besoin de mots, je la comprendrai par gestes, et l’Elisabeth-Jane bondira, élastique dans la force du vent. 186 Ainsi la force du romanesque est-elle un appel qui continue la lecture-écriture tatouage indélébile qui invente un langage à la hauteur d’une vie rêvée, d’un vaisseau toujours en partance. *** L’œuvre de Chaillou contribuerait exemplairement à défaire certaines catégories traditionnellement organisatrices de la littérature française, ne serait-ce que celles de populaire » et de savante » dont on connaît la porosité mais qui ne cessent d’être essentialisées à des fins politico-idéologiques voir De Certeau, 1980 et Passeron, Grignon, 1989. En œuvrant à un phrasé inimitable, son racontage » relèverait du rêve et de ses fulgurances, mais paradoxalement Chaillou apparaîtrait à contre-époque dans une écriture pleine de voix et donc d’oralités pour augmenter ce qu’il appelle l’écoute intérieure » qui ne serait peut-être rien d’autre que celle de l’autre voix de la littérature écrite », ce romanesque des voix trop souvent inaudible dans les modes de lecture dominants voire dans nos enseignements littéraires. Aussi, pourrait-on avancer qu’avec Chaillou cette autre voix » engage également une autre histoire de la langue, de la littérature et donc un autre enseignement qui s’attacherait enfin à écouter, à se raconter, à devenir ce qui va être mais qui n’est pas encore ». Alors pourrait se mesurer la force des oralités de l’écriture tant littérairement que didactiquement, c’est-à-dire anthropologiquement, pour que les voix trouvent aussi politiquement et éthiquement leurs vies imaginaires. Une œuvre comme celle de Michel Chaillou nous aiderait à en augmenter l’écoute. Bibliographie Œuvres de Michel Chaillou le lieu d’édition est toujours Paris Jonathamour, Gallimard, 1968. Collège Vaserman, Gallimard, 1970. Le Sentiment géographique, Gallimard, 1976. La Petite Vertu huit années de prose courante sous la Régence, Balland, 1980. Domestique chez Montaigne, Gallimard, 1982 repris dans la collection L’imaginaire » en 2010. La Vindicte du sourd, Gallimard, coll. “Folio Junior” 1984. Le Rêve de Saxe, roman, Ramsay 1986. La Croyance des voleurs, Seuil, 1989. Petit Guide de la littérature française au XVIIe siècle 1600-1660, Hatier 1990. La Rue du capitaine Olchanski roman russe, Gallimard, 1991. Mémoires de Melle, Le Seuil, 1993. La Vie privée du désert roman, Le Seuil, 1995. Le ciel touche à peine terre roman, Le Seuil, 1997. Les Habits du fantôme, Le Seuil, 1999. La France fugitive, Fayard 1998. Indigne indigo roman, Le Seuil, 2000. Le Matamore ébouriffé roman, Fayard, 2002. 1945 récit, Le Seuil, 2004. La Preuve par le chien roman, Fayard, 2005. Virginité roman, Fayard, 2007 a. L’Écoute intérieure, neuf entretiens sur la littérature avec Jean Védrines, Fayard 2007 b. Le Dernier des Romains roman, Fayard, 2009. Le Crime du beau temps, Gallimard, 2010. La Fuite en Égypte, Fayard, 2011. Éloge du démodé, La Différence, 2012. L’Hypothèse de l’ombre, Gallimard, 2013. Œuvres critiques Barthes R., L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, Points / essais », 1992. Beckett S., Cap au pire 1983, trad. Paris, Minuit, 1991. Benjamin W., Le Narrateur », Ecrits français, Paris, Gallimard, 2000. Bailly C., Le Langage et la vie 1913, Genève, Droz, 1990. Benveniste E., Problèmes de linguistique générale, tome 2, Paris, Gallimard, 1974. Bon F., Michel Chaillou, digression majeure » recension de Le dernier des Romains, Fayard, 2009, L’actualité Poitou-Charentes, n° 84, 1er mai 2009, p. 15-15. Certeau M. de, L’Invention du quotidien, Arts de faire, Paris, Gallimard, 1980. Le Français aujourd’hui n° 150 Oralité de l’écriture », septembre 2005, en ligne Didi-Huberman G., Essayer voir, Paris, Minuit, 2014. Passeron et Grignon Cl., Le Savant et le Populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Seuil,‎ 1989. Kierkegaard S., La Reprise, dans Ou bien… ou bien. La Reprise. Stades sur le chemin de la vie. La maladie à la mort, Paris, Robert Laffont, Bouquins », 1993. Schwob M., Vies imaginaires, présentation et notes de Jean-Pierre Bertrand et Gérald Purnelle, coll. GF », Paris, Flammarion, 2004. Richard Une géographie du trouble » dans L’Etat des choses, études sur huit écrivains d’aujourd’hui, Paris, Gallimard, nrf essais, 1990, p. 171-198. Strenae n° 5 Les fables de la voix en littérature enfantine. Actualités du Narrateur » de Walter Benjamin », septembre 2013, en ligne [1] Autour de cette notion, je me permets de renvoyer à la revue en ligne Strenae autour du fameux texte de Walter Benjamin, Le Raconteur 2014 [2] Emile Benveniste déclarait aux sociétés de philosophie de langue française, à Genève en 1966, que bien avant de servir à communiquer, le langage sert à vivre » Benveniste, 217 et il soulignait le verbe reprenant, en le déplaçant fortement, un titre de Charles Bailly 1990 qui avait titré Le langage et la vie 1913. Louis Calaferte, Turin, 1928 – Dijon, 1994 Il y a déjà vingt ans que Louis Calaferte nous a quittés et nombreux parmi ceux qui l’ont connu sont encore de ce monde. Famille, amis, éditeurs, écrivains et critiques sont là autour de nous et ce qui nous unit à cet auteur n’est pas seulement une œuvre pour toujours livrée à la recherche mais une présence réclamant notre mémoire à travers des expériences et des souvenirs souvent passionnés. Vingt ans durant lesquels, Homme et Vivant », ce magicien des lettres, pour qui l’écriture est une attitude existentielle et non un métier ou une posture, continue d’insuffler un surcroît de vie à ceux qui prennent la peine de le lire. Vingt ans durant lesquels, il n’a cessé de nous aider à fustiger les dominantes de notre époque faites de bruit, de vitesse, de violence et de vulgarité. En refusant le langage de la tribu, il était au plus près de la poésie, c’est-à-dire le plus opposé à la terreur du monde. Djamel Meskache Mercredi 15 octobre 2014 17 heures — Vernissage de l’exposition 1979-1994 les années bourguignonnes » Exposition conçue par GUY DELORME et MAXIME SLAMA – Bibliothèque Universitaire de Dijon 2 Boulevard Gabriel – Dijon 20 heures —Théâtre Mo » de Louis Calaferte Jeudi 16 octobre 2014 Colloque sur 2 jours, les 16 et 17 octobre 2014 – Salle de l’Académie 5, rue de l’École de Droit – Dijon Jeudi 16 octobre 2014 9h Accueil des participants 9h45 Ouverture du colloque par DJAMEL MESKACHE Colloque Ie et IIe session Modérateur DJAMEL MESKACHE 10h DOMINIQUE CARLAT U. Lyon 2 Prose-poésie limites non frontières chez Louis Calaferte » 10h30 BRIGITTE DENKER-BERCOFF U. de Bourgogne Jeux dangereux ; je de poète » 10h30 discussion 10h45 pause Modérateur MICHEL COLLOT 11h PASCAL COMMÈRE écrivain Une expérience poétique de Louis Calaferte l’exemple d’ Ouroboros » 11h30 HERVÉ BISMUTH Bourgogne La notion de baroque » 12h discussion Modérateur JACQUES POIRIER 14h30 GUILLAUME BRIDET U. de Bourgogne Utopie de La Mécanique des femmes ? » 16h SÉBASTIEN HUBIER U. de Reims “Je voudrais que tes yeux soient des choses qui me touchent la peau” Calaferte et la tradition européenne du roman érotique » 16h15 Discussion 16h30 MICHEL COLLOT U. Paris 3 Lyrismes de Louis Calaferte » 17 h. discussion] 18 heures — Vernissage de l’exposition L’évangile métropolitain » Un projet éditorial des ÉDITIONS TARABUSTE et une lecture d’Ouroboros par DENIS GUIPONT Compagnie du Grand Théâtre. La Nef 1, Place du Théâtre – Dijon Vendredi 17 octobre 2014 9 heures — Colloque IIIe session Autour de Louis Calaferte » Modérateur GUILLAUME BRIDET 10 h. SERGE MARTIN U. Paris 3 “Sussurer des bricoles, palabruler sous les lunes…” Calaferte en poète du racontage » 10 h. 30 CHRISTIAN PETR U. Avignon Quand les bergères deviendront reines sur Le Roi Victor » 11 h. ANDRÉ NOT U. d’Aix-Marseille Les notions de terreur et de sacré » discussion 12 h30 — Vernissage de l’exposition Louis Calaferte, 1928-1994 – Regain objets, collages et autres dessins » Exposition conçue par TATIANA LEVY et DJAMEL MESKACHE Conseil régional de Bourgogne 17 bd. de La Trémouille – Dijon Colloque IVe session Autour de Louis Calaferte » Modératrice BRIGITTE DENKER-BERCOFF 14h30 BRUNO CURATOLO U. de Franche-Comté Faune et flore dans Les Sables du temps » 15h FABRICE HUMBERT Calaferte renaître » 15h30 JACQUES POIRIER U. de Bourgogne Les Carnets de Louis Calaferte portrait de l’auteur en “anarchiste chrétien” » 16h discussion 16h45 Conclusion du colloque par DJAMEL MESKACHE] Samedi 18 octobre 2014 Excursion à Blaisy-Bas Sur les pas de Louis Calaferte » 10 heures — Visite de SCarabee, Centre de ressource et de recherche 12 heures — Repas à l’Orée des charmes » Biographie de Louis Calaferte C’est avec moi-même que j’ai envie de m’entretenir », Le jardin fermé Carnets XVI – 1994 Louis Calaferte Louis Calaferte, écrivain français, est né le 14 juillet 1928 à Turin, où son père, Ugo, immigré italien, contremaître maçon à Lyon, a souhaité qu’il voit le jour. Sa mère, Marguerite, française, fait des travaux de couture à domicile puis, faisant face à l’adversité, crée une petite entreprise de confection, tabliers et vêtements d’enfants, qu’elle ira vendre sur les marchés forains, afin de subvenir aux besoins de la fa- mille et d’assurer les soins, fort coûteux, nécessaires à son mari, atteint de tuberculose. Louis Calaferte a 12 ans au décès de son père. La France est occupée – époque troublée, dont il livrera le récit quelques mois avant sa mort C’est la guerre, Gallimard, 1993. À peine un an plus tard, son cer- tificat d’études obtenu, il est garçon de courses dans une entreprise textile, puis manoeuvre dans une usine de piles électriques. Les conditions de travail y sont très dures, cependant il découvre l’art drama- tique et la lecture, par l’intermédiaire de retransmissions radiophoniques hebdomadaires et de fascicules de “La Petite Illustration” prêtés par un contremaître, féru de théâtre. Sa décision est prise Il sera écrivain. Il n’a plus désormais qu’un désir Écrire pour le théâtre – et jouer la comédie. Il quitte l’usine, entre transitoirement comme apprenti dessinateur dans un cabinet de soieries et en janvier 1947, abandonne Lyon pour tenter sa chance à Paris. Il ne connaît personne, n’a aucune ressource et survit malgré de grandes difficultés matérielles Débuts à Paris, in Km 500, Tarabuste, 2005, faisant le sordide apprentissage de la misère dans une effrayante solitude morale. Il commence néanmoins d’écrire pièces et nouvelles. Le comédien Guy Rapp, auquel il se présente pour une audition, prend connaissance d’une de ses nouvelles, “Le Déserteur”, décèle ses dons de dialoguiste, et lui propose d’écrire une pièce en trois actes qu’il mettra en scène si elle est réussie. La pièce écrite en quelques semaines sera présentée à Chartres et à Angers 1949 où elle est bien accueillie par la presse. À Paris, ce texte mélodramatique détruit plus tard par l’auteur, auquel est adjointe une pièce en un acte, Babel, n’a aucun succès. Le réalisme des mots et le thème de Babel, qui traite à rebours de la violence du régime nazi, sont à l’époque absolument irre- cevables, mais la qualité des dialogues est néanmoins saluée par la critique. En 1951, Louis Calaferte achève son premier livre dont il soumet le manuscrit à Joseph Kessel, qui s’enthousiasme, le fait dactylographier, l’aide à en retravailler la construction et le présente lui-même à René Julliard Requiem des innocents, Julliard, 1952. Parution bientôt suivie d’un second ouvrage Partage des vivants, Julliard, 1953 qui obtient la Bourse del Duca, véritable consécration pour ce très jeune écri- vain. Le livre, retenu pour le Prix Fémina, déclenchera une véritable bataille entre membres du jury. Après treize tours de scrutin, le prix ne lui est pas attribué. Les journalistes, déçus, lui décernent, à cette seule occasion, le “Prix Homina”. Cette gloire naissante, assortie de la vie mondaine et parisienne des milieux littéraires, n’est pas celle que Louis Calaferte ambitionne. En 1956, il s’installe à Mornant, village des Monts du Lyonnais, avec Guillemette, rencontrée six ans plus tôt à Paris. Dans cette retraite – il y demeurera jusqu’en 1969 – tout en menant parallèlement, pour assurer son existence, une activité de producteuranimateur radiopho- nique station de Lyon, il consacre quatre années à l’écriture de Septentrion, une fresque largement autobiographique, qui retrace son expérience passée tout en esquissant les perspectives de ses options intellectuelles et spirituelles. La brutale disparition de René Julliard, prêt à défendre le livre, et la perspective certaine de son interdiction à la vente pour pornographie, entraînent sa publication sur seule souscription Septentrion, Cercle du Livre précieux, Tchou, 1963. L’ouvrage ne reparaîtra que 21 ans plus tard, à l’instigation de Gérard Bourgadier, alors directeur des éditions Denoël. Cinq années de silence, sans pour autant cesser d’écrire No man’s land, Lettres Nouvelles, Julliard, 1963. Louis Calaferte peint et crée des “objets poétiques”. En 1968, il signe un contrat avec les éditions Denoël et publie consécutivement deux nouveaux volumes Satori et Rosa mystica. Dès lors, son travail sera partagé, dans un juste équilibre, entre écriture et expression plastique. Si, par ailleurs, Louis Calaferte s’est essayé très jeune au théâtre – sa première pièce est jouée quand il n’a que vingt ans – il amorce dans le même temps, son oeuvre théâtrale Clotilde du Nord, Théâtre de la Comédie, Paris, 1955 ; Mégaphonie, Les Mandibules, Mo, Stock, coll. Théâtre Ouvert, dirigée par Lucien Attoun, 1976. Le public le découvre en 1972, avec Chez les Titch, mise en scène par Jean-Pierre Miquel et interprétée par les comédiens français au Petit-Odéon. Puis, en 1976, avec Les Miettes qui obtient le Prix Ibsen. Sylvie Favre, comédienne, et Victor Viala, à la mise en scène, travaillent ensemble sur les pièces intimistes et baroques Un Riche, Trois Pauvres ; L’Aquarium ; …. La somme poétique inspirée que représente Opéra Bleu Théâtre du Lucernaire, Paris, 1993 sera l’ultime création faite du vivant de l’auteur. Dans le courant de l’année 1979, Louis Calaferte acquiert une petite maison en Bourgogne, dans le village de Blaisy-Bas. Il y passera les dernières années de sa vie et rédigera en ce lieu privilégié la dernière partie de son œuvre littéraire Ébauche d’un autoportrait ; Memento mori ; L’incarnation ; La Mécanique des Femmes ; Le sang violet de l’améthyste ; Maître Faust, …. Courts récits, poésie publication en grande partie posthume, Tarabuste, seize tomes de Carnets 1956-1994, Denoël et Gallimard, Théâtre complet en six volumes publication également posthume, Hesse, essais, entretiens, Louis Calaferte est l’auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, d’une vingtaine de pièces régulièrement jouées en France et à l’étranger Le Serment d’Hippocrate, 2014, Avignon, Théâtre régional des Pays de la Loire qui, accompagnés d’une importante – et poétique – oeuvre graphique, constituent un ensemble cohérent, une étonnante autobiographie intérieure aux facettes multiples. Couronné deux fois par l’Académie Française Prix Delmas pour Ébauche d’un autoportrait, 1982 et Prix de la Nouvelle pour Promenade dans un parc, 1987. Prix Michel Dard en 1983, sous l’égide de la Fondation de France, il reçoit en 1984 le Grand Prix de la Ville de Paris pour l’ensemble de son œuvre dramatique, et en 1992 le Prix National des Lettres. Louis Calaferte est mort à Dijon, le 2 mai 1994 et repose dans le cimetière de Blaisy-Bas. Biographie établie dans le cadre de SCARABEE, Centre de ressources Louis Calaferte, 28 rue d’Avau, 21540, Blaisy-Bas. Les quelques éléments de réflexion qui suivent viennent poser les jalons d’une recherche en cours. Celle-ci est doublement motivée tant par une attention aux supports des activités engagées par l’écriture que par les moyens de la recherche entendus comme des manières de faire, de penser, de rechercher. Les transformations didactiques décisives s’opèrent au moyen de leviers qui articulent une opération matérielle et une opération de l’esprit en les concentrant dans un outil – les études sur la littératie corroborent cette hypothèse Barré-de Miniac et alii, 2004. De la classe primaire au séminaire de master voire à l’écriture de la thèse, il me semble qu’un continuum problématique est possible avec cet outil générique qu’est le carnet. Toutefois, il me semble qu’il est nécessaire pour valider cette hypothèse d’en considérer la pluralité tant énonciatives que gestuelles et de concevoir le carnet plus comme une opération que comme un outil une opération qui met le montage d’hétérogénéités, au sens de tensions problématiques, au cœur des processus de connaissance et de recherche. L’enjeu, en fin de compte, d’une telle hypothèse et des réflexions afférentes, serait celui d’une écoute plus vive portée à ce qu’on peut appeler la et les voix de la recherche l’attention portée aux montages et bricolages carnetiers chercherait en effet à considérer les modes de subjectivation ou voix comme vecteurs décisifs des apprentissages autant que des recherches. Continuer la lecture de Faire carnet » pour plus de voix dans et par la recherche → Lectures de Georges Didi-Huberman et Ghérasim Luca Le livre de Georges Didi-Huberman GDH dorénavant, Survivances des lucioles Minuit, 2009, vient comme marquer un moment important du parcours de son auteur. A la fois, il se situe en totale continuité avec ses travaux antérieurs et en même temps il pose un nouveau problème sous la forme d’une remise en question ou du moins d’une forte inflexion dans la pensée de GDH. Je tente dans ce qui suit sa lecture en l’associant avec l’œuvre de Ghérasim Luca GL dorénavant qui, depuis longtemps, me tient à cœur et dont un ouvrage résonne au plus haut point avec celui de GDH La voici la voie silanxieuse Corti, 1997. Continuer la lecture de Des lucioles et des bougies écouter les poèmes avec des images → Navigation des articles Une poétique anthropologique avec la littérature contemporaine de langue française
Ladistinction entre le tutoiement et le vouvoiement est un concept grammatical familier aux locuteurs de langues indo-européennes. Il s'agit d'une opposition entre deux deuxièmes personnes, le premier utilisé pour les proches, les pairs, les subalternes ou dans un registre de langue familier et le second pour les personnes auxquelles on doit un certain respect,
Les artistes sont souvent amenés à travailler avec divers spécialistes des techniques nécessaires à la réalisation de leurs œuvres. Dans certains cas, il s’agit de véritables collaborations créatives. Se pose alors la question de l’auteur, autrement dit de l’attribution à un artiste de la paternité d’un travail qui est largement collectif. Une enquête sur trois œuvres d’artistes contemporains permet de mettre en lumière les tensions et conflits qui peuvent naître de cette situation, mais aussi les voies par lesquelles ces tensions et conflits peuvent être limités ou résolus. Sauvageot A., 2020, Le partage de l’œuvre, Essai sur le concept de collaboration artistique, Paris Éditions L’Harmattan. Les défis de l’innovation dans le contexte de l’art contemporain L’art contemporain est de plus en plus souvent contraint d’importer des technologies parmi les plus sophistiquées, tant du point de vue de la nature des matériaux que de son process. Face au défi de l’innovation, l’artiste peut en effet difficilement éviter d’avoir recours à des compétences qui lui sont très généralement étrangères, qu’il s’agisse de savoirs qui ont beaucoup évolué – la gravure par exemple – ou des apports des nouvelles technologies – le numérique, la robotique, l’intelligence artificielle, entre autres. De tels apports ne sauraient intervenir sans orienter tangiblement la conception de l’œuvre telle qu’elle a été pensée initialement, de même que sa concrétisation, voire sa scénarisation. Toutes incidences qui font de l’artiste, comme le souligne Pierre-Michel Menger, un professionnel à part entière et non pas un créateur éthéré, soumis aux seules exigences du talent qui lui serait dévolu. Les études sociologiques, fouillant in situ l’œuvre et les acteurs qui la conduisent – de sa conceptualisation jusqu’à sa réalisation – ont illustré l’incroyable fourmilière dont sa fabrication est issue. Manager autant que créateur, l’artiste se doit en effet de nouer de nombreuses collaborations, que celles-ci soient d’ordre institutionnel, médiatique ou technologique. Si les artistes reconnaissent un certain partage des tâches, de nombreuses questions cruciales se posent néanmoins en quoi ces collaborations contribuent-elles à réorienter leur projet ? Peuvent-elles conduire à une redéfinition de celui-ci ? Comment les artistes vivent-ils cet empiètement sur leurs prérogatives d’auteur ? Se pose en effet, la question de la paternité de l’œuvre, même s’ils sont bien peu enclins à en partager l’autorité. Une étude récente Le partage de l’œuvre » Cette étude n’entend pas réduire à néant la créativité des artistes – tant s’en faut – mais examiner au plus près la nature et le poids des collaborations qu’implique tout accomplissement artistique. Il ne s’agit pas d’un tour d’horizon voué à des généralisations hâtives mais d’une focalisation sur la réalisation de trois œuvres précises signées par trois artistes différents dont la notoriété dans le domaine de l’art contemporain international est acquise. Virgile Novarina ESA/CNES Des entretiens soutenus ont été réalisés avec d’une part, ces trois artistes relevant de lieux et de registres esthétiques différents, d’autre part avec les collaborateurs ayant contribué de manière significative à leur œuvre. Il s’agit de Miquel Barceló à propos des vitraux réalisés en tandem avec le verrier Jean-Dominique Fleury dans la chapelle Sant Pere de la cathédrale de Palma de Majorque 2006-2007, Eduardo Kac à propos de son œuvre Télescope Intérieur, réalisée en partenariat avec Thomas Pesquet lors du séjour de celui-ci au sein de la Station Spatiale Internationale Mission Proxima, 2017 et Céleste Boursier-Mougenot à propos d’offroad, une œuvre présentée en 2014 au Musée des Abattoirs de Toulouse avec, entre autres, Guilhem de Gramont, constructeur. Trois artistes donc et trois œuvres qui ont nécessité un montage institutionnel et une collaboration complexe – ce qui ne veut pas dire nécessairement conflictuels – avec des professionnels de compétences diverses. Très différents dans leur démarche et leur positionnement dans le contexte de l’art contemporain – ce qui renforce l’intérêt de cette étude – ils ne sont pas pour autant sans partager quelques points communs. Outre leur appartenance à une même génération, chacun d’entre eux cultive une approche que l’on pourrait qualifier de pluridisciplinaire, multipliant l’exploration de matériaux et de techniques très diversifiés. Tous trois partagent également un dénominateur commun quant à leur prédilection pour toutes les formes du vivant – proximité primitive avec l’animal chez Miquel Barceló jusqu’à la tentation transgénique chez Eduardo Kac et Céleste Boursier-Mougenot pour qui plantes, animaux et objets banals peuvent excéder leur nature. L’inégal accès des rôles et des statuts De cette étude résultent quelques constantes qui donnent à réfléchir. Les rôles, lors de la présentation du projet ont le plus souvent un contour bien défini c’est l’artiste et lui seul qui énonce le projet tel qu’il l’a conçu. C’est là son rôle de concepteur, de créateur, qui ne peut être remis en cause sous peine de détruire la base sur laquelle repose le partenariat et de fait le projet initial ne sera jamais discuté de front. Il est posé comme un énoncé, un acte de droit dont la légitimité ne peut être remise en cause. Mais, en réalité, la pratique de coopération se développe de manière endogène, bien davantage dans le cours de l’action que sous la contrainte de règles qui lui seraient extérieures. Dès que l’on fouille les interactions qui se jouent dans l’espace collaboratif, on se rend compte que les rôles sont souvent redéfinis par les pratiques elles-mêmes. La manière essentielle par laquelle l’artiste instaure son autorité s’inscrit dans ses prises de décision. Généralement établie pour la durée limitée de la réalisation d’un projet, une collaboration rassemble des individus disparates qui le plus souvent ne se connaissaient pas au préalable et qui vont devoir conjuguer leurs savoir-faire dans un contexte qui porte sa part d’aléas et d’incertitude. Dans un délai très court, chaque journée consiste à résoudre les problèmes que le déficit d’une définition initiale rigoureuse ne manque pas de soulever – quelques fois bénins, quelques fois plus sérieux au point d’invalider l’œuvre telle qu’elle a été préconçue par l’artiste. La réalisation collective se présente ainsi comme une suite de tâtonnements dont les résultats nécessitent d’être validés ou non. Si l’exposé des difficultés et de leur possible résolution se font de manière concertée, impliquant parfois toute l’équipe qui entoure l’artiste, seul celui-ci, pesant le pour et le contre lorsqu’il n’est pas d’emblée convaincu, est à même de prendre la décision, quitte à devoir revenir sur celle-ci. Seul l’artiste, est légitime pour ces décisions qui seront irréfutablement historicisées en relation au nom propre de l’auteur » comme l’écrit François Deck. Si la prise de décision peut être précédée par de nombreuses tentatives de résolution des difficultés et intervenir à la suite d’une série de concertations, elle peut aussi intervenir de manière péremptoire. C’est d’un geste souverain que l’artiste peut déclarer son œuvre terminée, ce qui fait basculer la collaboration dans un décisionnisme qui clôt la coopération. Les affres de la réputation et l’assignation de l’œuvre La réputation de l’artiste, assurée par lui-même ou par l’ensemble des dispositifs intermédiaires, se doit de mettre en avant un nom – le sien – associé aux œuvres qu’il authentifie, à l’exclusion de ceux qui, en retrait, ont collaboré à leur réalisation. Le principe du renom, de la notoriété ne souffre pas la reconnaissance de la division du travail. Comme l’écrit l’historienne de l’art Isaline Bouchet L’économie artistique est fondée sur l’échange d’œuvres d’art à auteur unique. Tant que l’architecture physique et sociale des espaces consacrés à l’art demeure le cadre dominant des pratiques artistiques, le co-autorat ne peut guère se percevoir autrement que comme une entrave à la sorte d’individualisme possessif sous-jacent à la notion d’autorat… ». Toute œuvre artistique se doit d’être soumise à des procédures de légitimation. Celles-ci sont principalement de deux ordres, d’une part, l’accompagnement de différents discours instaurateurs déclarations d’intention, réflexions du créateur, prescriptions des galeristes, des commissaires, des critiques…, d’autre part, son discours sur l’œuvre a en lui-même une valeur de prescription et tend à se faire autoréférentiel. Les artistes, concernant leur œuvre, se doivent en effet d’établir le sens qui peut ou doit lui être donné. Par l’originalité du concept qu’il met en avant, l’artiste impose son nom sur le marché de l’art. La légitimation de l’œuvre d’art passe par son assignation à un auteur qui, dans le contexte du marché de l’art, s’accompagne mal du pluriel, sauf s’il s’agit bien entendu d’un duo – tel Pierre et Georges – qui fonde leur notoriété sur leur indistinction. La signature atteste l’unicité et l’authenticité de l’œuvre, proclame son individuation, sa subjectivité, la présence physique de l’auteur dans son œuvre qui engage sa postérité. Quand bien même, certains artistes s’insèrent dans une démarche réflexive en se réclamant, par exemple de pratiques collaboratives revendiquées comme telles, peu d’entre eux accèdent à la starisation qu’impose le marché de l’art concurrentiel. D’inévitables frustrations versus un sentiment d’enrichissement collectif Si les collaborations sont souvent sources d’enrichissement, elles génèrent aussi des désillusions qui peuvent prendre la forme de frustrations. Elles sont inévitablement un lieu de tensions, voire de conflits, un lieu où se confrontent les tutoiements et la convivialité avec l’égotisme autoritaire personnalisé par la présence de l’artiste. Si la coopération occasionnelle prend en effet aisément la forme d’un partage convivial, elle se transforme souvent avec l’apparition d’un sentiment d’instrumentalisation. Entre collaboration et prestation de service la confusion peut s’instaurer et s’accompagner d’un sentiment d’injustice. Chez les informaticiens le glissement s’opère souvent. Ils peuvent avoir l’impression de travailler un peu à égalité avec l’artiste et même considérer que l’œuvre n’aurait pu exister sans l’appareillage numérique qu’ils ont mis en place même s’ils sont conscients que celle-ci n’existerait pas non plus sans le concept qui l’a initiée. Les frustrations généralement non dites s’accompagnent d’un sentiment d’injustice refoulé qui peut naître de l’appropriation radicale de l’œuvre par l’artiste, alors même qu’il y a eu entière coopération, voire une délégation des taches, au cours de sa réalisation. Mais les tensions et les conflits se vivent en situation, seuls les souvenirs heureux, à l’exception de quelques rancœurs tenaces, demeurent et s’inscrivent dans la mémoire d’un engagement collectif. Le sentiment qui prévaut est celui d’avoir vécu un enrichissement par l’échange des idées, des compétences, la mise en commun des comportements et personnalités de chacun. Le transfert d’expériences et de références est souvent mentionné et ce sont parfois les incompétences des uns qui enrichissent les compétences des autres face à la nécessité de dépasser les obstacles. Une entraide mutuelle s’instaure. Les récits des moments d’amitié et d’entraide peuvent bien sûr, masquer les non-dits – l’appropriation a posteriori par les artistes de ce qui a été fait dans une fièvre commune, les sautes d’humeur et les propos humiliants, etc. Mais ce qui n’est pas dit ou juste évoqué en sourdine, tient moins au sacrilège qu’occasionnerait un effritement de la félicité de l’œuvre, qu’à une sorte de solidarité dans laquelle chacun s’est engagé et qu’il est impensable de ruiner dans sa charge symbolique. Si chacun préfère faire abstraction de ses récriminations, c’est parce que le récit d’une collaboration réussie grandit bien davantage que des propos mitigés assimilables à des mesquineries. Bouchet I., 2004, Parcours d’un duo et d’un collectif d’artistes », Plastik, 2004, n°4. Crédits images en CC Flaticon Freepik, geotatah, Virgile Novarina ESA/CNES, monkik, Eucalyp Coronavirus: évitons le tutoiement Eh bien cette bonne blague de 1 er avril n’en est plus une : « Le simple fait de parler propulse des micro-gouttelettes de salive, potentiellement chargées 1Le tatouage est le résultat d’une injection d’encre dans la peau produisant un motif indélébile et aussi, le plus souvent, le résultat d’une interaction entre un tatoueur et un tatoué. Les motivations qui président à cette modification corporelle permanente peuvent être esthétique, symbolique, identitaire, religieuse ou initiatique. Selon les époques et les endroits du monde, le sens conféré au tatouage varie. Le tatouage traditionnel japonais est négativement connoté car il servait de sanction aux criminels et mafieux Yakuza qui se sont appropriés cette pratique, devenue rite initiatique et symbole de fierté, pour se reconnaître. 2Le mot tatouage vient de tatau », frapper en polynésien le préfixe ta » signifie dessin inscrit dans la peau », et le mot atua », esprit. Traditionnellement réservé aux chefs et guerriers, le tatouage Polynésien a une origine divine tandis qu’en Orient et Occident, les religions du livre le condamnent. En 787, le Pape Adrien 1er interdit la pratique du tatouage et il faudra attendre que les voyageurs du XVIIIème, comme James Cook, les ramènent du bout du monde comme souvenir sur leur chair. Aujourd’hui présent dans les musées [1], les médias, sur le corps des célébrités, le tatouage touche de plus en plus de peaux et d’esprits Martin, 2016. 3Cette diffusion du tatouage entraîne l’essor d’un nouveau commerce. Le candidat au tatouage devient un client et le tatoueur un commerçant. Le montant de la transaction commerciale dont le tatouage est l’aboutissement peut varier selon les caractéristiques du dessin, des conditions de sa réalisation, de la réputation du tatoueur Rolle, 2012. 4Dans cette étude nous nous sommes intéressés aux particularités que présente le marché du tatouage comme consommation de l’art. De fait, une fois acheté, c’est-à-dire réalisé, le tatouage perd toute valeur pécuniaire. De plus, la relation client-commerçant construite autour du tatouage est tout à fait singulière c’est l’objet de la recherche ethnographique que nous avons menée dans cinq salons de tatouage franciliens. 5Pour mener cette enquête il nous a d’abord fallu justifier notre présence dans ces établissements réservés aux consommateurs de tatouage. La posture consistant à se présenter comme observateur fut peu concluante dans le premier salon car incomprise par les différents acteurs. Dans un autre salon nous avons souhaité interroger directement l’unique tatoueur au cours d’un entretien semi-directif sur son parcours, sa vision du tatouage, ses pratiques, sa clientèle, ses concurrents et collègues. Pour les trois autres salons nous avons profité de l’occasion d’accompagner des clients afin d’être au plus près d’une séance d’encrage. Nous avons ainsi adopté des méthodes de recherches qualitatives avec notamment la tenue d’un carnet de terrain contenant observations, descriptions, ébauches d’analyses et retranscriptions de paroles stratégies d’approches6Pour intégrer la communauté des tatoués, il faut trouver le professionnel qui aura la tâche d’encrer sa peau. Les demandeurs de tatouages utilisent différents critères de choix, comme la spécialisation du tatoueur, le prix, ou la renommée du salon. En effet, la norme est qu’un tatoueur, apprenti ou confirmé, exerce dans un lieu normalisé, déclaré en préfecture, et remplissant des conditions d’hygiène règlementaires. Ainsi, les prémices de la relation tatoueur-tatoué se font à l’entrée du l’organisation du salon. Répartition de l’espace7Nous avons pu systématiquement observer la présence d’au moins deux espaces, celui de l’accueil et celui de l’encrage, séparés par un comptoir permettant l’accueil des clients et l’exposition des books » [2]. Le comptoir est tenu par le propriétaire, un tatoueur, ou une personne embauchée spécifiquement, qui a le rôle essentiel d’assurer le premier contact avec le client. L’espace d’encrage est généralement dissimulé de la vue de tous pour respecter l’intimité des tatoués et la concentration des tatoueurs. Il comporte plusieurs postes de tatouage pour que plusieurs tatoueurs opèrent simultanément. Il peut exister un troisième espace, consacré à la rencontre entre le tatoueur et le futur tatoué qui négocient les modalités du projet. Les différents espaces sont pensés et décorés dans le but d’attirer le client, de le mettre à l’aise, mais aussi et surtout de donner une image à la fois professionnelle et montrer professionnels et rebelles8D’après Valérie Rolle 2013, les salons de tatouages choisissent leur décoration selon différentes logiques technicienne, propre et rangée en gage de sérieux ; créative, mettant en valeur les réalisations des tatoueurs ; anti-conventionnelle, mettant en exergue l’esprit rebelle de la pratique. Nos observations corroborent ces conclusions. L’un des salons observés, aux murs blancs et à la décoration épurée, affiche également les dessins des tatoueurs, suivant simultanément les logiques technicienne » et créatrice ». D’autres salons exposent des objets étranges, dignes d’un cabinet de curiosités. Les images provocantes et les motifs rebelles comme les têtes de morts, n’ont pas l’air d’étonner ou de mettre mal à l’aise les clients, puisque confirmant l’aspect rock n roll » du tatouage. La clientèle semblait néanmoins davantage diversifiée en termes d’âges et de catégorie sociale, dans un salon ayant adopté sobriété et neutralité ce que j’aime bien c’est que ça soit blanc épuré » témoignage tatoué. 9Les salons doivent faire attention à satisfaire tout le monde, ou du moins à ne heurter personne. Il apparaît important de donner aux clients à la fois une impression médicalisée » pour gagner leur confiance, tout en gardant l’aspect rebelle de l’expérience Rolle, 2013.Pour se vendre et vendre son artL’enjeu de la crédibilité10Dans le discours des employés des salons de tatouage, nous retrouvons la nécessité de faire figure d’expert » Rolle, 2013 en mettant en exergue la supposée incompétence des concurrents, dont on dit qu’ils font ce qu’ils ne devraient pas faire » comme des motifs impersonnels issus d’internet et qu’ils ne font pas ce qu’ils devraient » comme avoir des tatoueurs aux styles différents dans un même salon. 11Pour être respecté et respectable, l’un de nos tatoueurs souligne qu’un tatoueur doit être tatoué et de manière visible, sans quoi sa crédibilité sera mise en cause il sera soupçonné de n’avoir fait ni l’expérience de la douleur ni celle du regard social les gens devaient se dire ha c’est bizarre t’es tatoueur et t’as pas de tatouage’ » témoignage tatoueur. Par ailleurs, le tatoueur doit à la fois se montrer disponible pour accueillir des projets d’encrage élaborés, tout en montrant une activité importante, gage de qualité. Cet équilibre subtil entre disponibilité et non-disponibilité lui permet notamment de sélectionner sa clientèle en évitant par exemple de réaliser des street tattoo [3] ». En effet, les tatoueurs sont critiques d’une clientèle de non-sachants, consommant le tatouage par effet de mode sans en connaître la culture, l’histoire ou les implications C’est des gens qui ne connaissent rien au monde du tatouage, la plupart viennent sans projet et veulent juste avoir un tatouage, c’est juste un effet de mode » témoignage tatoueur.Véhiculer des valeurs de confiance voire de fidélité12Les échanges se mettent en place dès l’accueil, sur un ton amical et ponctué de plaisanteries, avec une automaticité du tutoiement. Un tatoueur nous explique que l’acte de tatouer est une pénétration dans l’intimité de la personne et que le projet du tatoué devient celui du tatoueur ce partage est matérialisé par le tutoiement. Nous avons constaté que les conversations dans les salons basculent souvent dans l’ordre de l’intime, soulignant la force du lien entre le tatoueur et son client et expliquant que certains clients reviennent régulièrement, jusqu’à développer une relation de fidélité. La confiance est ainsi au cœur de la relation tatoueur-tatoué, de la négociation du projet d’encrage à sa réalisation. Cette confiance devient une nécessité lorsque l’on considère l’asymétrie de la relation tatoueur-tatoué, l’un détenant soudainement un pouvoir sur le corps de l’autre Durão et Roman, 2001.Négociation et ritualité du tatouageLe projet de tatouage13Normes implicites interdits, refus, facteurs à prendre en compte 14Nous avons constaté l’existence de normes implicites, concernant notamment l’emplacement et la taille des tatouages, et plus particulièrement des premiers tatouages. Un tatoueur nous explique que les premiers tatouages devraient être cachés ». Un autre affirme qu’il est préférable que les premiers soient de petites pièces. D’une part, le tatoueur craint que le non-initié ne supporte pas la douleur les grosses pièces seront alors d’autant plus difficiles à terminer, comme nous avons pu le constater chez une de nos enquêtées ». D’autre part, le regard social qu’implique un tatouage visible peut déstabiliser lorsqu’il n’est pas anticipé certains tatoueurs sont réticents à endosser la responsabilité d’être les premiers à encrer une partie visible du corps. Enfin, la localisation des tatouages sur le corps apparaît tacitement réglementée certaines zones sont proscrites par les tatoueurs parties génitales, d’autres sont réservées » à une clientèle initiée » mains et crâne Les premiers tatouages devraient être cachés, ça devrait être comme ça, tu te fais pas tatouer direct sur le cou ou sur la tête. Après si tu vois que le mec a déjà plein de tatouages sur les bras et tout, ouais la tête ça peut être en continuité » témoignage tatoueur. 15Ces éléments confirment l’importance de la négociation des modalités d’encrage entre tatoueur et tatoué selon l’âge, l’appartenance socio-sexuelle et professionnelle Rolle, 2013 En principe je suis personne pour dire non, mais en fonction de l’âge, de ses antécédents dans le tatouage, est-ce qu’il en a déjà beaucoup ou pas du tout. Je pose souvent la question de leur travail, est-ce que ça va pas les gêner dans leur travail, il faut penser au regard des autres » témoignage tatoueur. 16D’après notre étude, d’autres facteurs sont également pris en compte comme la couleur, texture et apparence des et l’empreinte du tatoueur17La banalisation du tatouage fait apparaître des motifs-types, devenus des basiques ». Les tatoueurs critiquent ces anti-projets », qualifiés de copié-collétatoué », et renvoyés aux faux tatoueurs » Héas, 2013 mais aussi aux faux tatoués ». En effet, le tatouage conserve cet aspect de quête de marginalité et le risque de ces tatouages communs est de faire disparaître la convention tacite de refuser le conventionnel. Pour que les tatouages soient uniques, respectant ainsi les codes culturels et identitaires, les tatoueurs laissent leur empreinte dans la recherche d’originalité et le démarquage si c’est un truc que tu sors d’Internet on va vouloir te le modifier qu’il soit un peu plus original » témoignage tatoueur. Les books » permettent au client qui envisage un motif de se familiariser avec le style du tatoueur. 18Une fois le tatoueur choisi, un premier rendez-vous permet aux deux acteurs de parler du projet. C’est au rendez-vous suivant, celui de l’encrage, que le client découvre le dessin de ce que sera son futur tatouage, qui doit plaire au millimètre près le client doit exprimer exactement ce qui lui déplaît pour que le tatoueur puisse apporter les modifications nécessaires de l’emplacement, de la taille, ou du motif. 19Un tiers accompagne souvent le futur tatoué nous avons pu tenir ce rôle à trois reprises ; il donne son avis, aide le client à exprimer ses éventuels doutes et rassure. Le tatouage est donc le résultat d’une négociation entre le tatoueur, le client et un proche Lo Sardo, 2009.Implication de l’encrage. Gérer la posture et la douleur20Une fois les négociations terminées, le tatoueur positionne le stencil » [4] du tatouage sur la peau du client préalablement désinfectée et rasée si nécessaire. Tatoueur et tatoué doivent désormais négocier la posture qu’ils adopteront pendant l’encrage afin d’être confortables et d’éviter crampes ou gestes brusques. La douleur varie selon les individus, mais aussi selon les parties du corps. Le tatouage peut ainsi être considéré comme un acte masochiste où se côtoient douleur, plaisir, excitation et addiction Rioult, 2006 On les torture et ils aiment ça, et ils reviennent en plus » témoignage tatoueur. 21Si la douleur est trop intense, les réactions de la personne sont imprévisibles, dérangent et ralentissent le travail du tatoueur. Le tatoueur de l’une de nos observées qui gigotaient par souffrance l’avertit que son tatouage risquait de ne pas être symétrique si elle continuait. Des pauses permettent aux deux acteurs de se reconcentrer. Le tatoueur endosse ici de nombreuses responsabilités et un rôle d’apaisement du client pouvant faire émerger à leur relation intime un caractère thérapeutique Durão et Roman, 2001. à la fin, le tatoueur emballe le tatouage dans du papier cellophane que le tatoué devra enlever dans les heures qui suivront, et accompagne son client à l’accueil pour le faire régler et lui prescrire les soins à retouches et l’ancrage social quotidien22Un tatoueur nous explique que le tatouage représente l’intrusion d’un corps étranger dans la peau, et que l’encre aura tendance à dégorger dans les jours qui suivent l’encrage. Le client est ainsi amené à revenir pour faire les retouches nécessaires, incluses dans le prix. Ce service après-vente » renforce l’analogie avec une transaction commerciale. 23Le tatouage transforme d’abord le quotidien immédiat il faut hydrater régulièrement le tatouage pour permettre la cicatrisation Lo Sardo, 2009, qui provoque des démangeaisons qu’il faut contrôler. Le tatouage modifie ensuite le quotidien sur le long terme, il réajuste les choix vestimentaires à travers un jeu d’inhibition et d’exhibition selon le contexte social. Il transforme également les interactions sociales, à base de compliments ou de questionnements. Enfin, le tatouage est un rite de passage qui agrège l’individu à une nouvelle communauté Van Gennep, 1909 traduisant ainsi une volonté de devenir Autre » Je trouve vraiment que le fait d’être tatoué te fait appartenir à une autre communauté » témoignage tatoué. En outre, si le corps est l’interface entre soi et l’autre » Le Breton, 2010, le tatouer permet de se le réapproprier, de s’individualiser et d’influer sur l’image que peut avoir l’autre de soi Le Breton, 2006.Conclusion24Cette recherche ethnographique porte sur un échantillon limité et aurait gagné à être étendue à d’autres salons. Pour autant, il nous est apparu très vite difficile de justifier la présence d’observateurs dans un salon de tatouage on nous a, à plusieurs reprises, fait bien comprendre qu’il s’agissait d’une intrusion. Nous avons eu l’occasion de nous placer dans la position d’accompagnateur, plutôt que dans celle d’observateur. Ceci nous a permis d’approcher au plus près de la relation tatoueur-tatoué, et de mieux en saisir certaines spécificités qui nous auraient autrement échappé. Il résulte ainsi de cette recherche que la confiance est au cœur de la relation tatoueur-tatoué et permet la mise en place de négociations de l’ordre de l’intime chaque séance d’encrage laisse une trace dans le corps du tatoué, mais aussi dans celui du tatoueur. » Rolle, 2013 p. 97. lRemerciementsÀ Léo Tillard pour sa participation à cette étude, Marie Rose Moro pour m’avoir offert l’opportunité de publier ce travail, à Laelia Benoit pour ses conseils et encouragements. Notes [1] Exposition tatoueurs-tatoués » au musée du quai Branly Jacques Chirac en 2014-2015. [2] Les books sont des albums photos qui renferment les réalisations des tatoueurs. [3] Petites pièces faciles et impersonnelles sans délai de réalisation. [4] Pochoir en anglais, c’est un calque qui permet de transposer le dessin sur la peau afin que le tatoueur suive ces lignes au cours de l’encrage. letutoiement dans une thérapie dans "Je" et mon analyse Le Forum de la psychanalyse et du développement de soi. Ecoute et conseils gratuits, orientations par des psys et thérapeutes pro. Résumé du document Dans le cadre de mon travail de recherche, j'ai choisi de m'intéresser au thème de la distance et de la proximité dans la relation d'aide. Pour cela, j'ai souhaité m'interroger plus particulièrement, aux enjeux du tutoiement et du vouvoiement dans la pratique professionnelle des travailleurs sociaux accompagnant des personnes handicapées mentales adultes. Tout d'abord, je présenterai la genèse de mon objet de recherche exploratoire en m'attachant à dégager progressivement des interrogations personnelles. Puis, j'énoncerai les modalités de mise en œuvre de ma recherche en présentant quelques indications méthodologiques. J'ai effectué mon stage de deuxième année de formation d'assistante de service social dans un centre d'hébergement accueillant des personnes handicapées mentales adultes. Le stage s'est déroulé conjointement au sein du service social de l'établissement et au sein de l'équipe éducative du foyer-appartement. Celui-ci accueille huit femmes âgées de vingt à soixante ans présentant une déficience intellectuelle légère ou moyenne. L'accompagnement des résidentes m'a conduite à m'interroger sur mon positionnement professionnel. En effet, le quotidien entraîne une certaine proximité et la question de l'usage du tutoiement ou du vouvoiement vint à se poser. En ce qui me concernait, le vouvoiement était de rigueur en début de stage et s'imposait naturellement avec les résidentes. En effet, il semblait en quelque sorte évident » d'utiliser le vouvoiement comme lorsqu'on rencontre une personne pour la première fois, en dehors même de toute relation professionnelle. Mais, ce vouvoiement traduisait aussi, il me semble, une certaine défense qui permettait de me protéger de la personne, de son intrusion par la parole, de son handicap… Ne dit-on pas l'inconnu fait peur » ? Si le vouvoiement s'imposait en début de stage, je me suis surprise les derniers mois à utiliser cette marque de familiarité qu'est le tutoiement, que j'essayais souvent en vain de rectifier, car le quotidien avait pris le dessus. Pour autant, le tutoiement exprime-t-il inévitablement de la familiarité ? Apparaît-il uniquement au cours de l'accompagnement éducatif ? Sommaire De l'importance de considérer l'usage du tutoiement et du vouvoiement dans la relation d'aide Les enjeux de la communication dans la relation d'aide Evolution historique des usages du tutoiement et du vouvoiement dans la langue française Une pratique du tutoiement et du vouvoiement contrainte par un environnement personnel et institutionnel Un environnement personnel déterminant Un environnement institutionnel contraignant Tutoyer ou vouvoyer des enjeux spécifiques au public des personnes handicapées mentales adultes La dimension relationnelle au fondement de la pratique du tutoiement et du vouvoiement De l'objet exploratoire à l'objet de recherche le tutoiement et le vouvoiement comme marqueur de la professionnalité Extraits [...] Une grille d'entretien serait constituée afin de recueillir ce qu'expriment les travailleurs sociaux dans ces groupes au sujet des usages du tutoiement et du vouvoiement dans la construction d'un positionnement professionnel. Je souhaiterai également interroger des personnes handicapées mentales adultes sur le principe des entretiens semi-directifs. La grille d'entretien devra tenir compte des difficultés d'expression et de représentation que peuvent posséder les personnes interrogées. Pour cela, elle pourra être construite à l'aide des professionnels qui les accompagnent afin de ne pas induire les réponses. [...] [...] Lorsque certains professionnels hésitent entre le tutoiement et le vouvoiement, ils adoptent certaines astuces. En effet, il existe trois stratégies discursives qui permettent de dire ni tu ni vous comme l'explique Madame C [ ] j'ai remarqué, on biaise. On dit ça va ? par exemple, au lieu de dire vous allez bien ? [ ] On peut aussi utiliser le on On se promène un peu par ce beau temps ? ou retirer le verbe encore un peu de café ? [...] [...] Ils rentrent également en jeu dans la manière de définir la relation, deuxième visée de la communication, notamment en terme de distance. En effet, le tu et le vous sont porteurs de sens bien différent et n'ont pas toujours signifiés les mêmes rapports entre deux personnes. L'évolution historique permettra de mettre en évidence les modifications des usages des pronoms d'adresse en France. Chapitre 2 Évolution historique des usages du tutoiement et du vouvoiement dans la langue française Le tutoiement et le vouvoiement ne sont pas seulement des façons de s'exprimer. [...] [...] Alors, quelles sont les caractéristiques de la relation d'aide dans le cadre professionnel ici étudié ? La relation d'aide met en présence deux personnes à des places non équivalentes l'un a la place d'aidé et l'autre d'aidant Les rôles sont donc bien distincts et non-interchangeables. La relation d'aide telle que nous la définissons est donc une relation asymétrique, ce qui signifie que les places de l'un et de l'autre sont différenciées. L'aidant a une certaine supériorité sur la personne aidée car il est dans une position de savoir et de pouvoir d'action capacité à mobiliser des dispositifs Mais, la personne qui aide est celle qui apporte son concours, qui joint ses efforts à ceux de l'autre. [...] [...] Madame B est conseillère en éducation sociale et familiale[5] dans une association qui accompagne des personnes déficientes intellectuelles dans des appartements autonomes. Madame C est assistante de service social dans un Établissement et Service d'Aide par le Travail ESAT. Madame D est assistante de service social dans le même ESAT que Madame C. Madame D est plus âgée et est plus ancienne dans l'établissement. Madame E est assistante de service social dans une association qui accompagne des personnes Infirmes Moteurs Cérébrales IMC. [...]
Dautre part, même dans les langues où la distinction entre le tutoiement et la forme de politesse existe (par exemple l'italien, mais aussi le grec, où la notion de vouvoiement fonctionne exactement sur le même mode grammatical que le notre), ces deux notions ne sont pas forcément aussi hermétiquement séparées qu'en France (car au

1Cette séquence sur les Fleurs du Mal de Baudelaire a été réalisée parChristian FERRE, agrégé de lettres modernes, pour ses élèves de 1èreL duLycée Mistral à correspond à un travail effectué en début d’année et présente unapprentissage progressif de la lecture analytique et du commentairelittéraire Baudelaire Les Fleurs du MalProblématique Comment l'évocation de la femme dans Les Fleurs du Mal révèle-t-elledes aspects essentiels du lyrisme de Baudelaire, notamment de son déchirement entre le spleen » et l' Idéal »?ObjectifsHistoire littéraire. Genres et registres- Définir la poésie lyrique et approfondir l'étude du registre lyrique- Découvrir la singularité du lyrisme de Baudelaire à travers l'évocation de la femme dans lesFleurs du mal- Étudier l'architecture d'un recueil/livre de poèmes. Situer une oeuvre dans son Mener l'étude d'un poème lyrique à l'aide des outils d'analyse appropriés- Consolider les savoirs techniques, versification et rhétorique figures de style, pour lesmettre au service de la construction du sens ;- Consolider la méthodologie de la lecture analytique et du Formative rédiger la présentation de Parfum exotique »• Sommative devoir type Bac preparation- Rédaction d'une réponse à une question portant sur un corpus de poèmes 1h La chevelure », Les Fleurs du mal Le serpent qui danse », Les Fleurs du mal Un hémisphère dans une chevelure », Le Spleen de Paris- Rédaction de l'introduction et d'un axe du commentaire du Serpent qui danse » l'éloge dela femme. Devoir sur table 2h.Durée 16 heures.

Letutoiement Il est généralement admis que l’on tutoie les personnes auxquelles on est uni par des liens étroits de parenté, d’amitié ou de camaraderie. Le «tu» est donc employé NICOLAS OPPENCHAIM Observatoire du Samusocial de Paris Laboratoire LVMT Paris Est Sociologie Résumé . L’objectif de cet article est de présenter un exemple de participation active des adolescents à une recherche de sociologie sur leurs mobilités urbaines. Dans le cadre de cette recherche menée dans des établissements scolaires, les adolescents ont ainsi réalisé des questionnaires de sociologie qu’ils ont distribués à d’autres jeunes. Ils ont également pris des photographies et écrit des textes sur leurs mobilités, avant d’être interrogés individuellement sur ce thème par le chercheur. Cette méthode a pour premier avantage de favoriser le consentement éclairé des adolescents en leur faisant comprendre les implications de leur participation à une recherche. Elle permet également de créer une relation de confiance avec les adolescents et de stimuler leur réflexivité afin de les associer à l’élaboration de la recherche. Introduction Est-ce que prendre les adolescents comme objet d’étude suppose l’utilisation de méthodes de recherche différentes de celles utilisées pour les adultes ? Quelles sont les méthodes permettant de concilier rigueur scientifique et préoccupations déontologiques dans l’étude de cette population ? Ces questions ont été beaucoup plus abordées dans la littérature sociologique anglophone que dans celle en langue française Danic et al, 2006. Or, elles se sont révélées centrales dans le cadre de la recherche que j’ai menée sur les mobilités quotidiennes des adolescents de zones urbaines sensibles ZUS. Cette recherche avait pour point de départ l’idée que la mobilité constitue une étape importante de la socialisation des adolescents, car elle est le support du passage du monde familier au domaine public Breviglieri, 2007. Elle permettait ainsi d’enrichir les approches statiques de la ségrégation, en ne résumant pas l’inscription urbaine des adolescents de ZUS à leur localisation résidentielle et en prenant en compte les interactions qu’ils ont avec des citadins d’une autre origine géographique et sociale durant leurs mobilités Oppenchaim, 2009. Lors de cette recherche, j’ai alors été confronté à un certain nombre de difficultés méthodologiques et déontologiques, inextricablement liées comment un enquêteur adulte peut-il accéder aux pratiques de mobilité des adolescents, qui sont un moment privilégié de l’entre-soi adolescent ? Comment recueillir et utiliser pour un travail académique des informations sur ces pratiques en s’assurant que les adolescents comprennent ce qu’implique leur participation à la recherche ? Ces différentes difficultés m’ont conduit à développer une méthodologie inédite dont le but était de favoriser la participation active des adolescents dans la recherche. J’ai ainsi mis en place des projets dans des établissements scolaires, combinant initiation des adolescents à la sociologie, réalisation de textes et de photographies sur leurs mobilités ainsi que des entretiens individuels semi-directifs. Afin de mieux comprendre la démarche méthodologique que j’ai suivie, je procéderai en trois temps. Je développerai tout d’abord les problèmes que soulève l’étude des pratiques de mobilité des adolescents. Puis, je montrerai en quoi la participation active des adolescents dans la recherche permet de résoudre en partie ces problèmes, avant d’exposer comment j’ai concrètement favorisé cette participation. Quels problèmes déontologiques et méthodologiques soulève l’étude des pratiques de mobilité des adolescents ? La première difficulté méthodologique spécifique à laquelle est confronté un chercheur adulte travaillant sur les adolescents est de mener une recherche malgré la distance générationnelle qui existe entre lui et les enquêtés. En effet, les adolescents se situent dans une période de remise en cause du contrôle des adultes sur leurs pratiques et d’affranchissement vis-à-vis de la tutelle des institutions en charge de leur encadrement Zaffran, 2010. Paradoxalement, la mise en relation du chercheur avec les enquêtés passe néanmoins majoritairement par ces institutions école, centres sociaux, associations d’aide aux devoirs…, car les adolescents y passent une grande partie de leurs temps et que la présence d’adultes y est tolérée. Ce passage par les institutions ne concerne pas seulement les chercheurs s’intéressant aux pratiques des adolescents dans ces lieux, mais également ceux qui travaillent sur les pratiques se déroulant en dehors des cadres institutionnels. En effet, ces pratiques, comme les mobilités, constituent des moments privilégiés de l’entre-soi adolescent. Cela rend alors difficile la présence prolongée d’un enquêteur adulte auprès des adolescents lorsqu’ils réalisent ces activités. Le chercheur peut certes prendre comme terrain d’observation les lieux non institutionnels dans lesquels les adolescents se rendent durant leur temps libre, comme les centres commerciaux Kokoreff, 1998. Néanmoins, les entretiens avec les adolescents constituent la source d’accès à ces pratiques la plus souvent utilisée. L’étude des pratiques extra-institutionnelles des adolescents est alors marquée par ce paradoxe les institutions constituent une voie d’entrée privilégiée, voire unique, pour le chercheur, alors même que les adolescents souhaitent s’émanciper de la tutelle de ces institutions et éprouvent, pour certains, une relative méfiance à leur égard. Cette médiation par les institutions doit alors impérativement être intégrée à l’analyse des résultats obtenus. Elle n’est en effet pas sans influence sur la relation d’enquête entre des adolescents et un enquêteur adulte, plus ou moins assimilé à l’institution par laquelle il est entré en contact avec eux. L’enquêteur ne peut alors totalement s’émanciper des relations asymétriques, notamment en terme de pouvoir et d’autorité, qui structurent la relation de l’adolescent à cette institution. De même, cette médiation influence le profil des adolescents auxquels l’enquêteur accède. L’institution par laquelle le chercheur entre en relation avec les adolescents peut ainsi être en charge d’un public spécifique. Le choix des adolescents retenus pour l’enquête peut être également fortement orienté par les personnels institutionnels assurant l’interface avec le chercheur Sime, 2008. Le passage par des institutions pour accéder aux adolescents enquêtés pose donc un certain nombre de problèmes méthodologiques. Mais il soulève également des considérations éthiques, notamment en ce qui concerne le consentement éclairé à participer à la recherche. Par exemple, lorsque la mise en contact du chercheur avec les adolescents se fait par l’intermédiaire de l’institution scolaire, il peut exister une confusion aux yeux des adolescents entre la recherche proprement dite et les activités scolaires habituelles. La participation à la recherche pouvant alors être perçue comme obligatoire, l’adolescent risque de ne pas oser refuser la proposition. Ce problème du consentement éclairé ne concerne pas que les enquêtés mineurs Vassy et Keller, 2008, mais il se pose de manière spécifique pour les adolescents pour trois raisons Morrow, 2008. Ils bénéficient tout d’abord d’un statut juridique particulier, rendant nécessaire au niveau légal l’obtention d’une signature de leurs tuteurs adultes. Le simple accord des enquêtés mineurs n’est ainsi pas nécessairement suffisant pour couvrir le chercheur au niveau légal. D’autre part, les adolescents forment un groupe social plus vulnérable que les adultes. Au niveau individuel, ils peuvent se voir imposés lors de leurs interactions avec le chercheur les schémas d’interprétation de celui-ci, par manque d’habitude de ces situations. Au niveau collectif, ils ne possèdent pas de représentants dans la communauté adulte leur permettant de discuter les résultats tirés à leur égard ou de s’assurer que leur parole n’a pas été travestie ou retranscrite partiellement. Enfin, le consentement des adolescents à participer à la recherche peut être influencé par différents biais, comme par exemple la confusion évoquée précédemment entre activités obligatoires et activités de recherche lorsque celle-ci a lieu dans un cadre institutionnel. La vulnérabilité potentielle des adolescents nécessite donc des précautions déontologiques, afin de s’assurer que les enquêtés comprennent les implications de leur participation à une recherche sociologique. Elle ne doit cependant pas conduire à ne pas investiguer cette population. Les considérations exposées précédemment sont ainsi assez analogues aux réflexions qui ont pu être menées dans le cadre d’enquêtes avec des groupes sociaux adultes vulnérables, comme les sans-domicile Firdion et al, 1995. Les trois grandes justifications avancées lors de la mise en place du programme de recherche de l’INED sur cette population peuvent ainsi être transposées au cas des adolescents. Au niveau scientifique, ne pas mener d’enquête auprès d’adolescents reviendrait à se contenter du regard porté par les adultes sur leurs pratiques. Le chercheur n’accéderait pas à leur point de vue, mais à celui des institutions qui en sont en charge. Au niveau démocratique, ne pas enquêter sur les adolescents reviendrait à ne pas leur donner de statut de personne, à supposer une discontinuité entre leur monde et celui des adultes et donc à les exclure symboliquement de la société. Enfin, au niveau humain, les adolescents ne doivent pas être considérés uniquement sous l’angle de leur vulnérabilité. Ils peuvent ainsi avoir conscience de la forme de don/contre don impliqué par une situation d’enquête Skelton, 2008. De même, ils peuvent avoir du plaisir à livrer leur point de vue à un adulte et à réfléchir sur leurs pratiques. Au final, le positionnement éthique du chercheur est fortement influencé par le regard général qu’il porte sur l’enfance et l’adolescence Morrow, ibid. Si l’adolescent est considéré uniquement sous l’angle de sa vulnérabilité, il n’est pas perçu comme compétent pour déterminer l’influence, positive ou négative, qu’aura pour lui la participation à une recherche. Au niveau déontologique, l’important pour le chercheur est alors d’obtenir une autorisation d’enquêter de la part des parents ou des institutions en charge de ces adolescents. D’autres chercheurs postulent au contraire que les mineurs possèdent les compétences pour comprendre les tenants et aboutissants d’une recherche et peuvent donc accepter ou refuser d’eux-mêmes leur participation Masson, 2004 ; Skelton, ibid. Si le chercheur doit s’assurer au maximum qu’ils comprennent les conséquences de cette participation à court, moyen et long terme, le consentement des adolescents prime sur celui de leurs parents ou des institutions qui en ont la charge. Le chercheur ne peut donc se contenter de l’autorisation écrite des parents ou des personnels institutionnels. Au contraire, il doit faire primer le droit des enfants à s’exprimer plutôt que sa propre protection juridique vis-à-vis d’autres adultes. Par exemple, lorsque les adolescents sont en mesure de comprendre l’impact de l’enquête sur leur vie, il est parfois plus éthique d’agir en fonction du souhait de l’adolescent de donner son point de vue plutôt que de solliciter l’accord de parents qui pourraient s’y opposer Where the child consents to participate the parent’s consent is not required … where children can understand enough to distinguish research from other interventions and to understand the impact on them on participating, it may be more ethical to act on their consent than to require the fully informed consent of a parent. Such an approach gives children the maximum opportunity to have their views and experiences recorded and avoid the risk of exclusion of children whose parents would not respond to a request or would wish to control whom their child speaks to » Masson, ibid. Cette position est en adéquation avec la Convention de 1989 de l’Organisation des Nations Unies sur les droits de l’enfant, dont les articles 12 et 13 mettent en avant non seulement le droit de regard des enfants sur ce qui les concerne, mais également celui d’exprimer leur point de vue s’ils le désirent Bell, 2008. Cette position commence peu à peu à se diffuser dans le champ des études françaises Danic et al, 2006. Elle est beaucoup plus répandue parmi les recherches anglo-saxonnes sur les pratiques sociales des adolescents, notamment celles qui sont publiées dans la revue Children’s Geography et/ou celles qui s’inspirent de la Participatory Action Research » Hart, 1992. Dans cette méthode participative, les enquêtés participent activement au processus de recherche, ils identifient avec le chercheur les problèmes de leur communauté, ils choisissent les outils permettant de mieux comprendre ces problèmes et ils trouvent ensemble des solutions pour changer leur situation. Nous avons donc vu que prendre les adolescents comme objet de recherche posait un certain nombre de problèmes méthodologiques comment accéder aux pratiques qui se déroulent en dehors des cadres institutionnels et déontologiques comment faire comprendre aux adolescents ce que signifie de participer à une recherche, afin qu’ils puissent consentir, ou non, à y participer. Nous allons maintenant voir que la participation active des adolescents à la recherche permet de résoudre en partie ces différents problèmes. Quels sont les intérêts d’une participation active des adolescents à la recherche ? Les ouvrages ou revues de langue anglaise cités précédemment contiennent de nombreuses pistes permettant de favoriser le consentement éclairé des adolescents. La principale innovation méthodologique proposée est alors d’encourager la participation active des adolescents enquêtés dans la recherche. Cette participation est plus ou moins importante selon les recherches Hart, ibid. Dans sa forme la plus simple, elle passe par exemple par la prise de photographies, la réalisation de cartes mentales ou la rédaction de textes par les enquêtés. La participation est plus importante lorsqu’un chercheur définit un thème général de recherche avant de commencer son enquête, mais qu’il implique ensuite les adolescents dans la construction des questions de recherche Fine et al, 2003, qu’ils les laissent juges du choix de la méthode la plus adéquate à l’expression de leur point de vue Skelton, ibid ou qu’il les forme au recueil de données auprès d’autres jeunes Alderson, 1995. Plus largement, des adolescents peuvent également participer à la définition des objectifs de la recherche en cours et faire partie de son comité de pilotage Hart, ibid alors que certains chercheurs défendent même l’idée d’une participation d’adolescents aux comités d’éthique des universités à chaque évaluation de projet incluant des enquêtés mineurs Sime, ibid. Cette participation active des adolescents comporte de nombreux avantages éthiques et scientifiques. La prise de photographies permet ainsi par exemple tout d’abord d’obtenir des informations sur des pratiques et des lieux non accessibles à un enquêteur adulte. Elle offre également l’avantage d’intégrer à la recherche des adolescents éprouvant des difficultés de verbalisation. Cette participation comporte aussi un aspect ludique, permettant d’entraîner l’adhésion d’adolescents ne souhaitant initialement pas se prêter au jeu de l’entretien ou de l’observation. Mais elle offre également d’autres avantages, notamment celui d’infléchir les problématiques de recherche du sociologue tout au long de l’enquête en y intégrant les capacités réflexives des adolescents Sime, ibid. Les adolescents ne sont en effet pas des idiots culturels », sans aucun regard réflexif sur leurs pratiques Garfinkel, 1967. Cette participation active favorise également la compréhension des adolescents sur les enjeux éthiques d’une enquête sociologique, et éclaire en conséquence leur consentement à participer à la recherche. Dans le champ français, ces méthodes de participation active des adolescents à la recherche ont été, à ma connaissance, mises en œuvre dans peu de travaux Dubet et Martucelli, 1996 ; Lepoutre, 2005. Ces travaux mettent en évidence d’autres avantages de cette participation que ceux énoncés précédemment. Ils montrent tout d’abord comment il est possible d’articuler objectifs pédagogiques et production de connaissances scientifiques dans le cadre de projets menés dans des établissements scolaires Lepoutre, ibid. La recherche ne conduit alors pas seulement à la reconnaissance du travail du chercheur par ses pairs, mais donne également naissance à un objet tangible un livre, une exposition… auquel les adolescents sont fiers d’avoir collaboré. Cela libère quelque part le chercheur de l’examen de conscience sur l’utilité de sa recherche pour les adolescents ayant accepté d’y participer. Ces travaux montrent également qu’il est nécessaire de laisser une place dans la recherche à la réflexivité des adolescents sur leurs pratiques. Le chercheur peut ainsi leur soumettre les interprétations qu’il a tirées à leur égard, afin d’en améliorer la pertinence Dubet et Martucelli, ibid. La participation des adolescents à la recherche favorise ainsi, entre autres, leur consentement éclairé, elle permet l’accès à des pratiques peu accessibles à un enquêteur adulte, elle peut entraîner l’adhésion de jeunes ne souhaitant pas initialement répondre à des questions, elle évite de recueillir des discours trop formatés par les propos que les adolescents ont l’habitude de tenir aux adultes… Une dernière considération générale explique l’intérêt que j’ai porté à ces méthodes. Elles sont en adéquation avec ma perspective théorique sur la mobilité des adolescents de ZUS. Dans leurs déplacements, ces adolescents sont confrontés à des situations problématiques, notamment dans leurs interactions avec des citadins dont ils ne sont pas familiers. Ces épreuves, même les plus minimes, peuvent alors conduire à un retour réflexif de l’adolescent sur ses habitudes d’action et à leur modification. Le retour des adolescents durant des entretiens sur les épreuves qu’ils ont rencontrées dans leur mobilité n’est alors possible que s’ils adoptent sur leurs pratiques un regard réflexif, ce qui est un des intérêts de leur implication active dans la recherche. Pour conclure cette partie, soulignons que l’ensemble des considérations déontologiques soulevées jusqu’à présent ne sont pas totalement spécifiques aux adolescents. Tout chercheur qui étudie dans la durée un monde social est confronté à un moment ou un autre à ces considérations, notamment lorsqu’il travaille sur un monde social dominé Lepoutre, ibid. N’est-il pas en train de trahir la confiance des enquêtés ? Ne profite-il pas de leur confiance à des seuls fins de promotion académique, alors que le sort des enquêtés ne sera pas modifié par cette recherche ? Les enquêtés ont-ils conscience qu’une partie de leurs pratiques, même anonymisées, risquent d’être portées sur la place publique ? Comment déterminer les pratiques qu’il convient de révéler ou au contraire de laisser dans l’ombre pour ne pas nuire aux enquêtés ? Là aussi, la compréhension par les enquêtés de l’implication de leur participation à la recherche est essentielle et elle ne peut pas se limiter à la signature d’un formulaire de consentement à participer. Les méthodes visant à favoriser la participation active des enquêtés afin de résoudre, en partie, ces problèmes déontologiques n’ont d’ailleurs pas seulement été mises en œuvre avec des mineurs. Citons par exemple, dans une perspective théorique proche de la mienne sur la mobilité, le projet qu’I. Joseph menait sur la ligne de métro 2 à Paris. Celui-ci souhaitait substituer à l’observation participante traditionnelle une ethnographie participative » avec des itinéraires commentés d’usagers du métro, des auto-confrontations entre citadins ayant des conflits d’usage ainsi que des forums hybrides composés de gestionnaires et d’usagers Tonnelat, Jolé et Kornblum, 2007. Des projets autour de la mobilité menés dans huit établissements scolaires Avant de présenter plus en détail les projets que j’ai menés dans des établissements scolaires, il convient de rappeler qu’ils ont suivi chronologiquement une ethnographie d’un an avec de jeunes garçons 13-18 ans fréquentant la maison de quartier d’une ZUS de grande couronne. J’y ai été confronté aux difficultés habituelles rencontrées par un ethnographe dans son travail de terrain avec des populations défavorisées. Il m’a fallu ainsi, classiquement, faire avec la distance sociale qui me séparait des jeunes afin d’acquérir un savoir être avec » les adolescents. Cette distance sociale était également redoublée par une distance générationnelle avec les adolescents, qui ne me percevaient ni comme un animateur, ni comme un chercheur, mais me situaient quelque part entre ces deux professions. La présence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, l’accompagnement de sorties, la réalisation de vingt entretiens ethnographiques m’ont alors permis de recueillir un riche matériau d’information sur les pratiques de mobilité des adolescents du quartier. Elle m’a aidé d’une part à mieux comprendre les interdépendances entre ancrage résidentiel et pratiques de mobilité des adolescents, mais également qu’une des principales épreuves que ces derniers affrontaient dans leurs mobilités était la confrontation aux autres citadins en raison du triple stigmate sociale, ethnique et générationnelle dont ils se sentent porteurs Oppenchaim, 2011. Je ressentais cependant une insatisfaction éthique durant cette ethnographie. En effet, si la plupart des jeunes acceptaient de me faire partager en partie leur quotidien et de répondre à mes questions, cela était le plus souvent beaucoup plus dû à une sympathie à mon égard qu’à une réelle compréhension des enjeux et intérêt de mon travail de recherche. Très peu d’adolescents comprenaient l’intérêt de se pencher sur leurs pratiques de mobilité, la plupart y voyant malgré leur sympathie une manière détournée des institutions de contrôler leurs moments de liberté hors du cadre des différentes institutions dans lesquelles ils sont insérés école, travail social, police….. Cette absence de compréhension me questionnait alors sur le sens de la démarche sociologique, notamment savoir pour qui on écrit et dans quel but ? » Lepoutre, ibid. Cette question se pose généralement au moment de la restitution de la recherche et du recueil de gains symboliques de la part de l’enquêteur. Elle ne cessait cependant de me tarauder au moment de l’enquête, ayant l’impression de recevoir des histoires de vie singulière de la part de ces jeunes, sans rien leur apporter en retour. C’est alors cette insatisfaction qui a nourri mon intérêt pour les méthodes favorisant l’implication active des adolescents dans la recherche. Ces méthodes me semblaient d’autant plus intéressantes que certains adolescents de la maison de quartier développaient une vraie réflexion sur leurs pratiques de mobilité. Un d’entre eux m’expliqua ainsi un jour qu’il avait plus tendance à fréquenter Châtelet que les Champs Elysées, car malgré la présence massive de policiers il y était beaucoup moins contrôlé. Interrogé sur les raisons de ces contrôles plus nombreux aux Champs-Elysées, il les expliqua par la présence plus importante de touristes, définissant au contraire Châtelet comme un lieu de passage où la présence des jeunes était plus tolérée. Or malgré tous mes efforts, il m’a été impossible dans le cadre de mon ethnographie de mettre en œuvre ces méthodes. Cela était sans doute dû à la spécificité de mon terrain d’étude, une maison de quartier considérée par les jeunes essentiellement comme un lieu de loisirs et de retrouvailles à l’écart des regards des personnes plus âgés du quartier. J’ai ainsi proposé à certains jeunes avec lesquels j’avais déjà réalisé un entretien classique de prendre des photographies durant leurs déplacements puis de les commenter. La plupart me déclaraient cependant avoir la flemme » et que cela leur rappelait trop le cadre scolaire. Cette difficulté à mettre en œuvre ces méthodes était également renforcée par le turn-over des jeunes fréquentant la maison de quartier, qui pour certains ne venaient que pour une heure ou de manière espacée dans le temps. J’ai alors complété cette ethnographie par des projets menés dans huit établissements scolaires quatre classes de troisième, deux secondes professionnelles BEP vente et deux secondes générales. Ces projets articulaient trois dimensions d’une part, une initiation des élèves à la sociologie, sous la forme de la réalisation et de la passation d’un questionnaire à d’autres adolescents ; d’autre part la réalisation de textes et de photographies autour de leur mobilité ; enfin quatre-vingt quinze entretiens semi-directifs d’une heure, réalisés après l’initiation à la sociologie et donnant lieu dans la majorité des cas à une restitution collective de mon enquête devant l’ensemble des élèves. Mener une recherche dans des établissements scolaires suppose tout d’abord de nouer une relation de confiance à la fois avec les élèves et avec les professeurs. La construction de cette relation dans le cadre scolaire ne va pas de soi, car un nombre important des adolescents de ZUS entretient un rapport conflictuel avec l’institution scolaire. Le principal biais que je devais éviter était d’être considéré par les élèves comme un professeur, ou du moins d’être assimilé à l’institution scolaire. Chaque prise de contact avec les élèves comprenait ainsi une présentation de la sociologie et de ma démarche de recherche, en précisant bien que je n’appartenais pas institutionnellement à l’établissement. J’ai alors cherché à casser le cadre scolaire de différentes manières en évacuant l’attente de la note c’était à chaque fois une des premières questions qui étaient posées par les élèves ou par la possibilité de tutoiement et d’appellation par le prénom de manière réciproque. Le fait d’être un jeune chercheur ne partageant pas totalement les codes vestimentaires et de langage des professeurs a sans doute également participé à casser ce cadre scolaire tu n’as pas la voix clean comme un prof » me confia ainsi un jour un jeune lors d’un entretien. La familiarisation antérieure avec les codes, notamment de langage, des adolescents de ZUS lors de mon ethnographie m’a aussi sans doute aidé à ne pas être perçu comme appartenant à l’institution scolaire. Casser ce cadre scolaire avait pour principal but de renforcer l’idée d’égalité dans la construction de la recherche, les élèves m’apportant autant que je pouvais leur apporter, en particulier un projet allant à l’encontre de la routine scolaire. J’étais ainsi sans doute pour les élèves un objet aussi étrange que j’avais pu l’être pour les adolescents de la maison de quartier un intervenant extérieur qui n’est pas un professeur et n’en partage pas totalement les codes. Je ne dis pas que les élèves ne peuvent se confier aux professeurs, mais ne pas être identifié à une figure d’autorité m’a semblé faciliter l’implication des élèves. Il convient néanmoins de ne pas être naïf comme nous le verrons ultérieurement, l’implication plus ou moins importante de certains élèves dans le processus de recherche, notamment dans l’élaboration de questionnaires, a pu être motivée en partie par la pression de leurs professeurs. Cette mise entre parenthèses temporaire du cadre scolaire lors de mes interventions était tolérée par les professeurs d’Histoire-géographie, de Français, de Vente ou d’Arts Plastiques qui avaient accepté de travailler avec moi. Ces derniers devaient combiner les intérêts de recherche du sociologue, l’adhésion des élèves, ainsi que leurs propres objectifs pédagogiques. Il s’agissait généralement, même si cela est difficilement quantifiable, de professeurs dynamiques, atypiques pour certains, mais qui partageaient un bon relationnel avec les élèves. Au final, sans être totalement assimilé par les adolescents à l’institution scolaire, j’ai donc pu bénéficier des avantages que peut apporter un cadre scolaire par rapport à celui de la maison de quartier, notamment pouvoir mener des projets dans la durée en y impliquant activement les adolescents. Rappelons néanmoins qu’il existe des degrés dans la participation des adolescents dans la recherche. Celle-ci peut aller de l’information des enquêtés sur les objectifs et les conséquences de l’enquête au choix par les adolescents du sujet à investiguer Hart, ibid. Or, les élèves n’ont pas participé directement au choix du thème général de ma recherche ou à celui des outils, même s’ils disposaient d’une grande marge dans les modalités concrètes d’utilisation de ces outils thèmes à investiguer dans le questionnaire, liberté dans la forme d’écriture des textes, rendu des résultats sous la forme d’une exposition ou d’un blog. Sur l’échelle de participation des enfants à la recherche élaborée par R. Hart 1992 8, je me situe donc au sixième échelon sur huit le chercheur décide du thème général, mais discute avec les enfants des meilleurs moyens de la mener. L’imposition d’un thème général et la réalisation d’entretiens classiques à la fin des projets m’a cependant sans doute permis de ne pas être perçu par certains adolescents comme un simple animateur, ce qui a pu renforcer leur sérieux et leur implication dans les projets. La première dimension de ces projets a été la réalisation de questionnaires par les élèves sur des thématiques propres à l’adolescence qu’ils avaient auparavant choisies les relations amoureuses et amicales entre adolescents, le rapport des adolescents à leur quartier et à la ville en général, les adolescents et l’organisation de leur temps. Les élèves ont ensuite distribué ces questionnaires à d’autres adolescents avant qu’une restitution des résultats ne leur soit faite en classe entière. Cette initiation à la sociologie a présentée plusieurs avantages. D’une part, elle a permis de faire comprendre aux élèves les enjeux déontologiques et scientifiques d’une enquête. Ces derniers ont ainsi dû expliquer à d’autres adolescents, qu’ils n’avaient parfois jamais vus, que des réponses personnelles, par exemple sur leur sexualité, étaient anonymes et donneraient lieu à une restitution en classe, sans que leur nom soit révélé. Ils ont également dû faire comprendre à ces adolescents en quoi leurs réponses présentaient un intérêt de recherche. Les élèves ont ainsi pu saisir en pratique ce qu’impliquait de se prêter à une enquête sociologique. Cette initiation offrait également des avantages sur le plan scientifique. Si les thèmes des questionnaires étaient divers, ils posaient en filigrane des questions propres à ma recherche, en particulier les disparités entre filles et garçons sur les horaires de sortie. La restitution des résultats des questionnaires en classe entière a ainsi donné lieu à des discussions très fournies et a obligé les élèves à réfléchir et à argumenter sur certaines spécificités de leurs pratiques. Elle a également permis de libérer la parole de certains jeunes et de préparer ainsi les entretiens individuels qui ont suivi. Le côté ludique de la réalisation et de la passation des questionnaires a également pu contribuer à créer une relation de confiance avec les adolescents et à favoriser leur participation ultérieure à ces entretiens. Enfin, dans certains projets il a été décidé que les élèves ne distribueraient pas seulement le questionnaire aux adolescents de leur quartier mais également de manière collective à la sortie de grands lycées du centre de Paris. Cela avait pour premier avantage de faire réfléchir les élèves sur les disparités entre adolescents banlieusards et parisiens. Plus largement, cela donnait l’occasion à certains élèves qui ne s’y étaient jamais rendus, de fréquenter les quartiers centraux de Paris. Ils étaient ainsi confrontés, lors de la distribution en tête à tête des questionnaires, à l’altérité d’adolescents d’un autre milieu social. Une partie des élèves se rendaient ainsi initialement à contrecœur à Paris, ayant peur que personne n’accepte de répondre à leurs questions. S’ils avaient au début faiblement confiance en eux, ils se sont rendus peu à peu compte qu’ils pouvaient réussir à obtenir l’attention des adolescents parisiens, le statut d’enquêteur permettant par ailleurs de suspendre le temps d’une interaction le stigmate social dont une partie se sentait porteuse. Lien de cause à effet ou non, ces élèves ont été ensuite beaucoup plus nombreux que la moyenne à effectuer leur stage professionnalisant dans Paris intra-muros. Le but premier de la recherche était la production de connaissance, et non de faire évoluer, même à la marge, les compétences de mobilité des élèves. Néanmoins, cette distribution du questionnaire dans Paris, ainsi que l’enthousiasme d’une majorité des élèves pour les projets, offrait également l’avantage d’apaiser mes interrogations sur l’utilité immédiate de ma recherche. Parallèlement ou après cette initiation à la sociologie, les élèves menaient également des travaux d’écriture et photographique sur le thème de la ville et des mobilités. Ces travaux permettaient de préparer les entretiens ultérieurs en donnant un côté ludique à la recherche, en renforçant ou en créant une relation de confiance avec les adolescents et en favorisant le retour réflexif sur leurs pratiques. Ils donnaient également des informations directes sur les pratiques de mobilité de ces adolescents. La prise de photographies des élèves sur leurs mobilités a été faite selon deux grandes modalités, en raison de différentes contraintes financières. Lorsque j’ai réussi à obtenir des financements, du Conseil Départemental de Seine Saint Denis ou des classes APAC du rectorat, les élèves étaient accompagnés par un photographe professionnel durant une après-midi. En l’absence de financement, les élèves prenaient eux-mêmes des photographies sur leur quartier ou les lieux fréquentés durant leur mobilité, à l’aide d’appareils jetables distribués ou le plus souvent avec leur propre appareil ou téléphone portable. Ces photographies permettaient d’intégrer de manière ludique des adolescents pouvant avoir des difficultés ou une réticence initiales à verbaliser leurs pratiques. La présence du photographe professionnel présentait l’avantage supplémentaire de permettre une initiation à la photographie, ainsi qu’une familiarisation à certains lieux qu’ils ne connaissaient pas, les déplacements se faisant le plus souvent par groupe de trois. Au niveau scientifique, ces déplacements ont permis un retour réflexif des jeunes sur les lieux qu’ils fréquentent, ces derniers explicitant durant le trajet pourquoi ils choisissaient ce lieu, ce qu’il leur évoquait, pourquoi ils insistaient sur tel aspect dans leur prise de vue, etc. Ils me permettaient également de renforcer la relation de confiance avec les jeunes et de pouvoir ensuite faire un retour approfondi sur les lieux photographiés durant l’entretien individuel. Figure 1 Photographie et texte d’un élève de troisième générale avril 2009 Ces prises de photographies ont été complétées par un travail d’écriture des élèves, soit directement à partir des clichés, soit en s’appuyant sur des descriptions urbaines d’écrivains. Je craignais que cette dimension du projet soit perçue comme trop scolaire, mais elle a recueilli l’adhésion de la majorité. Cela s’explique sans doute par la liberté de forme dont ils disposaient pour décrire leur quartier et leur rapport à la ville écriture de slams, de poèmes, description neutre du quartier de résidence ou des lieux fréquentés en s’inspirant des œuvres de Georges Pérec dans Espèces d’espaces. J’ai choisi, en commun avec les professeurs de Français, ce livre comme support d’aide aux élèves pour décrire leur quartier, car il contient de nombreux passages qui fournissent un mode d’emploi des descriptions sociologiques sur la ville Becker, 2010. Figure 2 Texte d’un élève de seconde générale mars 2009 Ma rue,…, je dois parler de ma rue… très bien. Comment ? Le plus platement possible, d’accord, j’me lance. Tout d’abord je n’ai pas vraiment de rue. C’est plutôt un grand bâtiment donnant sur un parking. Sur ce parking de 34 places, une quarantaine de voitures sont stationnées. Il est 19 heures, tout est normal comme d’habitude. Du haut de mes 15 étages je peux apercevoir une grosse flaque d’huile se déversant d’une voiture sans roue, les restes d’une voiture brûlée volontairement d’un acte criminel. De chez moi, je peux voir pratiquement tout le Bois Saint Denis, l’aéroport Charles de Gaulle et ses trois terminaux ses trois tours de contrôle et ses quelques 500 vols par jour, une bonne partie du centre-ville et son brouhaha, l’enseigne de Leroy Merlin » de Livry Gargan clignotant toutes les trois secondes et demie, et le phare de Paris, l’œil de Paris brillant de mille feux à la tombée de la nuit, tournoyant et m’éblouissant à vingt quatre secondes d’intervalle. En bas, devant mon hall, on peut entendre un jeune murmurer à un vieillard J’te donne une dix ». Le vieux répondit Non, je, je…je veux une trente ! ». Ah nan ici, c’est moi qui choisis, j’te passe une dix ! Un point c’est tout ! ». Très bien tu as gagné, donne moi une ». Ou bien un autre, encore plus jeune, essayant de suivre les paroles, incompréhensibles pour lui, d’un rappeur américain qu’il a soigneusement téléchargées illégalement et mis sur son I-Pod vidéo troisième génération huit gigas, qu’il a volé à un pauvre homme dans le RER il s’en vante tous les jours. Sur le mur qui fait face au parking, on remarque que le numéro de mon immeuble est le quatre-vingt treize ou plutôt le trois avec, peint à la peinture blanche, un neuf devant, pour rendre le bâtiment plus beau. C’est bien, c’est créatif, comme quoi avec peu on peut faire beaucoup. Sur le mur de la gauche, un petit dégradé de couleurs qui devient de plus en plus foncé. C’est le jeune qui écoutait du rap US » qui vient d’arriver ici. Il n’habite pas dans ce bâtiment, mais il y reste jour et nuit et il n’a aucune honte ou pudeur. Ah ! Je viens de voir un petit garçon seul qui a failli se faire renverser par une Renault 25 qui voulait se garer. Le petit courait derrière son ballon Némo en pleurant car il avait été percé par le chien d’un jeune qui, faisant des tractions à l’arrêt de bus frime avec ses muscles et ses deux bébés Rottweiler. Les deux Rottweilers ont les oreilles et la queue coupées aux ciseaux par leur maître, car comme ces chiens font des combats, il vaut mieux qu’elles soient coupées, car si, lors d’un combat, l’un d’eux perd une oreille, ce pourrait être très embêtant et humiliant pour le maître. Une bande d’adolescents, sûrement collégiens, avec leurs cartables imbibés de Tipex, viennent de passer dire bonjour aux jeunes postés devant mon bâtiment, ils prennent sur eux alors qu’il ne le faut pas ! Après les avoir salués, ils reprennent leur balade avec ce qu’ils appellent une dégaine. J’appelle ça boiter mais c’est leur choix. Ils rencontrent deux jeunes demoiselles fashion », les adolescents se ruent sur elles comme s’ils avaient aperçus leur idole. Certains leur font la bise et d’autres leur serrent la main pour montrer leur indifférence. Ils partent ensemble sur le côté du bâtiment que je ne peux pas observer. Je ferme la fenêtre de ma cuisine d’où je vous décris mon environnement quotidien, grâce à des jumelles que j’ai utilisées pour plus de précision. La fermeture de cette fenêtre permet une coupure entre le bruit assourdissant des klaxons du 619 et le calme régnant dans ma maison. J’espère que cette description vous a permis de plonger au cœur de ma rue. Comme pour les photographies, ces textes me servaient de support aux entretiens ultérieurs, avec lesquels ils entraient bien souvent en cohérence. Ils témoignaient ainsi avec finesse de différents rapports entretenus au quartier de résidence, parfois mieux décrits dans les récits des jeunes que dans leurs propos. L’ensemble des textes et photographies réalisés, couplé aux résultats des questionnaires, ont ensuite donné lieu à des opérations de valorisation, afin que les élèves puissent voir le résultat de leur travail. Il leur était ainsi demandé, le plus souvent au début des projets, le mode de restitution de leur travail ayant leur préférence. Cette restitution a alors prise différentes formes mise en place d’un blog, expositions dans les halls des établissements, au centre de documentation ou lors de journées portes ouvertes, réalisation d’un petit livret financé par le Conseil général de Seine Saint Denis… A la suite de la réalisation des questionnaires, textes et photographies, des entretiens individuels d’une heure étaient proposés. Il avait été bien expliqué que ces entretiens n’étaient pas obligatoires, bien qu’ils aient lieu le plus souvent durant les heures de cours et dans l’enceinte des établissements. La quasi-totalité des élèves ont accepté de se prêter au jeu, en raison sans doute de la bonne réception du projet dans son ensemble la majorité des élèves se montra ainsi enthousiaste à l’égard d’activités qui sortaient du cadre scolaire habituel, y compris les élèves en difficulté et ayant un rapport compliqué à l’institution scolaire. Cela s’explique sans doute en partie par le fait que les mobilités ne soient pas un sujet trop intime, les élèves pouvant parler de ce thème entre eux. Il n’est ainsi pas certain que de tels projets aient pu être menés sur le thème de la sexualité. Néanmoins, une minorité d’élèves sont restés en retrait, ne manifestant au contraire de leurs camarades aucun enthousiasme. Il s’agissait principalement d’élèves introvertis ou avec une fréquentation très épisodique des établissements scolaires. Ces derniers ont certes accepté ensuite le principe d’un entretien, mais ils me confièrent ensuite que leur motivation principale était de manquer des heures de cours. Je n’ai pas sollicité une autorisation des parents pour la réalisation de ces entretiens, pour les raisons exposées au début de cet article. L’absence d’autorisation me semblait d’autant moins problématique au niveau déontologique, que les entretiens étaient réalisés après que la réalisation et passation des questionnaires aient fait comprendre aux élèves ce que signifiait de participer à une enquête de sociologie. Le principe de l’enregistrement ayant été toujours accepté à trois exceptions près, une version sur CD était remise au jeune quelques jours après la réalisation de l’entretien, à la demande initiale d’une grande partie des élèves. J’ai également interrogé systématiquement les adolescents à la fin de l’entretien sur leur ressenti, la plupart me confiant à cette occasion leur satisfaction. Plusieurs d’entre eux me déclarèrent que cet entretien leur avait permis de mieux comprendre que la mobilité n’était pas innée et qu’ils avaient dû apprendre à se confronter à l’altérité. Il s’agissait néanmoins essentiellement d’adolescents ayant des pratiques de mobilité spécifiques, très fortement tournées vers la flânerie urbaine. D’autres, plus rares, me confièrent leur impression d’avoir expérimenté une séance de psy » leur ayant permis de mieux se connaître, confirmant ainsi que l’entretien avait permis un retour réflexif sur les pratiques. Enfin, une partie des élèves ayant peu l’occasion de se déplacer en dehors de leur quartier souligna que cela leur avait fait du bien de parler des problèmes de leur vie quotidienne à un intervenant extérieur. Ce questionnement immédiat sur leur ressenti n’était pas la seule occasion d’échange avec les élèves sur les entretiens. En effet, une fois les entretiens réalisés avec l’ensemble des volontaires, une séance de restitution était organisée en classe entière, suivie d’un débat sur les principaux résultats obtenus. Cette restitution était guidée à l’origine par des considérations déontologiques. Elle eut néanmoins des répercussions importantes au niveau des résultats scientifiques de ma recherche, en particulier sur la typologie des jeunes que j’avais effectuée en fonction de leurs pratiques de mobilité. Des jeunes, issus de différents établissements scolaires, sont venus ainsi me confier à la fin de la restitution qu’ils comprenaient ma typologie mais qu’ils se reconnaissaient en partie dans deux catégories. Ces remarques m’incitèrent à porter une attention plus soutenue aux processus d’apprentissage et de socialisation multiple des adolescents. Elles me permirent ainsi de complexifier mon approche initiale trop statique et rigoriste de la typologie. Conclusion La méthode que je viens d’exposer d’une co-construction d’une recherche avec des adolescents possède donc des avantages éthiques et scientifiques. Elle était en tout cas adaptée à mon objet de recherche consistant à mieux comprendre les différentes épreuves auxquelles sont confrontés les adolescents de ZUS durant leurs mobilités. Elle ne prend sens qu’en complémentarité avec les autres matériaux ethnographiques et statistiques recueillis. Ces différentes méthodes s’éclairent mutuellement et soulèvent chacune des difficultés éthiques et scientifiques propres. J’ai cependant tiré deux enseignements majeurs de cette méthode relativement originale consistant à faire des adolescents des partenaires de recherche et non un simple objet d’étude. D’une part, les dimensions éthiques et scientifiques d’une recherche sur les adolescents ne sont guère dissociables, la méthode de collecte de données influant fortement sur le matériau recueilli. D’autre part, les adolescents sont sans nul doute compétents pour interpréter ce que la sociologie dit à leur propos. Ils ne sont ainsi pas les simples réceptacles d’une socialisation familiale ou dans l’apprentissage de normes comme on les présente souvent, mais également des acteurs capables et souvent désireux d’avoir un regard réflexif sur leurs pratiques. Bibliographie ALDERSON P. 1995 Listening to Children Children, Ethics and Social Research, Londres, Barnardo’s, 130p. BECKER H. 2010 Comment parler de la société ? Artistes, écrivains, chercheurs et représentations sociales, Paris, La Découverte, 320p. BELL N. 2008 Ethics in child research rights, reason and responsibilities », Children’s Geographies, 6/1, BREVIGLIERI M. 2007 Ouvrir le monde en personne. Une anthropologie des adolescences », in Breviglieri M., Cicchelli V., Adolescences méditerranéennes. 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